Gestion du pouvoir en Afrique : Quand l’âge des dirigeants tue l’espoir !

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«Aux grands maux, il faut les grands remèdes», dit- on souvent.

Il ne sera pas question  ici d’ouvrir une page d’histoire de la gestion politique du continent africain, car cela serait assez laborieux. L’on rappelle simplement que l’Afrique était et reste à la croisée des chemins politiques. Elle a souffert dans sa chair et dans sa conscience et cela pendant des siècles, les affres du commerce triangulaire. Un souvenir affreux quand on se rappelle que les roitelets africains avaient pris sur eux la lourde et historique responsabilité de vendre bien de bras valides du continent à des esclavagistes européens pour fonder l’agriculture du nouveau monde.

La conséquence fâcheuse fut le dépeuplement du continent des forces vives avec comme corolaire le ratatinement du développement des peuples africains.

Après le commerce triangulaire qui a englouti 400 millions d’Africains, ce fut le tour des colonialistes de poursuivre allègrement la cynique politique de pillage systématique de l’Afrique par le truchement de ses rois. Les pairs des indépendances africaines avaient pris toute la mesure de ces événements historiques et saisi à sa juste valeur la responsabilité historique qui fut celle des roitelets et des gouvernants du continent.

A la faveur des luttes d’indépendance, ces fils d’Afrique avaient compris que sans indépendance économique, il ne peut y avoir d’indépendance véritable du continent. A la lumière de ces luttes d’indépendance en Afrique, un besoin réel de gérer autrement les affaires africaines s’était manifesté avec acuité. Des programmes audacieux de développement ont été élaborés en vue de redonner confiance aux peuples meurtris du continent.

Après l’espoir voilà qu’en presque 60 ans d’indépendance, le tableau socioéconomique, politique, culturel et sécuritaire est tout sauf reluisant. En Afrique il y a la terre, les ressources de toutes sortes. Mais le développement se fait impatiemment attendre.

En lieu et place du combat pour le développement du continent, voilà que les sorciers de la politique se mettent en branle non pas pour servir les intérêts fondamentaux des peuples africains, mais pour des questions de famille, de prestige sur un fond de calcul financier et économique.

A-t-on besoin aujourd’hui de chanter cette vieille chanson à l’oreille des jeunesses d’Afrique à savoir ‘’la jeunesse fer de lance de la nation, la jeunesse espoir du continent des martyrs’’ ! Visiblement, la jeunesse constitue l’avenir des peuples. Lorsqu’elle est torpillée, c’est l’avenir qui l’est avec elle. Mais comment rendre rationnelle cette vérité en Afrique ?

Le constat est tristement amer chez nous : au lieu de céder le pouvoir aux jeunes, nos vieillards politiciens se battent sans répit pour le confisquer quand bien même ils ont montré toutes leurs limites objectives quant à leur capacité de redonner confiance à ce continent pillé et souillé par les politiques affairistes de nos dirigeants.

A regarder aujourd’hui les occupants des fauteuils présidentiels en Afrique, l’on ne peut n’empêcher de constater malheureusement qu’ils restent occupés par des vieux qui s’accrochent contre vents et marées.

Quelques exemples suffisent pour illustrer que l’Afrique vit toujours à l’heure de la gérontocratie c’est-à-dire du pouvoir des vieux. Ainsi :

– En Algérie, le président Bouteflika, 80 ans et 18 ans de règne, qui ne peut plus se séparer de son fauteuil roulant, continue à gérer la destinée de la République. Au regard de son état de santé et de son âge, force est de parier que le président algérien souhaite mourir au pouvoir.

– Au Cameroun, le président Paul Biya, 83 ans dont 35 ans de règne,  dont la parole est de moins en moins audible est aux affaires depuis maintenant trente-cinq ans. Est-il enfin prêt à céder le trône à un jeune pour donner au pays un souffle nouveau pour un développement véritable à la dimension des mondes en mutations ? Rien n’est moins envisageable quand on sait que ce qui compte pour les dirigeants du continent, ce n’est pas le besoin urgent de développement socioéconomique, politique et culturel à l’avantage des masses laborieuses, mais bien plutôt le besoin de mourir aux affaires.

– Quant au président Muhammadu Buhari du Nigeria, 75 ans, il faut dire que son peuple a besoin de savoir sans détour politique de quoi il souffre réellement et s’il se trouve dans l’incapacité d’assumer sa fonction de président de la République. Pourquoi lui aussi s’accroche-t-il au fauteuil présidentiel ? Pour mourir aux affaires ? Pourquoi alors ?

– Ibrahim Boubacar Keïta (IBK,) qui a 73 ans révolus, semble malade sans que l’on informe vraiment notre peuple. Ou alors une simple fatigue ? En tous cas, il est fort à parier qu’il tentera un second et dernier mandat en postulant lors de l’élection présidentielle de 2018. Au regard de ces gouvernements successifs, il semble de plus en plus évident qu’il a montré toutes ses limites objectives dans la gestion des affaires du Mali.

– Alassane Dramane Ouattara (ADO), 75 ans, conscient de son âge très avancé a estimé judicieux de ne pas se présenter à l’élection présidentielle ivoirienne de 2020. Mesure de sagesse ? Et pourquoi forger un poste de vice-président ? Est-ce pour garantir ses arrières politiques ? En tout cas, la Côte d’Ivoire n’est pas à l’abri d’une guerre de succession à l’allure où vont les choses.

– Alpha Condé, environ 79 ans, est en passe de prouver qu’il a atteint toutes ses limites objectives comme en témoignent les bricoles à propos de la grève des enseignants de la Guinée Conakry.

– Robert Mugaba, a 93 ans, 37 ans de pouvoir. Certes, il a su donner à son pays, le Zimbabwe toutes ses lettres de noblesse, tout son honneur et toute sa dignité dans son combat pour redonner les terres aux fils du pays aux dépens des colons anglais. Mais il est temps pour lui de passer la main à un jeune patriote puisque le pays n’en manque pas et cela après les victoires éclatantes remportées.

– Edouard Dos Santos d’Angola, 74 ans, 38 ans de pouvoir, a déjà clairement préparé sa succession. C’est bien cela que les dirigeants africains doivent faire en vue de donner du sang neuf au continent au regard d’une mondialisation de plus en plus pressente ou la victoire n’est pas gagnée d’avance ni d’ici ni ailleurs.

– Denis Sassou NGuesso du Congo Brazza, 74 ans, 28 ans de pouvoir avec une interruption de 5 ans (1992- 1997) ; Omar El- Béchir du Soudan, 74 ans, 28 ans de règne ; Téodoro Obiang N’Guema, Guinée équatoriale, 74 ans, 38 ans de règne ; Yoweri Museveni, Ouganda, 74 ans, 31 ans de pouvoir.

Aujourd’hui, ça brûle partout en Afrique, les contestations se multiplient, les peuples prennent conscience de la nécessité de rompre avec la gestion coloniale et politicienne de leurs affaires. Face à cette prise de conscience, le temps est venu de remettre l’Afrique aux Africains sans intrusion étrangère dans ses affaires. Cette tâche revient impérativement à la jeunesse car l’Afrique ne plus rien tirer de potable de la gestion gérontocratique et coloniale de ses affaires par celles et ceux qui continuent de regarder vers le passé alors qu’il s’agit maintenant d’avancer dans la bonne direction. Cela est aujourd’hui un impératif catégorique tant qu’il n’y a plus de doute que pour l’essentiel des cas, l’âge des dirigeants africains tue l’espoir d’un développement viable et durable à l’avantage des peuples laborieux du continent.

Il appartient donc à la jeunesse africaine d’en prendre conscience et de s’assumer. Aussi, doit-elle apprendre à comprendre que la racaille de démocrates assoiffés de pouvoir ne peut servir les intérêts fondamentaux des peuples.

En conséquence, elle ne doit plus continuer à secouer les pans des boubous de ces politiciens finis qui n’ont plus rien de potable à donner aux peuples.

Pour la confiance en l’avenir et pour l’amour de l’Afrique !

Fodé KEITA

 

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