Pour autant qu’elle soit retardée par des manœuvres dilatoires, assujettie aux circonstances ou aux hésitations de son employeur, une destitution du Premier Ministre Modibo Sidibé n’en est pas moins justifiée. Par delà les considérations subjectives, la mesure s’impose par une combinaison de facteurs objectifs totalement réunis.
Sous la conduite de l’ancien Secrétaire Général de la Présidence, le Gouvernement combine manifestement les hauts et des bas, les réussites et insuccès, et porte le laurier des actifs tout comme il traine les boulets de passifs de trois années écoulées sur le second quinquennat. Quoiqu’il partage logiquement le bilan globalement positif du chef de l’Etat – pour être associable à tous les actes lourds qui font la fierté du chef de l’Etat -, l’équipe de Modibo Sidibé n’en est pas moins comptable de désillusions, déceptions et attentes non comblés. Et par delà les enviables chantiers d’un régime, les Maliens restent manifestement sur leur faim quant aux merveilles annoncés dans bien des domaines, depuis la Déclaration de Politique Générale au début de la deuxième législature.
Les méandres où l’école malienne est replongée ne sont qu’une illustration très actuelle parmi les nombreux signaux révélateurs des tares et de l’essoufflement constatés chez le Gouvernement. Avec tant de ressources consenties pour son redressement, dans le cadre notamment d’un Forum concocté par Modibo Sidibé et l’actuel Ministre de l’Education de base, il est tout à fait logique que l’amertume de l’échec se confond à la stupéfaction de concitoyens médusés devant le spectacle qu’offre la réinstallation progressive des démons dans le secteur de l’école.
Ce n’est cependant pas l’unique domaine où le Gouvernement, sous la conduite de M. Sidibé, surprend par des tours aussi déconcertants. Dès la première année de son avènement, le même Premier Ministre délestait le trésor public à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de nos francs, au détour notamment de la fameuse et inoubliable "Initiative Riz". En lieu et place de l’abondance promise, une disette inattendue s’est plutôt abattue sur les consommateurs maliens, donnant l’occasion à d’impitoyables cartels d’importateurs de racler les maigres économies ménagères.
S’y ajoute, toujours pour le compte des passifs, une crise de trésorerie de toute évidence entretenue au gré des profits qu’en tirent les cercles de prébendiers et autres habiles manœuvriers du secteur malien des finances.
Mais disons-le tout de suite : point n’est besoin d’en juger par la faiblesse des résultats ou d’additionner les contre- performances pour justifier une destitution du Gouvernement actuel. Par delà les considérations pouvant tenir du jugement de valeur ou d’appréciations plus ou moins subjectives, un changement s’impose davantage par la combinaison de facteurs qui tiennent aussi bien d’un besoin d’efficacité que du respect des principes d’équité et d’égalité des chances.
La première justification d’un remaniement a ainsi trait aux ambitions présidentielles d’un Premier Ministre qui abuse allègrement d’une position dominante pour implanter ses tentacules dans les formations politiques les plus pourvoyeuses d’électorat. Si la démarche était naguère conduite avec mesure et timidité, elle s’opère avec d’autant moins de retenue que le dernier quinquennat tire vers sa fin.
La donne n’a pas seulement pour implication logique d’orienter l’action et les initiatives gouvernementales dans le sens des desseins affichés du Premier Ministre. Une autre de ses conséquences a trait à la confrontation des ambitions du PM avec d’autres velléités tapies dans une équipe où les symptômes du manque d’homogénéité apparaissent dans le degré du culte voué au PDES.
De cet état de fait découle une autre raison – et non des moindres – pour se défaire de l’actuel Gouvernement. Il s’agit de la donne occasionnée par la dernière Convention du Mouvement Citoyen où pas moins d’une dizaine de membres de l’institution gouvernementale ont ouvertement levé le voile sur leur tendance partisane, créant du coup une disproportion sans précédent entre les représentativités parlementaire et gouvernementale.
Si l’injustice était jusqu’ici tolérable du fait d’une ambigüité autour du statut de l’entité politique proche d’ATT, il n’y a plus de raison qu’elle perdure, dès l’instant que ce Mouvement est entré dans une phase décisive de son érection en formation politique, provoquant une saignée considérable dans les formations politiques.
Ajoutés aux calculs et manœuvres d’un Premier Ministre animé par des ambitions politiques antagoniques, les velléités du Mouvement contribuent à ravaler le gouvernement en une tribune plus utile au positionnement qu’aux missions régaliennes. Autant de raisons de s’en défaire.
N’Tji Diarra