Gouvernance-IBK : Des scandales au sommet de la République

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Mali: devant les troupes, IBK évoque la situation dans le Nord
Le président malien Ibrahim Boubacar Keït

À chaque semaine son scandale. On parlait déjà du cas de l’achat de l’avion présidentiel à 20 milliards de francs CFA et du marché de matériels militaires à 69 milliards, avec à l’appui une surfacturation de 29 milliards de nos francs. À peine en avions-nous fini qu’apparaît l’affaire de « l’engrais frelaté », au titre de la campagne 2015-2016 qui a coûté à l’État malien une perte sèche de 60 milliards de nos francs.

Cette fois-ci, c’est un gros pavés qui est encore jeté dans la marre du gouvernement. Il s’agit de la mise à nu par le Comité Directeur du PARENA, d’un énorme scandale au Ministère du Développement Rural et à l’APCAM (les mêmes structures au cœur de l’affaire de « l’engrais frelaté »), portant sur un marché de gré à gré de 1000 tracteurs et dont les conditions d’attribution et l’achat posent problème.

À peine, le feuilleton du marché conclu, TOGUNA-SARL a bénéficié des exonérations exorbitantes et franchement insultantes pour toute la durée de ce marché de gré à gré. Cette société de vente de tracteurs appartenant au même groupe, TOGUNA Agro-industrie, impliqué dans le scandale de « l’engrais frelaté », est, aujourd’hui, dans le viseur du PARENA qui a découvert dans le montage du contrat passé entre elle et le ministère du Développement Rural de grosses pierres que personne ne pouvait soupçonner jusqu’ici.

Après la horde des scandales d’IBK I, voici donc celle d’IBK II.  Seulement, cette fois-ci, la cadence vertigineuse de ces grands bruits, traduit plus que jamais les errements de la gouvernance que l’on disait déjà chaotique. Ce qui importe ici, c’est moins les scandales eux-mêmes que leurs répercussions politiques.

Les peuples d’analphabétisme notoire bercés par les louanges et flagorneries des pontes au pouvoir ne perçoivent pas vraiment la nécessité de se révolter contre les prévarications des princes qui les gouvernent. Pourvu que routes et ponts soient construits, pourvu que quelques dignitaires reçoivent leur part du « gâteau », et la messe est dite. Dans le contexte d’une démocratie minée par la corruption électorale, le clanisme familiale d’abord et ses corollaires, les scandales qui nous assaillent sont perçus dans leurs variantes identitaires. Accuser le « sinistre » du Développement Rural, le Dr Bocari Tréta d’avoir commis telle déviance, c’est comme accuser les membres de « la famille présidentielle d’abord ». Cette solidarité dans le mal s’exprime encore lorsque tout récemment, le dernier scandale du marché des 1000 tracteurs conclu, de gré à gré, entre le ministère du Développement Rural et TOGUNA-SARL a éclaté. On accuse le Chef de l’État IBK, le président « Kankélétigui » (entendez homme à poigne) devenu « Kantiamatigui » (homme sans parole) de ne s’en prendre qu’aux seuls cadres des régimes précédents, certains allant même jusqu’à prendre l’interpellation des anciens directeurs de l’APEJ (Modibo Kadjogué, Issa Tiéma Diarra et Sina Demba) comme des victimes de l’acharnement du Chef de l’État.

Tous ceux-là ont peut-être raison d’y percevoir les relents claniques  du pouvoir. Le nettoyage sélectif qui s’opère n’échappe à personne. Et nous voici retombés dans les débats politiques qui cachent si bien l’essentiel : Qui a fait quoi ? Qui donc mérite quelle sanction ? En mêlant la sauce politique aux actes réels de prévarication, le public malien refuse incidemment de répondre à ces questions essentielles.

Faute d’y avoir répondu, les pontes de la famille d’abord, en lieu et place du Mali d’abord, s’exposent à n’en point douter au retournement du bâton. S’il est vrai que les scandales qui pleuvent aujourd’hui restent impunis, il est tout aussi vrai qu’un jour vient où ils seront sortis des tiroirs. Et alors, personne ne pourra empêcher le glaive de la justice de tomber sur les têtes.

C’est en analysant cette perspective que certains voient l’avenir d’IBK derrière les barreaux. Oui, derrière les barreaux. Il est impensable, en effet, que tous ces scandales qui pleuvent ne touchent jamais, du moins au plan judiciaire, le premier des Maliens, celui-là même qui détient tous les leviers du pouvoir et qui reste capable d’empêcher que ces actes malheureux surviennent. Et l’on peut le soupçonner de chercher à se maintenir par tous les moyens au pouvoir au-delà de 2018, pour sécuriser ses arrières. Bénéficier d’une amnistie tacite, à la façon d’ATT, pourrait n’être que la clé de son départ dans trois ans. Car, tant que le président IBK aura le sentiment qu’il coulera le restant de ses jours au frais pour les scandales qui noircissent aujourd’hui son régime, il rendra difficile toute succession.

Au demeurant, certains esprits malins trouvent qu’il s’activera au contraire pour installer un fantoche dans le fauteuil présidentiel, en restant derrière le rideau comme le chef d’orchestre du futur régime. Un jeu déjà connu avec le tandem Poutine-Medvedev en Russie. Cette perspective aussi n’est pas moins plausible que celle, plus probable, qui veut qu’il finisse par trouver un modus vivendi avec le futur locataire de Koulouba afin de rester intouchable après 2018.

Il pourrait même poser cette condition comme incontournable avant de quitter le pouvoir. La succession des scandales l’expose en tout cas à un avenir si mouvementé après le pouvoir qu’on se demande comment il pourrait s’en sortir sans un coup de semonce à la fin de son règne.

Mariam Konaré

Le Nouveau Réveil

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