La conjugaison des conséquences d’un certain nombre d’évènements et de scandales survenus ces dernières années dans la famille judicaire a contribué à faire chuter considérablement la cote de popularité de l’ancienne patronne du département de la justice, Garde des sceaux, Me Fanta Sylla, dont les chances de reconduction dans la nouvelle équipe gouvernementale étaient fortement réduites. Comment s’est-elle livrée à la liquidation ? Son successeur peut-il faire mieux faire ? Quels sont les défis qui l’attendent ? Explications.
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On connaît depuis mercredi les 26 nouveaux membres de l’équipe Modibo Sidibé au titre du deuxième quinquennat du président ATT. La formation de la présente équipe gouvernementale, remaniée à plus de 80%, a décidemment consacré le départ programmé de plusieurs membres. Au nombre ceux-ci figurait celui de la ministre de la justice, Garde des sceaux, Me Fanta Sylla, dont l’incapacité à pouvoir gérer un département aussi sensible, était devenue des plus évidentes. Selon toute vraisemblance, le piètre résultat enregistré par l’ancienne bâtonnière de l’Ordre des avocats du Mali au cours de son séjour avait fait prédire sa relève par beaucoup d’observateurs de la gestion des affaires publiques de notre pays.
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En clair, la conjugaison des conséquences d’un certain nombre d’évènements et de scandales de premier rang survenus ces dernières années dans la famille judicaire l’ont sérieusement ébranlée et ont contribué à faire chuter sa cote de popularité non seulement auprès d’une population qui de plus en plus a soif de justice, mais également auprès du patron de Koulouba qui, au cours des différentes éditions de la rentrée des Cours et Tribunaux, a promis à ses concitoyens d’œuvrer pour une justice au service de ses usagers.
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Au nombre, en effet, de ces évènements, on citera entre autres les récentes mutations des magistrats et des huissiers de justice effectuées, selon les professionnels de la justice, en violation flagrante des dispositions réglementaires. L’affaire qui avait défrayé la chronique des milieux judicaires a provoqué et continue de provoquer un véritable tollé. Non contents de ce qu’ils conviennent de qualifier de « mutations arbitraires » se caractérisant, disent-ils, par un règlement de comptes qui ne dit pas son nom, ils sont aujourd’hui nombreux, ces juges et magistrats du siège, à ne jamais vouloir pardonner à Me Fanta Sylla et étaient décidés à en découdre définitivement avec elle.
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Aussi, après de nombreux fiascos judiciaires, devant lesquels Mme le ministre n’a pu prendre aucune disposition disciplinaire, un coup dur a été porté à la crédibilité de la justice de notre pays et a brisé de nombreux espoirs d’un nombre important de citoyens qui, ayant soif de justice, attendent d’elle des actes concrets pour placer leur confiance en elle. L’affaire dite des 300 millions au niveau du tribunal de Première instance de la Commune V et celle dite du juge de Yélimané accusé de corruption et d’abus sur les populations, en sont des illustrations assez parfaites.
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La dernière (l’affaire du juge de Yélimané), de par son caractère inédit, avait sérieusement défrayé la chronique tant dans les milieux judicaires que politiques. L’interpellation l’année dernière par le député de la localité, Gassama Diaby, sur le sujet a été véritablement à l’origine d’une crise institutionnelle sans précédent (car première du genre dans notre pays depuis l’avènement de la démocratie) entre l’Assemblée, le Gouvernement et la Magistrature. A présent l’on s’interroge sur la suite donnée à cette affaire du juge, dont le dossier n’aurait pu être clos que grâce à l’intervention personnelle du chef de l’Etat, en sa qualité de chef suprême de la magistrature.
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D’autres déboires de l’appareil judicaire, qui ont été fortement décriés par les citoyens lors des éditions récentes de l’Espace d’interpellation démocratique, EID, sont venus en rajouter à une situation visiblement détériorée pour Me Fanta qui ne savait plus à quel saint se vouer devant la multiplicité des situations délicates qu’elle avait sur sa table. Comme si celles-ci ne suffisaient pas, le bras de fer engagé avec l’Association malienne de défense des droits de l’homme, AMDH, en 2005, n’est pas resté sans conséquences. Face en effet à son refus catégorique d’autoriser, en son temps, l’accès aux centres de détention du pays pour l’élaboration de son rapport annuel sur la situation des droits de l’homme au Mali, notamment dans les prisons, Mme le Garde des sceaux s’est attiré les foudres des défenseurs de la cause qui estimaient qu’elle « constituait un obstacle sérieux à la protection et à la promotion des droits humains au Mali ».
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La presse en avait fait en son temps un large écho. Comme pour dire que la rupture était véritablement consommée entre Mme le ministre et l’organisation de défense des droits de l’homme. Pouvait-elle vraiment compter sur ATT dans son entêtement ? Non, sans nul doute. Car au moment où le Mali se plaît à être considéré au plan international comme « un modèle de démocratie », le chef de l’Etat n’avait nullement besoin d’une telle mauvaise publicité. En clair, pour la formation de cette nouvelle équipe gouvernementale, la mèche était dite pour l’ancienne bâtonnière de l’Ordre des avocats du Mali. Son successeur aura-t-il alors la tâche facile ? Evidemment non. Mais il peut mieux faire.
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Reconnu par ses proches collaborateurs pour son « sens élevé de la responsabilité et de la rigueur dans le travail », le tout nouveau patron du département de la justice, M. Marafa Ba Traoré, peut bel et bien relever les défis qui lui sont assignés. Mais d’ores et déjà, il devra s’attaquer à un certain nombre de priorités comme l’assainissement de la justice, la restauration de la confiance des usagers en leur justice, la réunification de la famille judicaire (à travers le règlement du contentieux entre le Syndicat autonome de la magistrature, SAM, et le Syndicat libre de la magistrature, SYLMA), le désengorgement des prisons et la protection des libertés des détenus à travers le respect de la durée de la détention préventive.
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Issa Fakaba Sissoko
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