Après la prise de fonction de Mme Cissé Mariam Kaidama Sidibé :La vérité reste à dire

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La participation à la nouvelle équipe gouvernementale est synonyme de neutralité face à l’élection présidentielle de 2012. Une situation complexe au regard des figures politiques de proue détenant des portefeuilles importants dans le Gouvernement de Mme Kaïdama Sidibé. Pour un régime, certains ne se sont- ils pas piégés, à moins de participer à dessein dans un schéma politique aux contours encore inconnus ? ATT joue au chef d’orchestre voilé. C’est normal, il faut le dire, c’est un para commando qui a toujours du plaisir à jouer au Maradona de la scène politique malienne.

Le récent remaniement ministériel a eu l’avantage de répondre à certaines interrogations relatives aux choix politiques de certains hommes et partis politiques de la place par rapport aux échéances électorales de 2012, notamment la présidentielle. Ainsi, on sait désormais avec certitude que Soumeylou Boubèye Maïga ne sera pas candidat à la fonction de président de la République l’année prochaine, lui qui, pourtant, s’est toujours battu pour que l’ADEMA présente un candidat sorti de ses rangs et, donc, réellement représentatif du parti de l’abeille. On sait aussi que Daba Diawara, non plus, ne le sera pas. Idem pour le flamboyant ministre de l’Equipement et des Transports et non moins président du PDES, Ahmed Diané Séméga. La même logique vaut pour tous ceux qui sont membres de l’actuelle équipe de Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé. Difficile choix cornélien pour des hommes marqués et qui sont des figures importantes du paysage politique malien. Mais, c’est le gage donné au locataire de Koulouba pour hériter des portefeuilles ministériels qui leur ont été confiés. Alors, ont- ils sacrifié leurs carrières pour des strapontins de circonstance ou participent-ils ainsi à la stratégie politique mise en place par Koulouba en vue de 2012 ? La vérité reste à dire.

Une neutralité pas évidente
L’idée, qui en partie a déterminé le choix des ministres du gouvernement actuel, c’est la neutralité de ceux qui sont chargés de l’organisation des futures élections. Cette attitude du président de la République est à saluer, même si l’on sait par ailleurs qu’elle est peu tenable et peu sont ceux qui peuvent se faire hara-kiri et accepter de ne rien voir au delà de l’horizon 2012.

On ne devient pas héritier par hasard. Ceci est davantage vrai en Afrique et au Mali et c’est une vérité de Lapalisse que d’affirmer que ATT n’est pas indifférent à ce qui va se passer après son départ de Koulouba. C’est dire qu’au-delà du réalisme des uns et des autres, du renoncement apparent de certains qui acceptent d’être pour un temps sous l’éteignoir, c’est un autre jeu qui commence. En clair, le repositionnement des uns et des autres pour 2012 a commencé le 03 avril dernier.

Ainsi, M. Diané Séméga n’a pas créé le PDES pour rien. Même boudé par ATT qui n’a jamais voulu s’en réclamer officiellement, avec le parti dit présidentiel (ou des amis du président de la République), le ministre de l’Equipement et des Transports se retrouve, quoi qu’on dise, avec une formidable machine électorale pour accompagner celui que son chef (ATT) voudra bien qu’il accompagne. Et cela tombe bien pour Séméga, jugé peut-être à tort, comme quantité négligeable ne pouvant pas en tout cas porter seul Modibo Sidibé à Koulouba. En effet l’ADEMA de Dioncounda, sollicité dans les coulisses pour adouber Modibo Sidibé, exige de ce dernier un certificat de bon militant, sésame que celui-ci n’a pu exhiber jusque-là. Faute de mieux, le PDES n’a pas été créé pour autre chose ; il est au cœur du schéma de ATT et soutiendra le candidat de ce dernier.

L’Adéma sera cassée
Quant à l’ADEMA, le brave Dioncounda a raison de défendre bec et ongles sa maison en disant : « trop, c’est trop ! Le Parti ne servira de marchepied à personne, son candidat sera ADEMA bon teint. » Mais, jusqu’où peut durer ce bras de fer s’il a été décidé autrement ailleurs dans les cercles du pouvoir ? Sans être un oiseau de mauvais augure, la méthode est connue et a payé jusque là : l’ADEMA va être cassée si Dioncounda refuse de se plier et, alors, Modibo Sidibé s’en ira bien avec un morceau. Les ministres en service ou même ceux qui ont été remerciés sont là pour la tâche. C’est là d’ailleurs le meilleur moyen de se projeter dans l’avenir surtout quant on sait qu’à l’expérience, les candidatures de protestation contre Koulouba ne payent pas. Mais cela suppose l’existence d’un scénario, voire d’un plan politique qui relève sinon du secret d’Etat, du moins de la stratégie militaire impliquant deux officiers généraux, l’un du corps d’élite des bérets rouges et l’autre de la police nationale. Car, la relève brutale de Modibo Sidibé de son poste de Premier ministre, quatre jours seulement après la commémoration des 20 ans de la Révolution de mars 1991, sent un piège gigantesque. En tout cas, et nul ne songera certainement à contester cela, l’affaire est encore la plus grande énigme du Mali contemporain au sens que le secret qui l’enveloppe est trop épais pour être éventé. En effet, jamais gouvernement n’a été démis au Mali comme le fut celui que dirigeait Modibo Sidibé depuis bientôt quatre ans. Jamais non plus dans notre pays la fin d’un attelage gouvernemental n’a autant laissé pantois l’ensemble des acteurs politiques et la société civile. Que le chef de l’Etat demeure toujours muet sur un épisode aussi insolite peut autant relever de la discrétion du chef responsable que des manœuvres vertigineuses d’un dribbleur impénitent. Certaines façons de faire pourraient très bien cacher des intentions inavouables. Mais observons.

Modibo Sidibé ou Soumaïla Cissé
Devenir ministre pour se projeter dans l’avenir en ayant conscience que le Palais est tout puissant ou pour accepter jouer une partition de saison, fait bien partie du jeu. On peut penser que c’est d’ailleurs cette leçon qu’a retenue M. Daba Diawara qui a préféré s’inscrire dans l’après- 2012. La pêche aux voix a été jusque là bien maigre pour lui dans le contexte d’hostilité où Alpha Oumar Konaré l’avait relégué. Aujourd’hui réhabilité, il a peut- être raison de jouer la carte de l’expert auquel on a fait appel au lieu de celle de l’homme politique à l’avenir incertain.

Au total, ATT joue au chef d’orchestre voilé. En disant à ses ministres « au travail ! », il n’oublie pas d’assigner à chacun une double mission : celle officielle au service de l’Etat et celle officieuse de contribuer au triomphe de son successeur. Si son choix portait sur Modibo Sidibé comme bien de signes le laissent croire, l’ADEMA et ses premiers responsables devront s’attendre à des jours difficiles. Si, au contraire, il portait sur Soumaila Cissé, ce qui honorerait, selon la rumeur publique, un gentleman agreement passé entre les deux hommes au lendemain des élections de 2007 à laquelle le fondateur du parti de la poignée de mains n’a pas cru devoir prendre part, Mme Cissé Mariam Kaïdama et les ministres URD- restés tous en place, détail significatif- feraient l’affaire. En tout cas le para commando qui, non content d’avoir troqué depuis 2002 la casquette militaire contre celle du politicien avisé, a pris du plaisir à jouer au Maradona de la scène politique malienne.
Housseyni Barry

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