Gouvernance démocratique : IBK doit redresser la barre

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Ibrahim Boubacar Keïta, le 3 mai 2014 au palais de Koulouba. © Emmanuel Daou Bakary/Jeune Afrique

S’adressant aux religieux après une année de gouvernance de son régime, pour recevoir de leur part des bénédictions pour les négociations inclusives d’Alger et le bonheur du Mali, IBK, le président de la république, a jeté un pavé un gros pavé dans la mare en les rendant comptables de sa gestion devant Dieu, surtout les musulmans, qui ont contribué de manière décisive à son élection à la présidentielle. Une manière de retourner la politesse à ceux qui lui reprochent une gestion familiale clanique, ou partisane du pouvoir, sans lui adresser ouvertement leurs critiques. Bref, il leur reproche de ne pas lui dire la vérité. Mais au-delà, il s’adresse à tous ses soutiens multiformes.

C’est non sans regret et une certaine amertume qu’il a dit ainsi le fond de sa pensée. Mais IBK, oublie trop facilement que sa nature profonde n’aime pas la contradiction, encore moins les critiques ouvertes qui mettent en cause non seulement sa personnalité, son style, mais encore sa manière de gérer le pays. On l’a constaté après des déclarations et autres tribunes officielles de leaders et partis politiques de l’opposition : Soumaïla Cissé de l’URD, son dauphin à la présidentielle; Tiébilé Dramé et PPR, respectivement président et secrétaire général du PARENA, qui ont successivement mis en cause sa méthode de gouvernance.

Bref, le président Ibrahim Boubacar Keita n’aime pas être trimballé, par qui que ce soit. Encore moins par les journalistes qui l’ont sincèrement soutenus ou qui sont proches de lui par diverses alliances. Parce qu’il les croit des inconditionnels acquis éternellement à sa cause. Ainsi, il a eu à prendre son téléphone pour reprocher vertement à un journaliste de son alliance des critiques, qu’il croyait mal venues, contre sa conduite des affaires publiques.

Son approche de la communication est tout ce qu’il y a de déplorable, pire, de dictatorial. Il faut plaindre les responsables et animateurs de la communication présidentielle à Koulouba qui, à cause de ses velléités, avalent constamment des couleuvres, sans être responsables d’une faillite que lui-même orchestre par son attitude. Non seulement il les prend de haut, en leur donnant des leçons dans une science qu’il ne maitrise guère ; mais plus grave, il lui arrive de les désavouer et de les humilier publiquement. Chat échaudé craignant l’eau froide, ces derniers ne peuvent plus que tenir profil bas en se gardant de toute initiative, sans l’aval du maître des céans. Par ailleurs, comment est-il possible d’asseoir une communication de proximité à l’adresse des Maliens, en symbiose avec quelqu’un d’assis sur son Olympe, accablé de fausses certitudes et inaccessible à ses proches collaborateurs, dont ses ministres et même le Premier ministre ?

Comment faut-il donc faire en cas d’urgence ? Il faut reprocher à IBK ce grave défaut de jeter tout le monde en pâture selon son humeur inégale, l’opposition comme ses partisans. Lors de l’élection du Haut Conseil Islamique et après, il a commis deux maladresses insignes qui ont failli provoquer le clash définitif de cette organisation nationale musulmane. Parce qu’il avait pris parti pour un camp et menacé l’autre de rétorsions. Le malaise demeure toujours tandis qu’une frange de cette majorité l’attend au tournant.

De la même manière, le clash du gouvernement avec l’UNTM a été possible à cause du manque de réactivité du chef de l’Etat qui n’a pas voulu comprendre le sens du changement démocratique opéré par les travailleurs maliens. Il a refusé de recevoir Katilé, le nouveau secrétaire général de l’organisation syndicale et son bureau légitime à cause d’accointances mal venues avec l’infréquentable Siaka Diakité et son ancien bureau. IBK et son gouvernement (parce que c’est lui réellement qui mène la manœuvre à l’Exécutif, lui seul et non Mara) ont été ainsi trimballés de belle manière par la l’UNTM et sa grève largement suivie à Bamako et au plan national. Il a dû faire profil bas par la suite.

La leçon de tous ces faits, c’est qu’IBK n’aime pas être face à la manière forte, à cause de sa réputation d’homme d’Etat ayant le sens de l’autorité. Il adore trouver des boucs émissaires pour déplacer les problèmes. En outre, il est entrain de verser dans l’autoritarisme et de se mettre dans la peau d’un maître d’école qui donne d’éternels conseils à des enfants immatures. Alors qu’il est face au peuple souverain qui l’a élu pour un changement révolutionnaire. D’où un revirement de plus en plus sensible chez ses électeurs, entre doute, désappointement ou déception devant le tableau guère reluisant de la gestion de la crise du nord et de leurs difficultés quotidiennes qui s’aggravent de jour en jour.

Lui seul semble ignorer le danger. Le cas de son ami Hollande, le président français devrait lui donner de précieux enseignements, s’il n’est pas condamné à être sourd et aveugle devant la réalité des faits. Une telle attitude, de sa part, conduirait à son échec inéluctable et à la victoire de l’opposition à la prochaine présidentielle. C’est dans quatre ans, mais c’est déjà demain, tant le temps et les défis comptent double pour lui.

Le bourgeois de Sébénicoro doit se remettre à souhait, avec l’humilité indispensable, au diapason des attentes du peuple qui a besoin de preuves concrètes, urgentes, qu’il peut mieux faire et non de ses éternelles déclarations d’intentions, autant de slogans électoraux qui n’ont plus droit de cité. Car si lui et sa famille mangent bien, sont bien soignés, dorment bien, sont bien logés, n’ont aucun souci du lendemain, la majorité des Maliens sont pauvres, mal nourris, mal dans leur peau. Ils ne demandent pourtant que l’essentiel qu’il leur avait promis.

Oumar Coulibaly 

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