De la lancinante question de gouvernance à l’insécurité, en passant par la cherté de la vie, la paupérisation constante des conditions de vie des populations et les scandales, rien n’échappe au bilan rétrospectif du président des Fare An Ka Wuli, Modibo Sidibé. L’ancien premier ministre, présentant ses meilleurs vœux de 2016 à la presse hier mercredi 13 janvier, s’est insurgé contre le pilotage à vue du régime en place. Un régime incapable de relever le moindre défi et qui, pour toute excuse trouvée, clame « que tout était à terre et cela dans tous les secteurs ». Ainsi, nous entamons 2016, sans cap… Si Modibo Sidibé, estimant que le Mali a encore des ressorts pour rebondir, n’est pas désespéré pour autant ; il déplore cependant, l’existence d’un véritable « terrorisme politique » dans la gestion actuelle du pays.
« C’est bien peu dire que 2015 fut assez éprouvante pour notre pays en bien de domaines ». Telle était la phrase introduisant l’exposé du président du parti Fare An Ka Wuli sur la situation du Mali durant l’année écoulée. Un bilan rétrospectif complet qui épingle la gouvernance actuelle, source de toutes les dérives qui assombrissent l’horizon pour le Mali et les Maliens.
En effet, le Mali demeure dans le gouffre de l’insécurité en passe malheureusement de se généraliser sur toute l’étendue du territoire et marquée par un niveau jusque-là inédit d’attaques terroristes et d’attentats de tous ordres, dont les plus marquants ont incontestablement été celles contre le Restaurant « la Terrasse » à Bamako, l’Hôtel Byblos à Sévaré et l’Hôtel Radisson Blu de Bamako. En 2015, révèle Modibo Sidibé, ce sont au moins quelques 200 attaques et attentats d’ordre criminel qui ont été perpétrés un peu partout sur le territoire national, et qui ont coûté la vie à plus de 300 personnes. A cette situation bien triste, il faut ajouter le drame sans précédent survenu le 24 septembre dernier sur les Lieux Saints de l’Islam et qui ont occasionné la perte cruelle de milliers de fidèles musulmans, dont plus d’une centaine de Maliens.
Que dire des incohérences du gouvernement dans la gestion des problèmes aussi importants que le foncier ? « Amateurisme, voies de fait, spectacle tiennent lieu de politique nationale du foncier dans une incohérence gouvernementale rarement égalée, et où les solidarités volent en éclats », selon Modibo Sidibé. Autant, dans le domaine des équipements et des infrastructures, le manque de vision du gouvernement concernant les stratégies d’approvisionnement du pays, constitue une des menaces graves pour l’année 2016.
Tâtonnement dans la mise en œuvre de l’Accord et une gouvernance calamiteuse
L’avenir de la République au nord du Mali préoccupe les Fare. Certes, les 15 mai et 20 juin 2015 ont vu la signature à Bamako de l’Accord dit « pour la paix et la réconciliation nationale au Mali, issu du processus d’Alger » ; mais force est de reconnaître aujourd’hui que le résultat, en termes d’impact pour la stabilité et le retour à une paix définitive et durable, se fait encore et toujours attendre. C’est dire que le processus s’enlise. Toute chose que le pouvoir aurait peut-être pu éviter, si il avait prêté une oreille attentive aux propositions des Fare qui avaient estimé, dès le départ, que le peuple devrait être intimement associé et impliqué dans le processus des pourparlers et des négociations. Aujourd’hui, au Parti de Modibo Sidibé, l’on n’est nullement surpris par le tâtonnement et autres difficultés que l’Accord connaît dans sa mise en œuvre. Car, « les questions de fond, qui auraient dû mobiliser l’ensemble des maliens autour de la refondation du pays et être la quintessence des discussions à Alger, n’ont pas reçu le traitement approprié », a expliqué Modibo Sidibé qui estime que « l’on a mis la charrue avant les bœufs ».
Néanmoins, le parti préconise de reprendre là où notre pays a trébuché en donnant l’occasion à notre peuple de s’approprier véritablement les enjeux, les défis et les perspectives de notre devenir commun. A ce sujet, « nous réitérons notre invitation au Gouvernement pour l’organisation d’une large concertation nationale sur les grands maux qui minent actuellement la vie de notre nation, dont notamment l’Accord issu du processus d’Alger », a lancé le conférencier.
Les défis sont donc nombreux. Et seule la qualité de la gouvernance peut créer les conditions requises pour une paix définitive et durable, selon M. Sidibé. Ce qui n’est assurément pas au-delà des capacités de notre nation. Cependant, faudrait-il, que ceux qui sont actuellement à la tête du pays le veuillent et l’inscrivent dans le cadre d’une vision globale de résolution des problèmes. « Tel ne semble pas pour l’instant être leur préoccupation majeure. Car, au lieu d’être aux affaires, ils se sont plutôt installés dans les affaires… », s’indigne l’ancien premier ministre. Pendant ce temps, a-t-il ajouté, « le pays baigne dans une absence de perspectives d’amélioration de l’environnement économique et de ses retombées sociales… Le pouvoir se contente d’exhiber un taux de croissance de 7% en 2014 et de 6% en 2015, mais le coût de la vie demeure toujours bien au-dessus du pouvoir d’achat des Maliens, de plus en plus nombreux à vivre dans la précarité, le chômage s’accentue et la situation de l’emploi se détériore, particulièrement pour les jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi… ». Face à ces maux, aucune riposte appropriée n’est organisée par nos gouvernants qui n’ont finalement que pour seule excuse que « tout était à terre et cela dans tous les secteurs ». Et pourtant, réponse cinglant de Sidibé à ce prétexte à la limite fallacieux, « on ne cesse d’inaugurer ou de lancer des infrastructures dans tous les secteurs ; le système de santé existant par sa robustesse a été assez déterminant face à l’Ebola ; de solides programmes et aménagements agricoles ont permis les résultats que l’on sait à la faveur de bons hivernages ; des acquis en matière d’amélioration du cadre des affaires et bien d’autres facteurs impactent positivement la situation post – crise. Bien sûr tout n’était pas parfait, mais quand on veut prendre le relais et porter loin notre pays qui était en pré-transition à l’émergence, une saine appréciation de l’existant est indispensable ».
Terrorisme politique
Pour les Fare, il faut aujourd’hui au Mali un Etat fort, celui qui s’appuie sur une administration compétente servie par des cadres ayant recouvré toute leur dignité d’agents publics au service de l’idéal républicain. En cela ils ne doivent être soumis à aucune « pression politique ». Et là encore, les pratiques du régime n’incitent guère à croire à un avenir meilleur. En effet, dénonce Sidibé, « jamais l’obligation de militer au sein du parti présidentiel (RPM), n’a été autant exigée des fonctionnaires. Cette démarche est accompagnée d’un véritable « terrorisme politique » et il urge d’y mettre fin ici et maintenant ».
Parlant de la corruption et de la délinquance financière, les FARE croient que la répression certes utile ne suffira pas. « Seul un travail de fond et de longue haleine pourra l’extirper.. Et la fermeté nécessaire ne pourra donner des résultats que si tous prennent part à cette mue profonde, à commencer par les gouvernants ».
Par ailleurs, Modibo Sidibé a mis l’accent sur la nécessité de refonder notre système de sécurité ; de manière qu’en tous temps, la rébellion séparatiste, le terrorisme, la criminalité trouveront en face d’eux l’Etat républicain, son armée, sa police, sa justice. Aussi, fut-il question de la promotion des jeunes, et de l’Initiative riz. Une initiative qui en subventionnant les intrants a boosté la production de plus de 50% lors de la campagne 2008/2009,d’1.082.384 tonnes à 1.624.246 tonnes, production qui avait atteint en 2010/2011, 2.308.233 T.
Le conférencier, pour conclure, dira que « l’année 2016 qui nous porte au-delà de mi-mandat est cruciale pour notre pays et nous l’entamons sans cap, sans clarification sur la refondation et les réformes à entreprendre. Gâchis et désillusion peuvent être encore évités à notre peuple, s’il y a à la fois capacité et volonté réelles du régime à conduire à bon port le bateau Mali ».
Auparavant, convaincus qu’il ne saurait y avoir de démocratie véritable sans une presse professionnelle, le président des FARE a formulé pour les hommes de média ses vœux les meilleurs de santé, de bonheur, de prospérité, de réussite et de paix en cette année 2016.
I B Dembélé