Depuis la période coloniale où prévalait une politique de manipulation de la règle traditionnelle africaine au profit des intérêts de l’Empire, il existe un dualisme au coeur des systèmes politiques africains. Les systèmes politiques traditionnels et modernes ont fonctionné côte à côte sans pourtant de transformation mutuelle profonde et durable. Les chefs ont été créés là où ils n’existaient pas et l’ensemble des règles traditionnelles se sont réduites à devenir un agent de la règle coloniale. La souveraineté précoloniale avait alors disparue, et avec elle, une grande partie du respect, de la déférence et de la dignité dont elle bénéficiait.
Le coût de cette disparition, en termes de gouvernance démocratique, fut dramatique. La « redevabilité » des chefs envers les populations, pilier fondamental des systèmes politiques traditionnels, fut ainsi remplacée par une redevabilité des chefs vis -à- vis des gouvernements. Le mécontentement populaire prit la forme d’un détrônement ou d’une destitution soudaine des chefs dans les années 1940, au moment même de l’apparition des combats nationalistes pour l’indépendance politique au Ghana. Le principe d’une autorité traditionnelle africaine, alors mise au service du despotisme colonial, devint étranger à la gouvernance démocratique traditionnelle.
Le destin des chefs dans l’Afrique postcoloniale n’a pas été, pour l’ensemble d’entre eux très positif. La perte de la souveraineté et la disparition de la redevabilité des chefs envers leurs sujets, fut combinée avec l’image de « collaborateurs » coloniaux pour rappeler l’attitude des gouvernements coloniaux envers les chefs.
Dans certains pays d’Afrique francophone et lusophone, l’institution fut soit abolie, soit vidée de son autorité politique. Là où l’institution n’était pas directement abolie, son sort pouvait aller d’un semblant d’autonomie à un système au service du gouvernement central. Au Ghana, le gouvernement de Kwame Nkrumah, orienté vers le peuple, a réduit les chefs à des simples appendices du gouvernement central.
Inna Maiga