Cela fait quatre (04) ans, jour pour jour qu’Ibrahim Boubacar Keita préside aux destinées du Mali. Rappelons que suite au duel qui l’a opposé au second tour de la présidentielle de 2013 au candidat de l’URD, Soumaila Cissé, IBK a réalisé un score sans appel de 77,66% des suffrages exprimés par les Maliens.
Il doit ce score à une conjugaison de facteurs sociaux politiques et historiques intervenus dans la vie de la nation malienne :
-D’abord il faut dire que Ibrahim Boubacar Keita n’était pas en terrain méconnu au regard des charges qu’il a assumées dans la gestion des affaires de la République du Mali dans un passé que les Maliens n’ont pas encore oublié. Ainsi, après l’ONG « Terre des Hommes », l’homme a été choisi en 1994 par le premier président de la troisième République pour diriger son gouvernement à un moment chaud de la crise de l’école malienne. Il faut rappeler à ce niveau que le premier ministre de l’époque Ibrahim Boubacar Keita a géré les contestations scolaires et politiques par la répression policière. Pendant presque six (6) ans, IBK a fait taire les contestataires mais sans résoudre le moindre problème ni des scolaires ni des hommes politiques .Il a tout au plus permis au président Konaré de contenir les manifestations contre son régime. C’est la gestion de cette crise à double visage qui lui a valu le qualificatif de Kankélétigui et d’homme de poigne. Mais la gestion musclée de nos affaires par IBK a montré à la face du Mali que Alpha n’avait pratiquement rien de bon à donner à notre peuple qui a sacrifié plein de vies humaines pour l’avènement de la démocratie pluraliste dans notre pays épris de paix et de justices sociales.
-Suite aux législatives de 2002, voilà IBK élu député à l’Assemblée Nationale. Mais ce n’est pas tout : IBK a eu la confiance de la majorité de cette Assemblée pour occuper le perchoir. Après cinq (5) à la tête du Parlement, IBK restera dans l’hémicycle en qualité de simple député.
-Avec Amadou Toumani Touré, l’on retient que l’honorable député IBK a exprimé sans détour son désaccord avec l’accord de paix d’Algérie du 4 juillet 2006. L’histoire lui a donné raison puisque la paix n’est revenue dans le septentrion de notre pays.
-Le candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2002 devait prendre son mal en patience pour briguer la magistrature suprême du Mali à la faveur du coup d’Etat dirigé par le capitaine Amadou Haya Sanogo en 2012.Le président –conteur ATT a été chassé du trône à la satisfaction de notre peuple travailleur. C’est bien en cela que les Maliens ont compris que chaque fois que les démocrates foulent au pied les intérêts supérieurs de ce peuple, la démocratie n’est pas à l’abri des éruptions de force.
-Une transition colmatée par le président illégitime Dioncounda Traoré a conduit un an plus tard à l’élection d’aout 2013 d’IBK.
-Selon toute vraissemblance, le candidat IBK a eu les faveurs de bien de leaders religieux, politiques et de chefs militaires .En particulier le Général Amadou Haya Sanogo ce serait vraiment battu pour le porter aux affaires. Mais pour la petite histoire, c’est sous son autorité que celui-là a été conduit en prison. Quelle ironie du sort !
-Dans ses promesses de campagnes, IBK disait entre autre : « Pour l’honneur du Mali », « Le Mali d’abord », « Inchallah ! ». Ce code religieux (s’il en est un) a largement drainé du monde vers la candidature de celui dénommé « le malinké ».
C’est au regard de ces réalités électorales qu’il n’est pas exagéré de dire qu’IBK doit son fauteuil présidentiel, non pas à son parti le RPM, mais bien plutôt un peuple désabusé, en quête de justice, d’équité et ratatiné par une crise économique sans précédent.
IBK est officiellement le locataire de Koulouba depuis son élection (même si en réalité il est toujours dans sa somptueuse maison de Sébénikoro).Pendant ce temps, la location de cette maison est à la charge du contribuable malien à hauteur de vingt (20) millions dit-on.
En toute objectivité, dans toute activité humaine il y a toujours des hauts et des bas, des succès et des échecs.
A l’actif du président Ibrahim Boubacar Keita, il convient de notre, entre autre :
-l’accord de paix e’ Alger signé le 15mai et parachevé le 20juin 2015.
-l’adoption de la loi n0 2016-013 du 10 mai instituant les autorités intérimaires dans les régions
– la nomination et l’installation de gouverneurs de régions
-la promulgation et le vote à l’Assemblée Nationale de la loi électorale le 8 septembre 2016(même si les partis politiques dits de l’opposition ont désapprouvé ladite loi).
-la construction dans les régions de gouvernorats, de résidences et de logements administratifs. La prise des décrets n0 0894 et 0895/ PRM du 31 décembre 2015. Ces décrets ont créé respectivement la Commission Nationale de Désarmement, de Démobilisation et de Réinsertion (CN-DDR) et la Commission d’Intégration (C.I).
-L’installation dans toutes les régions d’Agences de Développement Régional ainsi que dans le district de Bamako.
-L’élaboration du document de Stratégie Spécifique de Développement des Régions du Nord du Mali (SSD-RN). Comme on le constate aisément, tous ces acquis d’IBK s’inscrivent dans le droit fil de la mise en application de l’Accord dit de paix d’Alger. Mais cette bataille du Président pour l’accord d’Alger (qui est loin de faire l’unanimité) ne peut nous conduire à dire qu’il répond aux nombreuses attentes de ses compatriotes. Bien au contraire !
+Les Maliens ont massivement voté pour lui et attendaient de lui qu’il sauve l’intégrité du territoire national. Mais le constat est cuisant : notre pays est balkanisé dans les faits. Qu’il nous soit permis de dire que Kidal échappe à la République du Mali au-delà des discours d’apaisement et d’espoir de réunification.
+ L’insécurité atteint chaque jour des proportions inquiétantes et aucun vrai Malien ne saurait l’ignorer. Chaque jour, le Mali perd de valeureux enfants aussi bien dans le grand nord parmi nos forces de défense et de sécurité que partout sur le reste du territoire national.
L’espoir immense qui reposait sur le candidat IBK quant à récupérer l’intégrité du territoire national s’est transformé progressivement en un océan de déception généralisé. Les Maliens ne savent pas toujours ce que la CMA et la France font à Kidal.
+Le drôle de mise en place de brigade d’autodéfense par les citoyens dans les quartiers périphériques de Bamako est la preuve qu’ils ne croient un seul instant au pouvoir d’IBK quant à leur redonner confiance.
+Au plan politique, force est de constater que le président a déjà oublié que ce sont les Maliens qui l’on élu. Il s’est lancé dans son projet de conférence d’entente nationale non voulu et souhaité par les citoyens à un moment où les enseignants et les hommes de blouses blanches observaient leur grève. La suite on la connait. Cette conférence qui a couté trop cher au budget national n’a rien donne : l’entente nationale se fait toujours attendre. Quel gâchis politiques et financiers !
+Son projet de révision de la Constitution a tout simplement été rejeté par les Maliens. Mais là aussi IBK a ignoré cette volonté populaire de le voir abandonner son dit projet. Jusqu’à la dernière minute, il s’est accroché à ce projet et ne voulait entendre parler que d’une seule chose : la tenue irrévocable du référendum de révision
de la Constitution, ignorant ainsi que ce sont d’autres choses dont les Maliens ont besoin : la sécurité et le mieux –être économique. Pendant ce temps, les courtisans et les flatteurs étaient à l’œuvre. Des associations pour les moins opportunistes pro-referendum se sont constituées sans se soucier de ce qui intéresse vraiment le peuple malien.
Mais quand la situation de contestation était devenue pratiquement incontrôlable, le Président a compris qu’en voulant tenir à tout prix son référendum il avait tout à perdre et rien à gagner. C’est en ce moment ultime qu’il a déclaré à la télévision nationale sa décision d’y surseoir. Il était tout à fait évident qu’IBK n’avait que ce seul choix au regard des rapports de force déjà constatés sur l’ensemble du territoire national. C’est en ce moments que les éternels flatteurs, en mal de crédibilité ont chanté à la face des Maliens « le sens élevé de l’écoute et de la responsabilité du président IBK ». Ce sens de l’écoute, on ne peut dire où il en a fait preuve. En tout cas, c’est à quelques distances de l’embrasement général qu’IBK a décidé de surseoir à son projet. On dit souvent que mieux vaut tard que jamais ! Mais il se doit de bien comprendre que ses courtisans et flatteurs travaillent à saper son pouvoir et qu’il a tout à perdre en les écoutant. Pour ce faire, il est important qu’il revisite ces lignes de Jean, de la Fontaine dans sa fable intitulé « le corbeau et le renard » : le renard dit au corbeau :… « Mon bon Monsieur apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute … »
La seule vraie leçon qu’il faut tirer des quatre (4) ans de règnes d’Ibrahim Boubacar Keita, c’est que si sa candidature à la présidentielle et son élection à la magistrature suprême du Mali en août 2013 ont engendré une montagne d’espoir de tout un peuple, sa gouvernance a conduit au jaillissement dans le désert d’un océan de déception de toute une nation.
Fodé KEITA