Analyse : Autopsie d’un gouvernement usé

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Modibo Sidibé est Premier Ministre depuis trois ans. Son Gouvernement se compose d’hommes et femmes de valeur inégale. Option a tenté de camper les atouts et les faiblesses de chaque membre de cet attelage. En filigrane, ceux qui ont des chances de poursuivre une vie après ATT.

 

Après le Premier Ministre, nous avons classé les ministres en différentes catégories (les poids lourds, les poids légers, les poids plumes… et les sursitaires) afin de mieux orienter le lecteur. Simple exercice ludique qui ne se veut point un précis de sciences politiques.

 

Les poids lourds

 

Modibo Sidibé : Avant de  prendre possession de primature, il a été ministre pendant 10 ans sous l’ADEMA et Segal de la Présidence pendant 5 ans. Malgré cet impressionnant cursus, il existe toujours un halo de mystère autour de l’homme que l’on dit distant et asocial. A part l’Initiative riz dont les comptes et mécomptes n’ont pas encore été totalement faits, il n’a rien accompli qui marque les esprits et laisse une empreinte indélébile. Dans les dossiers du Nord, du Code de la famille, du Bè bi ba bolo ou du Fonds de lutte contre le palu, le fusible d’ATT est toujours dans le registre des abonnés absents. S’il a franchement l’intention de briguer la présidence, il devra ramer dur pour apprendre à serrer les mains sans gants et distribuer de la chaleur humaine. Il a une solide relation avec son patron.

 

Iba Ndiaye : Cela peut paraître paradoxal, mais Iba est un fidèle parmi les fidèles du général. Vous n’entendrez jamais de sa bouche, un mot de travers sur ATT, même en privé. Malgré sa position au Gouvernement et au sein de l’ADEMA, Iba a toujours du mal à se débarrasser de cette tenace image de clown gouailleur qui part aux débats sûr de sa vérité.

 

Kafougouna Koné : Sans doute l’homme pour qui ATT a le plus de respect et de considération, tant dans le civil que dans le militaire. Sans l’appui de son « grand-frère », le président aurait craqué sous la pression depuis la Transition. En plus, le général Kaf dispose d’un réel capital de sympathie auprès de la population parce qu’il a gagné ses galons sur les champs de bataille. Il est cependant au bout du rouleau avec 45 ans de service actif. Il pourrait exiger son propre départ.

 

Ahmed Diane Séméga : C’est le genre de ministre, gladiateur et téméraire, dont rêve tout politicien pragmatique. Séméga ne connaît pas la demi-mesure  ou la félonie. Il avoue publiquement qu’il doit tout à ATT. Il ne fuit jamais les débats d’idées et ne se considère ennemi de personne. L’affaire des 11 millions dépensés en thé, sucre et café le hantera encore  longtemps. Il faut lui reconnaître malgré tout un mérite : c’est un des meilleurs ministres d’ATT.  Cultivé et curieux, ll lit énormément.  Toutefois, à la tête du PDES, le ministre de l’Equipement  apprendra très vite que la politique active est fondamentalement différente de la gestion d’un ministère.

 

Sadio Gassama : Quand il était chef d’état-major, il faisait peur. Ministre depuis 2004, il s’est assagi. Dans sa démarche, son allure et son propos, on sent le militaire dans l’âme et l’homme de principe. Il s’est battu pour équiper décemment les forces de sécurité et la protection civile. Mais, la corruption, l’indiscipline et le favoritisme gangrènent toujours les services rattachés à son département sans qu’il n’y trouve solution. Il travaille avec des hommes qu’il n’a ni choisis ni nommés et c’est cela aussi la politique.

Les poids légers :

 

Moctar Ouane : Aux Affaires étrangères depuis 2004, Ouane a le bagout, la stature et l’intelligence qui auraient pu en faire un autre Alioune Blondin Beye. Hélas ! Il n’a jamais réussi à dépasser le stade primaire du plénipotentiaire. Il manque de présence, de formules, d’initiatives audacieuses pour sortir de la torpeur une diplomatie malienne atteinte de nonchalance, de favoritisme et de course effrénée aux prébendes.

 

Natié Pléah : Ministre de la Défense, il est moins connu que le chef d’état-major Gabriel Poudiougou. Au milieu des étoiles et des barrettes, il a perdu son assurance de « grand commis » de l’Etat. Il n’ouvre la bouche pour parler que quand il s’agit de banalités et de chrysanthèmes.

 

Mamadou Igor Diarra : Le ministre de l’Energie et de l’eau a fait une irruption sur la scène publique en étant, d’abord, le fils de feu le général Cheik Diarra et conséquemment, un pistonné bombardé à la tête de la BIM sans le pédigrée adéquat. Alors que les couloirs de la Banque bruissaient encore de cette incongruité, il s’est retrouvé ministre. Sa mission principale se déroule avec beaucoup de folklore mais on dit qu’ATT, après lui avoir remonté les bretelles quelques fois,  l’aime beaucoup.

 

Abou Bakar Traoré : Le ministre des Mines qui a d’abord officié aux Finances fait contre mauvaise fortune bon cœur. A son nouveau poste, il a vite appris le langage technique mais il n’est pas dans son élément et cela apparaît clairement dans les efforts qu’il fournit pour communiquer. Rétrogradé une fois déjà, on se demande s’il accrochera ou ira professer de nouveau.

 

Mme Diallo Madeleine Bâ : Avec la responsable de l’Elevage et de la Pêche, il ne s’agit pas de compétence ou de dynamisme mais de pure politique politicienne. Militante du MPR, elle est devenue au grand dam de son chef, Choguel Maïga qui voulait rempiler. Et depuis, les deux sont dans une relation amour/haine. Sa longévité ne sera fonction que du poids de Choguel auprès d’ATT. Et dans son ministère, une frange de fonctionnaires opposée à ses méthodes de gestion n’attend que l’occasion propice pour la crucifier.

 

Hamane Niang : Issu d’une illustre famille, Niang s’est fait une identité au sein du basket malien. Homme du sérail, connu des sportifs, il n’a cependant apporté ni innovation ni initiative dans ce monde encore miné par l’amateurisme, l’improvisation, la quête de prébendes. Le fiasco des Aigles en Angola et les couacs du match contre le Liberia sont les symptômes tenaces d’un mal incurable. Ni Hamane ni son éventuel successeur ni pourront rien.

 

Les poids plumes

 

Sanoussi Touré : En énumérant les prédécesseurs de M. Touré à l’hôtel des Finances, on  se demande tout simplement si le siège n’est pas aujourd’hui vacant. Le ministre n’a ni présence ni prégnance, il ressemble à un obscur fonctionnaire chargé d’égrener des vœux pieux et compter les lieux communs. Sa propension à s’accrocher aux chiffres avec un langage ésotérique rend sa communication nulle.

 

Mohamed El Moctar : L’observation des faits et gestes du Ministre de la Culture entraîne une seule question : Est-il le boss ou un simple abonné présent aux cérémonies diverses. On le dit peu intéressé par sa fonction et accroc au protocole. La réalité se situe ailleurs : Comment innover dans ce domaine (culture) dans un pays qui a honte de ses propres valeurs et n’adore que ce qui vient d’ailleurs ? Quand de hauts responsables font la promotion de l’inculture et de la mime, tout est dit !

 

Agathan Ag Alassane : Le responsable de l’Agriculture visite sans arrêts les champs, casquette de sécurité vissée sur la tête. Il a la charge de réaliser le volet agricole du PDES, de faire du Mali le grenier de l’Afrique de l’Ouest. Mais Ag Alassane ne comprend pas les  codes et rites du monde paysan. Les agriculteurs attendent de leurs interlocuteurs une connaissance approfondie de leur monde. Visiblement, partager un bol de tô à Cinzana au milieu des rats et souris n’est pas dans la corde du ministre.

 

Sékou Diakité : Dans un pays pauvre, le responsable de la Solidarité et des personnes âgées devrait être une personnalité clé du Gouvernement. Il a remplacé Djibril Tangara qui était une grosse pointure. Il a chaussé du petit calibre  et peine à exister ? Crispé, figé, raide, il n’arrive pas à se débarrasser de ce trac qui en fait un piètre communicateur. Sa longévité dépendra de sa position au sein de l’ADEMA.

 

Salikou Sanogo : Révélé au grand public dans son fauteuil de grand manitou du Forum sur l’Education, le Pr Sanogo est ce que les cinéastes appellent une erreur de casting.  Très vite, il a été débordé  et dépassé par les problèmes de l’école malienne. Les résolutions du Forum sont devenues techniquement et financièrement intenables. Maigre consolation : personne au Mali ne peut dire qu’il a une solution miracle et le remplaçant de Salikou vivra le même enfer.

 

Amadou Abdoulaye Diallo : Il est arrivé en catastrophe au bord du Fleuve  après le pathétique épisode Fatoumata Néné Sy. Il investit beaucoup dans sa com’ et s’est encarté au PDES. Il n’importune pas les commerçants véreux qui nous empoisonnent la vie. Le ministre Diallo s’exprime bien mais n’apporte jamais de réponses sérieuses aux questions cruciales  des consommateurs.

 

Mariam Flantiè Diallo : Fonctionnaire à la BAD, elle répétait sans  cesse qu’elle allait devenir ministre. D’où tenait-elle cette conviction ? Quant à l’exercice de sa fonction à la Communication, ses relations avec les journalistes sont empreintes de distance hygiénique et peu de plumitifs la tiennent en estime. Plus attirée  par les opérateurs de téléphonie mobile, elle a fait de la présidence des manifestations folkloriques une occupation à temps plein. Mme Diarra est comme un cheveu dans la soupe, tellement elle ignore les codes et schèmes de la société malienne.

 

Les poids morts

Ndiaye Bah : Le ministre (depuis 2002) du Tourisme, a signé son arrêt de mort politique en quittant le CNID pour le PDES. Certes, la politique est l’art de l’imprévisible, mais il faut avouer qu’il sera difficile pour l’homme de bénéficier de la confiance totale d’un autre chef de parti. Sa mise au rencart est quasiment écrite dans le ciel à moins de M. Séméga ne réussisse à le sauver.

 

Mme Siby Ginette Bellegarde : Professeur de Chimie puis rectrice  de l’Université de Bamako, elle séduisait par son discours articulé et ses arguments structurés. Ministre de l’Enseignement supérieur, elle a vite sombré dans la langue de bois et la métaphore stérile. A sa décharge, elle ne peut rien contre une congrégation de professorale qui a adopté des méthodes loin de l’académie et très proches de la mafia. La dernière crise universitaire s’est dénouée à Koulouba après les échecs de Ginette et du Premier ministre.

 

Mme Maïga Sina Damba : Elle a acquis ses lettres d’honorabilité à la CAFO et c’est cornaquée par ce groupuscule féministe qu’elle est entrée au Gouvernement sous les hourras de ses parents de Nara. Elle distribue des pagnes, des moulins et autres bricoles. Si c’est cela faire la promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, le bout du Tunnel se trouve probablement… à Nara.

 

Dr Badra Alou Macalou : Le toubib dirigeait une clinique. ATT lui a demandé de s’occuper des bobos des Maliens de l’étranger. Paradoxalement, les Maliens arrêtés, battus, humiliés hors des frontières n’ont pas accès au bureau et aux lignes téléphoniques du docteur qui dirige un ministère sans intérêt.

 

Mme Gakou Salamata Fofana : Pour accompagner la politique de logements sociaux d’ATT, la ministre de l’Urbanisme a eu la géniale idée d’exproprier cavalièrement des propriétaires légitimes. Le jour des comptes, elle saura se défendre et se justifier.

 

Me Abdoul Wahab Berthé : Le ministre de la Fonction publique est le leader d’un ectoplasmique parti politique. Il n’est pas fonctionnaire. Sa fonction publique ne recrute massivement que des porteurs d’uniforme. Il gère une bureaucratie chloroformée, l’une des moins productives d’Afrique. Sans chance de changement.

 

Tiémoko Sangaré : On raconte que pour le baratiner, ATT lui aurait dit un jour : « Je te verrai bien au poste de président de la République  un jour ». Depuis, le ministre de l’Environnement qui était à l’Agriculture peine à imposer sa personnalité et marquer sa présence.

 

Lassine Bouaré : en 2007, Att lui avait promis un maroquin. Il n’aura son strapontin qu’en 2009. Le ministre-planton auprès de celui des Finances est chargé du Budget. Il préside à l’occasion quelque séminaire. Et prouve à suffisance que l’INPS valait mieux que ce poste de dépense inutile.

 

Abou Sow : L’histoire de cet administrateur civil au parcours exemplaire est une bizarrerie bien malienne. Gouverneur de Ségou, il ne se voyait que ministre. Au finish, pour avoir la paix, le président créera un poste de Secrétaire d’Etat (Office du Niger) comme lot de consolation. Même dans ce placard, Abou travaille et se rend plus visible que de vrais ministres. Pas sûr qu’il continuera à traîner ce fardeau de « ministricule ».

 

La Zombie :

 

Fatoumata Guindo est ministre et porte-parole du Gouvernement. Elle ne parle pas et passe inaperçue. C’est qu’un fantôme rode autour des Relations avec les institutions, un ministère coquille vide.

Les sursitaires

Oumar Ibrahim Touré : Il a été coopté par Soumaïla Cissé pour qu’ATT en fasse son ministre de la Santé après le malheureux épisode Zeïnab Mint Youba. A la tête du deuxième poste budgétaire du Mali, le « petit » a pris de l’assurance au point de défier son parrain. Malheureusement, son ministère s’est avéré un nid de crabes avec des centaines de millions volés au Fonds de lutte contre le palu. Il n’a pas accompagné ATT à New York et il y a de fortes chances que Sina Damba le remplace. Politiquement, OIT est un homme fini.

 

Maharafa Traoré : Désigné principal responsable du fiasco relatif au Code de la famille, il a cherché refuge au Secrétariat général du PDES. Son département est maintenant éclaboussé par une affaire de vol de 331 millions. La justice malienne s’enfonce dans la corruption et le discrédit. Il pourrait cependant rester à son poste, simple côté absurde de la politique. 

 

OPTION

 

 

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