Gouvernance : Quand IBK accable la démocratie malienne

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Ibrahim Boubacar Keita, ici le 10 mai 2018
Ibrahim Boubacar Keita, ici le 10 mai 2018, est officiellement candidat à un nouveau mandat de cinq ans à la tête du Mali. © Sia KAMBOU / AFP

Si tu vois le lâche, attends-toi à voir son double, et qui est son double ? La trahison ! Quand on trahit un ami, on devient un “Judas”, mais quand on trahi son peuple, on devient mercenaire, charlatan, flibustier, filou, aigrefin et on livre son pays aux pickpockets des nations unies. La chose la plus rebutante est la confiance du peuple, elle s’arrête là où commence la trahison et fait place à la désillusion. L’ennui avec l’actuel président, c’est qu’on croit faire sa caricature, alors que l’on fait son portrait, c’est pour cela que  nous sommes d’accord d’avec Massa Makan Diabaté quand il dit ceci : « La politique, plus ça change, plus c’est la même chose ».

La première des trahisons contre notre peuple a commencé en politique de notre ère sous Moussa Traoré. Il freina le régime le plus progressiste, le seul régime qui a fait la plus grande réforme de l’éducation jamais égalée en Afrique française ou francophone. Moussa Traoré a brisé l’espoir d’un peuple qui allait être différent de ce que nous connaissons aujourd’hui, car un proverbe songhaï dit : «Celui qui veut déjeuner d’avec du poulet doit attacher son coq depuis la nuit ». Les souches du pouvoir de Modibo étaient parties sur des égides progressistes claires dont le détournement de deniers publics était quasi inexistant, des termes comme : « Au pays des voleurs, c‘est le festival des brigands », pour dissuader les suceurs de sang de notre parcimonie. Je pense que les gens qui savent mieux sur Modibo doivent dire tout le bien que notre génération ne sait pas afin de briser la faction de silence entretenue et perpétrée aujourd’hui,  manifestement un commentaire du livre Samba Gainé Sangaré intitulé : Dix ans de bagne au mouroir de Taoudénit,  illustreront mes propos sur l’atrocité d’un homme et d’un régime qu’IBK est entrain de sustenter.

Ce livre est une véritable œuvre cinématographique, avec des acteurs réels et des moments réels, dans un style sans reproche qui démontre toute l’atrocité du régime, d’un homme fut-il clément musulman aujourd’hui. Prenons le chapitre, la mort du capitaine Yoro Diakité que nous allons raconter littéralement. «A ces débuts à Taoudéni, Yoro avait connu des déboires multiples».

Militaires et détenus lui reprochaient d’être le principal signataire du décret d’ouverture du pénitencier. Il était le chef du gouvernement provisoire au lendemain du coup d’Etat de novembre 1968. Il faut dire qu’à son arrivée, Yoro Diakité était complètement déboussolé. Etait-ce dû à la nature délicate du poète ou était-ce que Yoro Diakité connaissait d’avance ce qui l’attendait au pénitencier ? Il a eu ses premières difficultés sur la route de la gargote.

N’étant pas bon marcheur, il était fréquemment fouetté aux mollets qui finirent pas s’enfler, compromettant davantage ses capacités de marcher vite… Un après-midi nous étions en train de construire un magasin dans le carré des détenus, côté cuisine. Comme d’habitude, Guédiouma Samaké et moi-même (Sangaré Gainé) étions les maçons. Les autres détenus nous apportaient briques et banco. Du haut du mirador l’adjudant Nouha criait à ses hommes de chauffer le chantier. Il leur disait notamment de chauffer les trainards sur la tête. Yoro Diakité fit quelques voyages en courant, comme les autres, à l’aller comme au retour. Cette fois, après avoir vidé son plateau de banco, il nous dit qu’il était malade. C’était effectivement perceptible. Ne pouvant rien pour lui, nous lui conseillâmes de le dire au caporal Diallo qui surveillait la corvée. Il le fit, mais le caporal le traita de paresseux et le fit cravacher. Yoro Diakité repris son plateau et fit encore quelques voyages.

Au troisième et au quatrième, il dit encore que ça n’allait pas, nous le renvoyâmes au même caporal qui le fit cravacher à nouveau, mais cette fois, les soldats avaient eu la main lourde et Yoro resta couché, inconscient, le nez dans le sable, respirant la poussière. Les militaires l’abandonnèrent dans cette position sans rien faire pour le sauver. L’adjudant Nouha qui avait tout suivi du haut du mirador demandait de temps à autre à ses hommes si monsieur Diakité n’était pas encore mort. Un soldat venait soulever sa tête avec son pied et répondait, non ! Ce manège se répétait deux à trois fois.

Et un autre soldat de constater : «Fla nin ka fassa dè (le Peulh a la vie tenace)». Le problème de l’adjudant était de signaler à ses supérieurs, à la plus prochaine vacation, le dossier de Yoro Diakité. Aussi consultait-il constamment sa montre, se demandant si Yoro allait mourir entre temps ! Mais il avait raison, celui qui avait dit que le Peulh avait la vie tenace. Yoro Diakité ne mourût pas dans le délai souhaité.

Enfin de corvée au crépuscule, il agonisait encore. Il fut transporté, mourant dans une pièce sans toit remplie de sable qui n’arrêtait pas de tourbillonner. C’est là que nous retrouvâmes, le lendemain matin ensevelit sous une épaisse couche de sable fin. Il était mort, asphyxié par la poussière. Nous le déterrâmes, le secouâmes et fîmes sa toilette mortuaire. Il eut droit à un banal cérémonial religieux et fut enterré le plus humblement possible dans ce cimetière pour prisonnier, parmi les voleurs, les escrocs et autres criminels. On peut difficilement imaginer une fin plus triste pour un chef de gouvernement fut-il provisoire. C’est de cette façon que plusieurs compatriotes, des parents, des frères, des oncles (Sénoufos, Bambara, Sonrhaïs, Touareg, Peulh, Kassonkés, Soninkés…) ont crevé dans l’anonymat total. Voilà un résumé du régime du grand Républicain reconnu confident et adjuré par l’actuel président.

Moussa Traoré a vaincu son peuple momentanément  et l’a assujetti par la force des armes, le massacre et la trahison. Pour qu’il n’y ait plus de doute, la génération actuelle doit savoir que Moussa a canardé plus de cents vieilles personnes, femmes, fous et surtout de jeunes étudiants et jeunes sans emplois, tout le monde le sait, notre démocratie même trahie, notre démocratie même banalisée même standardisée est arrachée sous une pluie du sang, sang des martyrs lâchés, infirmés, dédaignés,  méprisés et dérobés à tel point que certains de nos camarades ont honte d’être du mouvement démocratique. Nous n’inventons pas, nous n’inventons rien, nous l’avons vu, nous l’avons vécu.

On fait parfois des efforts considérables pour souffrir d’une trahison et l’on y parvient mais l’homme qui veut vivre sans soupçon doit bien garder de faire la trahison et Moussa a trahi le Mali et les maliens en tuant des maliens en tuant les maliens, on peut Pardonner aux gangsters, mais on ne doit jamais «oublier leurs noms» on ne peut pas, on ne doit pas oublier le nom de Moussa, pas pour ce qu’il est entrain de faire ni ce qu’il  fera mais pour ce qu’il avait perpétré contre nos camarades morts.

On ne nait  pas  dictateur on le devient, un homme qui croit  qu’il n’a pas de concurrent à sa taille est  aisément  un despote en puissance. Qui fréquente un dictateur est  toujours sous sa tutelle. La conception du pouvoir transmise par chromosome est aux antipodes des principes démocratiques qui consacrent une séparation des pouvoirs et admet même des institutions de contre-pouvoir. Le père de famille est respecté et vénéré (en son temps un père de famille ne subornait pas). Ce trait de l’éducation est souvent extrapolé par les expressions « père de la nation » ou « père de l’indépendance » utilisées pour installer dans l’inconscient des peuples l’image d’une autorité paternelle à la tête du pays. Ce rapport d’inféodation au pouvoir est aujourd’hui reconnaissable dans le Mali  «  Ibékakratique ».

Dans le camp au pouvoir, le diagnostic est souvent simple. Les tentatives de discussion s’assimilent à un partage de galette. Cette prédisposition à défendre son clan, son parti, ces valets  dissout toute prééminence de l’intérêt général. C’est pour cela qu’il s’avère impératif  pour notre peuple de s’affranchir des considérations familiales, claniques, ethniques, tribales et régionales dans l’arène politique (On ne saurait favoriser une peuplade au détriment d’une autre). C’est une condition de leur quiétude de notre quiétude. IBK est médiocre et ce qui le maintient au pouvoir aujourd’hui, ce n’est ni son intelligence, ni son intégrité, ni même sa capacité de comprendre ce qu’il fait. Sa médiocrité est telle que sa main gauche ne sait même pas ce que fait sa main droite. Frappé d’une schizophrénie du pouvoir contrairement à ce qu’il « tonne » manipule, manigance, combine avec Moussa Traoré et ses prébendiers (Tiénan, ex ministre des finances de Moussa et aujourd’hui après 28 ans,  ministre de la justice d’IBK) pour abattre notre démocratie.

Ousmane Mohamed

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