Gouvernance politique: Les sept grandes erreurs du président ATT

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Son histoire a commencé comme celle d’une idole de tout un peuple, un soir de Mars 1991, qui vit dans son intervention le pouce du destin pour sauver une Nation qui se noyait. De jeunes officiers  qui s’étaient organisés pour ravir le pouvoir d’Etat au père de l’indépendance le 19 novembre 1968 et le conserver 23 ans durant sans jamais donner à d’autres groupes sociaux la possibilité  de profiter eux aussi des délices du pouvoir, ont créé une situation insurrectionnelle, au cours de laquelle ils ont perdu leur suprématie sur l’appareil d’Etat et le contrôle du pays.

Commença pour le héros du 26 Mars, celui par qui la victoire était arrivée,  une période d’adoration par la Nation malienne  en reconnaissance à son combat pour parachever la lutte du peuple, pour l’accession à la démocratie. Ce sont les années fastes  de l’icône nationale. L’exercice du pouvoir au sortir de cette période a permis au Lieutenant-colonel de collecter les titres de gloire après une transition somme toute réussie selon les standards de l’époque.

Parti avec les honneurs et la reconnaissance de la Nation en 1992, le Général avait gardé du pouvoir ses fastes, sa puissance herculéenne et l’instrument de domination. Pouvoir rimait avec la fortune, la considération et la fierté. Le tapis rouge fut  déroulé et les ors et les paillettes  du Palais présidentiel scintillaient sur la Colline de Koulouba.

De gardien du maître des lieux, ATT se retrouva dans la position de maître des lieux du jour au lendemain, l’espace d’une nuit sanglante où les cadavres ont jonché les rues de la ville des trois Caïmans. Les exigences du Mouvement démocratique ont réduit le temps de la transition politique et   amené l’organisation de la passation du pouvoir entre lui et un démocrate et patriote convaincu dès juin 1992. Cette passation de pouvoir a laissé un goût d’inachevé à ATT qui rempila après dix ans la traversée  du désert.

Arrivé à la tête de l’Etat du Mali en 2002 avec un slogan adapté aux aspirations de la classe politique «Retrouvons ce qui nous unit», ATT fit l’amère expérience de la dure réalité de la gestion d’un pays pauvre très endetté dans lequel la satisfaction de la demande sociale n’est pas une sinécure.

Apparurent alors les signes d’un premier divorce et  désenchantement  entre lui et les organisations socio-professionnelles dont les revendications corporatistes maximalistes ne pouvaient toutes être satisfaites. Le Gouvernement dirigé par ATT, au lieu de  dire aux Syndicats l’impossibilité de satisfaire toutes leurs revendications, a louvoyé, tenant un langage où la sincérité n’était pas la vertu la mieux partagée.

Le manque de cohérence des négociateurs dans leurs approches et les dépenses somptuaires et inopportunes faites par ailleurs ont donné aux interlocuteurs du Gouvernement le sentiment  que ce dernier est de mauvaise foi. Cette méfiance n’a pas facilité la conclusion heureuse des négociations avec les corporations syndicales conduisant à des grèves sectorielles exténuantes. Le désamour entre ATT et le monde des enseignants a rythmé la vie politique nationale  au cours des deux mandats, amenant l’école publique malienne vers les abysses. C’est le premier des spleens éprouvés par le Président, et son impuissance à trouver un remède définitif aux problèmes récurrents de l’école le marquera sans doute pour longtemps, lui qui ne manque pas une occasion de dire qu’il est aussi un enseignant.

L’une des grosses affaires du double quinquennat d’ATT, telle une tragédie grecque,  se déroulât  en deux actes avec trois acteurs principaux : le Président, l’Assemblée Nationale et le Haut Conseil Islamique.  La première Institution de la République félicita la seconde prématurément pour avoir adoptée le projet du Code de la famille. Oubliant que se tenaient en embuscade, l’Imam Dicko du Haut Conseil Islamique  et ses fantassins, prêts à rendre le pays ingouvernable, si les articles  qui juraient avec la loi islamique, n’étaient pas retirés dudit projet du Code de la famille, pourtant adopté par les Députés en première lecture.  La colère du président fut ressentie jusqu’à Kidal, aux confins du pays entre dunes et sable. Mal contenue, le Big Boss dût affronter seul le désaveu des religieux et de leurs adeptes. Il mît en veilleuse son ego et son orgueil pour se surpasser par rapport  aux tombereaux d’insultes qui ont fusé. Il mesura la solitude du pouvoir et la volatilité de ses soutiens. Ainsi, le projet fut renvoyé à une seconde lecture depuis belle lurette.

L’affaire de la «Maîtresse du Président»  a profondément choqué ATT, sans doute en raison d’une mauvaise interprétation du contenu de l’article par ses Conseillers. Pour que l’affaire conduise à cette poussée d’adrénaline chez lui, c’est que  son proche entourage a du  accréditer l’idée que c’était lui qui était visé par le papier, alors qu’une lecture attentive indique clairement qu’il s’agissait d’une fiction. Le bras de fer conduisit à un engrenage qui s’est soldé par l’incarcération, puis  par la libération de quatre patrons de presse (Sambi Touré de Info-Matin ; Alexis Kalambry des Echos, Hamèye Cissé du Scorpion et Birama Fall, ancien Directeur de publication du Républicain) et le journaliste auteur de l’article incriminé, Seydina Oumar Diarra de Info-Matin,  sous la pression des organisations du secteur dans le monde entier. ATT, surpris par l’ampleur de la riposte, organisa à huis clos un jugement qui libérait les journalistes. Cette histoire continue à hanter les nuits du Big Boss.

L’autre spleen éprouvé par le Président  est l’affaire WAIC-BHM où le Président séquestre l’ancien PDG de la BHM pour des raisons strictement inconnues des juges et des vérificateurs. Il s’oppose à sa libération malgré son acquittement par la plus haute instance  judiciaire du Mali, la Cour suprême. Le Président compte, semble-t-il,  le garder en prison jusqu’à la fin de son mandat, utilisant le pouvoir judiciaire pour régler des comptes personnels. Cette  affaire est d’une gravité extrême, parce que le Président a congédié deux hauts Magistrats sans sommation, le Procureur général et l’Avocat général près la Cour suprême.  Que va-t-il faire ?  Les organisations des droits de l’homme, dans leurs rapports, ont dénoncé ce fait du Prince, mais en vain.

ATT a créé une structure de contrôle qui épingle ses protégés, au point de le pousser à déclarer qu’il ne souhaite pas humilier les chefs de famille, tandis que d’autres sont séquestrés par lui. La douleur du Président s’exprime par  son impuissance à juguler la corruption qui gangrène la société malienne. Une «opération épervier à la camerounaise» aurait envoyé à la Maison centrale d’arrêt de Bamako-Coura, la quasi totalité des membres du Gouvernement, des DAF, des Magistrats, et d’autres corps qu’il serait fastidieux d’énumérer ici.

La rébellion des irrédentistes Touareg a ravivé les douleurs du Général au plus profond de lui-même. Il demeura un incompris lorsqu’il recherchât la paix à tout prix élaborant les Accords d’Alger tout seul comme un Pacte entre chefs militaires sans consulter la représentation nationale. On le lui reprochât, il en fut amer. Le Général pourtant voulait éviter que  les combats s’éternisent avec son lot de morts inutiles. A l’époque, on se souvenait des mouvements de tristesse et de rancœurs des parentes et épouses  (qui se sont dénudés en signe de malédiction)  de la promotion des jeunes gardes décimés par des rafales d’armes automatiques. En dépit de  la désapprobation de la hiérarchie  militaire et des populations du Sud, le général tint bon et sa force de conviction d’homme de paix a convaincu les rebelles à déposer les armes.

La chute de Kadhafi a brisé le cœur du Général en raison des liens de générosité  entre le Richissime pays pétrolier et les dirigeants des pays pauvres du Sud du Sahara. ATT n’avait d’autres destinations pour ses congés que Syrte, la ville natale du Guide où il était particulièrement choyé. On susurre  que l’avion des courses présidentielles du Mali a été généreusement prêté par Kadhafi. Malgré les accusations de fauteur de troubles dans le Nord-Mali, Kadhafi y était reçu à chaque déplacement en Empereur et en commandeur des croyants,  au point de tenir le rôle d’Iman pendant un Maouloud au grand dam de l’Imam traditionnel. Dans l’accréditation  des diplomates,  le Général a mis son «Frère de lait» à Tripoli. On est mieux servi que par soi-même. Cette rébellion coiffée par le CNT est vraiment mal tombée pour ATT et, en ressortissant de Mopti,  il doit être en train de marmonner des insultes grossières à leur endroit en dépit de son rang.

Les expulsés de Libye n’avaient que leurs yeux pour pleurer, les autorités maliennes prenant leurs vacances chez le bourreau. Avec la chute de Kadhafi, ils ne seront pas mieux lotis, ATT refusant de le renier aussi vite que ses pairs de la région. Qui dit que les Etats n’ont que des intérêts ?

Les reformes constitutionnelles
, semblent créer, à la surprise du Président, un fort courant de mécontentement au sein de la diaspora, de la classe politique et de la société civile. S’agissant des enfants issus de la diaspora, une loi  votée par l’Assemblée Nationale du Mali sous Alpha autorise la double nationalité. Dans les reformes, ils sont exclus des présidentiables. C’est un paradoxe ! Comment le Général compte-t-il se faire aimer par ceux qu’il frappe d’ostracisme ? Ils font des reformes de la Constitution pour exclure des adversaires politiques, alors que la Loi fondamentale est  égalitaire   par essence et par nature. Ce genre d’aspect aurait pu être géré par le Code électoral. Le patriotisme ne se mesure pas  à l’origine du candidat. Ce ne sont pas les Maliens d’origine chinoise qui détournent les deniers publics. Ce sont les Maliens bon teint qui le font. Qui est  plus utile et aime  son pays, celui qui traverse la Méditerranée  à la nage pour construire le pays et qui dispose de la double nationalité  ou celui qui détourne les pauvres sous du pays  et n’ayant qu’une seule nationalité d’origine? 

Cette Loi fondamentale va créer deux types de citoyen au Mali. Ce n’est pas à l’honneur du Général  sortant dont le passage à la tête de l’Etat du Mali ne laissera pas que de bons souvenirs. Ceci augmentera son spleen d’ex-Président ségrégationniste quant l’inévitable retraite surviendra et que du fond de son village natal, il entendra les cris et les chuchotements de ceux que sa gouvernance politique avait exclus des compétitions électorales, même s’ils n’auraient eu aucune chance de devenir Président du Mali ; de ceux dont il a brisé la carrière professionnelle par excès de pouvoir et ceux qu’il a embastillé parce que disposant de la force publique. Cela fait beaucoup de spleen, pour le Général au point de lui faire perdre son statut d’icône.

Birama FALL

 

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