Django Cissoko à la Primature : la guerre ou la négociation ?

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Des élections dans un Mali partiellement ou totalement libéré ? La gestion des 400 militaires instructeurs européens auprès de nos forces de défense et de sécurité : de gros challenges en perspectives… Comme chacun le sait, c’est un administrateur chevronné, grand connaisseur des dossiers et un négociateur talentueux en la personne de Diango Cissoko qui dirigera le nouveau gouvernement de la Transition.

Django Cissoko, Premier ministre

Le choix a été unanimement salué par l’ensemble de la classe politique malienne et par la communauté internationale, tant l’homme est crédité d’un préjugé plutôt favorable. Toutefois, il est clair que le travail qui attend le nouveau Premier ministre est très délicat et qu’il lui faudra beaucoup de tact et de courage pour réussir les deux grandes missions que sont : la libération du Nord du Mali et l’organisation d’élections transparentes, justes et crédibles. Ce qui est loin d’être une sinécure.

Concernant le règlement du conflit au Nord, le Premier ministre sera vite confronté à un dilemme pour éviter une autre crispation politique : privilégier ou non la guerre ou la négociation avec les différents groupes armés. Comment trouver le juste milieu face à une opinion nationale majoritairement favorable à une action armée et aux différents acteurs internationaux de la crise qui penchent plutôt pour une solution négociée ?

Invité de l’émission «Internationales» de RFI/TV5/Le Monde de dimanche 16 décembre  2012, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius dira que la gestion du dossier Mali se résume à trois (3) aspects : la négociation d’abord avec ceux qui sont pour la laïcité et l’intégrité territoriale du pays, ensuite l’aspect humanitaire et enfin l’aspect sécuritaire contre les narcotrafiquants et les terroristes. Il dit pouvoir comprendre la position algérienne qui se rapproche de jour en jour avec celle de la France. Laurent Fabius a fait savoir qu’il recevra dans cette semaine son homologue malien Tieman Hubert Coulibaly, certainement pour lui signifier le soutien de la France dans cette logique de négociation avec le MNLA et Ançar Dine. Mais le peuple malien dans sa majorité voit d’un mauvais œil une quelconque négociation avec le MNLA qui serait responsable de tout le mal que connaît le pays depuis janvier 2012.

C’est le MNLA qui a entraîné dans son sillage tous les autres groupes extrémistes qui continuent de faire subir aux populations du Nord les pires atrocités. L’expression «négociation inévitable» lâchée par l’ancien PM depuis Ouagadougou a fait couler beaucoup d’encre et de salive à Bamako. Mais cette attitude de l’ancien Premier ministre, serait-on tenté de le dire, n’était pas fortuit. En effet, pendant que le Conseil de sécurité des Nations unies s’apprêtait à voter une résolution pour une intervention armée au Sahel, des voix et non des moindres se sont élevées ces derniers temps pour y opposer des réserves. Que ce soit l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies Romano Prodi, ou encore l’Algérie, le Burkina Faso (médiateur) en passant par Saïd Djinit (qui aurait écrit le fameux rapport de Ban Ki Moon transmis au Conseil de sécurité), sans compter certains milieux religieux et une frange de l’opinion malienne comme «Le Forum pour un autre Mali» de Aminata Dramane Traoré, certains élus du Nord, tous ceux-ci préconisent avec force le dialogue et la négociation comme solution appropriée au problème du Nord. Or, l’intérêt du Mali ne recommande-t-il pas une intervention rapide pour libérer le Nord afin que les élections générales puissent se tenir le plus vite possible ? Avec le vote probable de la résolution des Nations unies, le gouvernement de Diango Cissoko fera-t-il le choix d’aller directement à une intervention armée et négocier après ? Les Maliens jugeront le Premier ministre Diango Cissoko sur cette question.

Quid de cette confusion au niveau même de la CEDEAO, comme l’a justement observé le président Idriss Déby Itno du Tchad ? Si le Burkina, pays médiateur et certains pays du champ comme l’Algérie envisagent une solution négociée, les présidents Alassane Ouattara, Macky Sall et Thomas Boni Yayi sont favorables à une intervention armée rapide. Les présidents Ouattara et Compaoré sont opposés dans leur approche. De toute façon, l’axe Algérie-Burkina-Romano Prodi-Said Djinit-Ban Ki Moon paraît plus solide que celui de l’axe Mali-Niger-Union Africaine-CEDEAO. D’ailleurs, il est fort à parier que le médiateur Burkinabè Blaise Compaoré avec qui Diango Cissoko prendra langue certainement dans les jours à venir, poussera ce dernier à privilégier le dialogue et à lui proposer un canevas de négociation avec le MNLA et le groupe Ançar Dine. Ce qui ne sera pas du goût de l’opinion malienne qui va considérer cette attitude comme une faiblesse du gouvernement Diango. Aux dernières nouvelles, le MNLA et Ançar Dine viennent de signer à Alger un accord pour négocier avec le gouvernement de transition.

L’autre mission difficile dont on attend beaucoup le nouveau Premier ministre reste sans doute l’organisation des élections. Là aussi, des divergences pourraient avoir lieu avec cette équation : faut-il organiser les élections avec tout le territoire entièrement libéré ou avec seulement les trois capitales régionales (Gao, Tombouctou et Kidal) ? Pour certains, notamment les Etats Unis, des élections peuvent être organisées une fois ces trois capitales du Nord libérées. Les occidentaux tenteront de convaincre le gouvernement Diango d’aller dans ce sens. Il lui faut une décision claire et sans ambages sur ce point également. Déjà, son interview sur RFI de ce mardi 18/12/12 semble indiquer qu’il n’est pas exclu que des élections soient organisées dans des grandes agglomérations du Nord et dans des camps des réfugiés. Ce choix serait-il l’avis de l’ex-junte ? En tout cas, son représentant dans le gouvernement en la personne du Colonel Moussa Sinko Coulibaly, ministre de l’Administration territoriale, écartait fortement cette hypothèse, il y a peu. Pour lui, pas question d’organiser des élections dans une seule partie du territoire malien.

Enfin, il y a la question de l’arrivée des centaines d’instructeurs militaires européens au Mali prévue pour janvier-février 2013. Qu’est-ce que le gouvernement prévoit comme agenda pour ces 400 formateurs qui seront là pour appuyer les forces maliennes ? Quelles seront les limites de leur intervention aux côtés de l’armée pour ne pas heurter les sensibilités de nos forces armées et de sécurité ? Ces formateurs européens seront-ils basés à Bamako ou à Koulikoro ? Rien n’est décidé dans ce sens. Il reviendra au gouvernement Diango d’anticiper sur cette question pour éviter une crispation avec l’ex-junte dans la manière d’opérationnalisation de ces soldats européens aux côtés de nos militaires. Comme on le voit, la tâche est ardue pour le Premier ministre Diango Cissoko. Plus qu’administrative, il lui faudra une gestion hautement politique. Sa réussite dépendra de sa capacité à faire des choix avec doigté, sans confusion et parvenir à arrondir les angles face à une multitude d’acteurs en tenant compte des susceptibilités des uns et des autres. Ce ne sera pas avec la ruse qu’on pourra gérer ces deux principales missions, mais plutôt avec pragmatisme, intelligence, courage et surtout avec décision, car comme l’a si bien dit feu Boubacar Sada SY, ancien ministre de la Défense nationale «quand on est responsable, c’est pour prendre des décisions difficiles».

Sidiki BOUARE

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1 commentaire

  1. Espérons que la diplomatie malienne à Ouaga, Abidjan, Cotonou, Dakar, dans d’autres Capitales africaines ou mondiales, nous aidera rapidement à réunir :
    – LES 3300 HOMMES DE LA CEDEAO ;
    – LES 200 MILLIONS DE DOLLARS,
    – LES APPUIS AERIENS,
    – l’opérationnalisation d’un système de RENSEIGNEMENT FIABLE AVEC LES NOMADES,
    – ET LA MISE EN PLACE DE BRIGADES D’AUTODEFENSE ENCADREES PAR L’ARMEE DANS TOUS LES VILLAGES ET VILLES DE LA LIGNE DE FRONT. Sinon, Django sera CMD. Et les sites dégarnis continueront d’être la proie idéale des bandits armés, comme aujourd’hui, comme aux derniers jours d’ATT. Et le CNDERRIERE continuera à nous terroriser au Sud.

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