L’interview d’ATT accordées aux confrères «Les Afriques» ne manque pas de relents. La situation en Tunisie, Egypte et un peu partout dans sur le continent serait passée par là.
L’actualité sous-régionale (le pays vient d’abriter respectivement les sommets des chefs d’Etat major de la CEDEAO et des chefs d’Etat de l’UEMOA à propos de la crise ivoirienne) méritait bien que le président de la République du pays hôte livre quelques éclairages à l’opinion publique nationale et internationale, bien entendu. Mieux cependant ! Le soulèvement populaire constaté tout autour de nous lui impose aussi la même démarche. Etant entendu la présence de quelques signes annonciateurs d’une grogne populaire dans son propre pays.
A quoi rimerait cette sortie médiatique du président ATT, s’interroge-t-on dans certains milieux? A rassurer ! Rien que çà aussi vrai que Diriger, c’est prévoir. En somme, si l’homme se veut serein, il n’en demeure pas moins qu’il joue la carte de l’anticipation, conscient qu’il est de l’existence de signaux perceptibles de la colère de ses concitoyens. En clair, les indices à l’origine de la révolte voire de la révolution dans certains pays du continent existent au Mali. Ils sont, hélas exacerbés par des décisions politiques aux contours pour le moins discutables.
Tenez par exemple : les vendeurs de bois et de charbon de bois ont estimé que les autorités leur rendaient la vie, voire la survie, impossible. Ils ont alors observé une journée de grève pour protester. Banal à première vue ! Mais dans les faits, ce fut le jour le plus long dans les ménages à faibles revenus. Et puisqu’il existe encore aujourd’hui une pénurie de gaz butane pour cause de crise ivoirienne, certaines ménagères ne parvinrent à préparer que tard dans la soirée. Faut-il signaler qu’elles ont le tenu, à tort ou à raison, le gouvernement malien comme seul responsable de leur malheur ? Le tort de ce dernier, est peut être de ne pas trouver une meilleure adéquation entre la pénurie de gaz butane et l’application des mesures contre l’exploitation abusive des forêts. En clair, avant d’appliquer les mesures contraignantes pour la coupe du bois de cuisine, il aurait fallu s’assurer en amont de l’existence d’autres sources d’énergies de substitution pour les populations. C’est une question de cohérence !
A cette déconvenue ayant de grandes répercussions sur les couches des plus fragiles, il faut, en tout état de cause, ajouter la cherté de la vie qu’elles (les populations) trainent également comme une boulée de bagnards. C’est en effet, la couche la plus vulnérable qui subit le plus ces aléas, certes indépendants de la volonté politique des gouvernants, mais malheureusement entretenus par l’inaction ou peut-être, l’inefficience des décideurs.
Explication : le citoyen Lambda constate avec amertume que c’est une poignée d’individus qui profitent, à ses dépends, des exonérations consentis par l’Etat et qu’aucune mesure répressive n’est envisagée en vue de le mettre dans ses droits.
Les résultats d’une récente enquête menée par votre journal ont bien établi que certains opérateurs économiques et non des moindres, font de la surenchère en complicité avec des fonctionnaires de l’Etat malien. A l’issue de nos investigations, (« Le Combat » N° 0062 du 10 janvier – « Les consommateurs accusent, le gouvernement s’esquive » et « Le Combat » N° 0067 du lundi 17 janvier – « Hausse des Prix – les élucubrations de l’Etat malien »), il a été également établi que l’Etat, par son laxisme, encourage le phénomène. Et pour cause, certains tenanciers, gérants et boutiquiers, tout simplement par probité morale, s’interdisent de vendre leurs produits au delà des marges bénéficiaires établies ; pendant que d’autres, sous le prétexte de la crise ivoirienne, procèdent à d’importantes augmentations injustifiées. Et le consommateur se sent naturellement abandonné, voire livré par l’Etat protecteur lequel, par la voix de son ministre de tutelle vient, le plus officiellement du monde, livrer le prix du sucre par exemple, tenez-vous bien, au delà de la marge accessible sur le marché! Toutes choses de nature à amplifier le sentiment de frustration.
Et quand il s’agit maintenant de réprimer surtout les plus faibles, le même Etat fait un usage disproportionné de la force : bavures policières à Kita, dans les quartiers populaires Banconi, Médina-Coura , entre autres ; tirs délibérés de policiers contre des citoyens désarmés, suivis de mort d’un apprenti chauffeur et d’un portier devant une discothèque de la place ; expéditions punitives de policiers contre des populations civiles dont la dernière remonte aux festivités du 22 Septembre 2010 … On en passe !
Naturellement, par facilité ou certainement en vue de se donner bonne conscience, l’on notera dans les rapports le plus souvent erronés, qu’il s’agisse d’incidents isolés… Mais non ! Les victimes elles, ne sont pas isolées.
Elles sont en effet de plus en plus nombreuses et se comptent davantage parmi les moins nantis. La presse rapporte régulièrement les mésaventures de familles entières spoliées de leurs patrimoines fonciers avec la complicité des pouvoirs administratifs et judiciaires. Il s’agit d’événements malheureux qui ont, hélas tendance à s’installer pour longtemps dans le subconscient collectif et surtout, susceptibles d’influencer la perception, l’attitude et la décision de la victime le moment venu. Souvenons-nous que la révolution tunisienne tire son origine immédiate de l’exaspération d’un «petit» étalagiste. En somme, le fossé entre la victime et le martyr est très mince. En existe-t-il d’ailleurs ? Toute victime d’aujourd’hui est susceptible d’être le héros de demain. Notons que c’est l’exaspération qui pousse généralement les populations à commettre des excès et de manière spontannée et non prémeditée. Il faudra analyser, soit dit en passant, les causes ayant amené ceux de Sanankoroba à s’attaquer à s’attaquer au poste forestioer. .
Ces injustices sociales constituent, en tout état de cause, les germes de la grogne populaire. Autrement dit, le feu couve sous la cendre. Un petit souffle de vent pourrait l’attiser. Ce souffle peut bien être d’origine politique. En clair, qui mieux qu’un politique ambitieux pourrait éventuellement profiter du crime? Le prétexte tout trouvé serait naturellement la volonté du président sortant de se maintenir au pouvoir au mépris des textes fondamentaux de la République. Infaillible !
Vu sous ce prisme, l’on voit toute la portée de cette sortie médiatique d’Amadou Toumani Touré. Diriger, dit-on c’est prévoir.
B. Diarrassouba
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