31 membres contre 34 pour le gouvernement sortant ; 8 rentrants, 10 partants, 8 départements affectés aux partis alliés dont seulement 3 nouveaux rentrants ; 23 à l’actif du RPM et du clan IBK… Si l’absence de l’URD de Soumaïla Cissé se justifie par l’option politique de ce parti, le SADI, pourtant fort de 5 députés (contre 4 pour le CNID de Mountaga Tall, nouveau rentrant), et se réclamant de la majorité présidentielle est totalement hors jeu. Tout se passe comme si le régime voulait se défaire de cet allié encombrant… Eclairage !
Les 8 nouveaux
- Il s’agit de M. Abdoulaye Diop, désormais ministre des Affaires étrangères de l’Intégration africaine et de la Coopération internationale. Il est diplomate et ancien ambassadeur du Mali à l’ONU. On le dit très proche d’IBK. Un ami personnel et dont les deux familles sont fortement liées.
- Mahamadou Camara, ministre de l’économie numérique de l’information et de la communication, précédemment directeur de cabinet à la présidence de la République. Il est promoteur du site «journal du Mali.Com».
- Mamadou Hachim Koumaré, ministre de l’Équipement, des Transports et du Désenclavement. Il était précédemment conseiller du président de la République.
- La nouvelle ministre de la culture est également une très proche du président de la République et militante très engagée du parti présidentiel. Il s’agit de Madame N’Diaye Ramatoulaye Diallo.
- Le ministre de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement M. Abdoulaye Idrissa Maïga, à l’instar de son homologue de la culture, est également un politique bon teint. 2ème adjoint du secrétaire général du parti présidentiel, il fut, en outre, directeur de campagne du candidat IBK.
- Le nouveau ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique est bien connu de tous. Il s’agit de Me Mountaga Tall, président du Cnid Faso Yiriwa, lequel a été, avant même la proclamation définitive des résultats du 2ème de la présidentielle, le premier à féliciter le candidat élu. A son sujet, on eut dit qu’IBK avait souci de racheter. C’est la première foi que M. Tall fait son entrée dans un gouvernement.
- Housseïni Amion Guindo, président de la Codem, est désormais ministre des Sports.
- Le chef du département de la Décentralisation et de la ville est aussi bien connu sur la scène politique nationale. Il est considéré à raison comme le père de la décentralisation. Il est ADEMA bon teint.
Les enseignements d’un choix
Madame N’diaye Ramatoulaye Diallo et Mamadou Hachim Koumaré, héritent respectivement du fauteuil de la Culture et de celui de l’Équipement, des Transports et du Désenclavement.
Ils sont tous deux réputés proches d’IBK. Ils remplacent les désormais ex-ministres Bruno Maïga et le Général Koumaré. Ces deux partants ne sont pas considérés comme des saints. Le premier (Bruno Maïga) est cité dans de sulfureuses affaires de détournements et de mauvaise gestion tandis que le sécond est considéré comme un putschiste également cité dans de douteuses affaires. Des rapports très accablants existent à cet effet.
L’on comprendra certainement, qu’en les faisant remplacer par ses proches que le président veut y voir clair… C’est du moins, ce que l’on peut espérer de mieux.
Le nouveau ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, M. Mountaga Tall qui intègre le gouvernement pour la première fois, lui, a une histoire avec le président de la République. Alors premier ministre de son Etat et président du parti majoritaire, IBK l’a publiquement promis de le faire recaler lors des législatives de 1997. Il l’a fait. Et à l’instar d’autres opposants politiques, il le fit arrêter et emprisonner. En somme, si IBK voulait se racheter à l’endroit de ce chef de parti en fin de carrière, il ne pouvait s’y prendre autrement.
S’agissant du nouveau ministre de la Décentralisation et de la ville, Monsieur Ousmane Sy, l’on dira tout simplement que sa nomination est conforme à la «nouvelle » politique de «large» décentralisation que le régime entend mener en vue de régler la question du Nord. En clair, même si son parti n’était membre de la majorité présidentielle, lui, semblait la personne la mieux indiquée.
L’on pourra dire de même de M. Zahabi Ould Sidi Mohamed, précédemment chef de la diplomatie malienne, qui occupe désormais le portefeuille de la Réconciliation nationale. Ex-insurgé des années 90, il est signataire du pacte nationale et œuvre pour l’unicité du pays. Bref, son parcours correspond aux attentes.
Le cas Soumeylou et Bathily
Les chefs des départements de la Justice, Garde des Sceaux et son homologue de la Défense et des Anciens combattants, Mohamed Ali Bathily et Soumeylou Boubèye Maïga sont certainement les deux ministres les plus détestés (mais aussi les plus courageux) par leurs administrés. Le premier, (Me Bathily) pour avoir posé des actes peut-être diversement interprétés au sein de la magistrature, mais très courageux. Une éventuelle éviction de ce ministre aurait indiscutablement signifiée la victoire des syndicats de la magistrature et le risque d’avènement d’une république des juges.
Quand au second, Soumeylou Boubeye Maïga, il a autant posé des actes salutaires en procédant à une moralisation de notre armée nationale. La mise à la disposition de la justice des présumés putschistes et meurtriers n’a certainement pas été du goût de tout le monde. Mais c’était bien cela ou le chaos. Il s’agissait en outre d’une exigence des partenaires du Mali.
En tout état de cause, leur reconduction atteste bien qu’ils ont la confiance du président de la République dont la politique est menée dans le sens souhaité.
Le cas Mariko, Sadi, MP22…
Vous souvenez-vous de cette marche violente du mouvement des partis du 22 mars sous la transition et ayant pour objectif de faire débarquer Dioncounda Traoré et ramener IBK ? Vous souvenez-vous, encore, d’Oumar Mariko qui, las de l’opposition, déclarait être désormais membre de la mouvance présidentielle ? Eh bien, aucun de ces responsables pro-putschistes et ayant déclaré leurs flammes à IBK, n’est membre de l’actuel gouvernement.
IBK voudrait-il réconforter le fait qu’il n’est ni de près, ni de loin lier aux putschistes ? Alors, il le fait très bien. Mais Oumar Mariko, pour sa part, aurait toutes les raisons de sentir trahi. Et pour cause.
Son parti SADI, fort de 5 députés est membre de la mouvance présidentielle. Au même moment, le CNID, également membre de la même tendance se contente de 4 élus nationaux mais obtient un portefeuille. En somme, le parti SADI semble désormais perçu comme un opposant à l’image de l’URD lequel a clairement opté pour ce choix (opposition). Si Ibrim voulait se débarrasser de ces personnages encombrants du MP22, il aurait choisi d’ignorer ces « anciens camarades ».
Autres absents : le PARENA de Tiebilé Dramé et le MPR de Choguel Maïga. Si le premier s’est montré jusque là réservé à l‘endroit du régime, le second est membre de la coalition.
L’on constate, en tout état de cause, que l’architecture politique nationale est désormais en passe d’être lisible. Et c’est tant mieux.
Un gouvernement très politique
Fini le règne des technocrates ? On peut le croire, du moins, à la lumière du profil des membres de ce nouveau gouvernement à 100 % politique. S’ils ne sont pas proches d’IBK ou de son parti, le RPM, tous les ministres sont en effet responsables actifs, membres influents, voire chefs ou secrétaire Général de parti politique, à l’image Me Mountaga Tall, Housseyni Amion Guindo, Bocary Téreta, Abdoul Karim Konaté, Ousmane Sy, etc. Ce, au contraire de l’équipe sortante.
Si l’option est critiquable (c’est selon), avouons cependant que la technocratie a bien connu ses limites au Mali et dans le contexte que l’on connait.
Au contraire des politiques, les technocrates sont quelque peu étrangers aux réalités de leurs concitoyens. Seuls les intéressent les chiffres, les statistiques, les courbes, les pourcentages, les barèmes… ; au delà desquels cependant, se trouvent de dures réalités au quotidien dont le politique est sensible ne serait-ce qu’à travers le militant à la base. Nous osons donc croire que ce nouvel attelage politique mettra l’Homme au centre des préoccupations.
Aussi, au regard des exigences du moment et du statut du pays, rien de mieux qu’un politique aguerri pour servir de répondant.
B.S. Diarra
Encadré :
Moussa Mara : un faire-valoir ?
Avec autant de gros calibres et en outre, presque tous issus du parti présidentiel, l’on est en droit de craindre que le nouveau premier ministre ne soit qu’un simple faire-valoir ; juste une peinture murale pour égayer la galerie. Pour rappel : l’autorité du PM sortant, Oumar Tatam Ly, (un homme, peut-être un peu trop caractériel), a été soumise à rude épreuve par les caciques du parti RPM lesquels ont fini par avoir le dessus. Forts de leur majorité et du soutien du président de la République, ceux-ci ne s’en référaient plus à lui. Ses décisions étaient, à la limite, bafouées… Chacun se référant au parti ou au Président de la République lequel jouait désormais le rôle d’arbitre…
Avec Moussa Mara, tous les ingrédients sont désormais reunis (ont-ils été une fois séparés) pour ramener le scénario Tatam Ly. Le seul espoir réside en la personnalité politique de l’appelé. Il a d’ores et déjà marqué un coup en insistant sur la loyauté due au président de la République. En fait, il sous-entend en outre, la loyauté au premier ministre qu’il incarne désormais. Mais ce n’est pas gagner d’avance.