A trois mois des élections présidentielles, les indices perceptibles à Koulouba sont les prémisses d’une certaine panique. Qui tient le bateau ATT en main ?
Il y a des signes qui ne trompent pas : ATT veut remporter haut la main un second mandat. Il y a mis l’énergie et le charme nécessaires pour y arriver.
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De préférence, sans opposition. ATT visait une sorte de plébiscite, continuation naturelle du « consensus » tant vanté par ses trop nombreux « amis » intéressés. Mais, le président de la République est obligé de se rendre à l’évidence : sa reconduction à la magistrature suprême ne sera pas une simple formalité, il va devoir mouiller le maillot et batailler fort, face notamment à des adversaires comme IBK, Soumeylou ou Tiébilé, qui sont loin d’être des deux de pique. Et pour la première fois, à Koulouba, des proches conseillers d’Amadou Toumani Touré commencent à envisager l’éventualité d’une déculottée sans précédent de leur poulain. Ils se font du mouron, à l’idée de ne pas rempiler, à l’idée surtout que la présidence ne sera pas leur pré carré pendant dix ans.
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Alors, on assiste à une dispersion sans précédent des efforts. A commencer par le Mouvement citoyen. Officiellement, cette nébuleuse politico-affairiste est vouée au triomphe du para-commando. Mais il devient de plus en plus clair qu’il s’agit d’un amalgame sans âme d’ambitieux, de politiciens amateurs ou de professionnels pressés, une camarilla de groupuscules sans tête ni queue qui s’agite dans tous les sens, sans leadership clair et ordonné.
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Qui au Mali peut identifier clairement le patron du Mouvement citoyen ? La multiplication des meetings et des hourras de ralliements n’est pas signe de professionnalisme. En fait, le Mouvement citoyen ressemble plutôt à un opéra sans chef, au sein duquel chaque coterie joue sa partition, avec comme résultat, une cacophonie ubuesque. Quel est le poids politique réel de ce Mouvement citoyen ?. Quelle influence a-t-il sur l’opinion publique ?. Des questions pertinentes, auxquelles personne ne trouve de réponses cohérentes. Quand on sait en plus qu’un repris de justice notoire est une personnalité bien en vue, il y a de quoi avoir peur pour le Mali.
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Ensuite, l’ADP, ce regroupement de 14 partis politiques qui ont fait allégeance au locataire de Koulouba en violation de leur idéal, si jamais les leaders en ont eu. Qui est le patron de l’ADP ?. Celui qui insuffle une dynamique d’action et oriente les actions ?. Pour le moment, il ne semble pas non plus y en avoir. Peut-être, qu’au fond, Dioncounda Traoré, par honnêteté naïve, est le seul à avoir dit la vérité sur cette alliance. Il n’avait pas le choix de rentrer dans les rangs, a-t-il dit, sinon il aurait eu la justice, la Sécurité d’État et l’administration à ses trousses. Pour quelle raison ?, il ne l’a pas dit. Mais, par expérience, nous savons que la justice et la Sécurité d’État ne se mettent, habituellement, aux trousses que des délinquants et des criminels. Les gens honnêtes sont à des encablures de ces soucis.
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Au palais de Koulouba enfin, aucun indice ne laisse croire en l’existence d’un leader naturel ou nommé chargé de prendre en mains la campagne électorale du général. Tout se déroule, comme si la multiplication des intérêts et des centres de décision a créé un malaise qui étouffe l’émergence de toute initiative.
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Le constat est limpide : Koulouba ne sait plus dans quelle direction s’orienter. Il ne s’agit plus d’un pilotage à vue mais d’un aéronef dont le pilote a pris le parachute, laissant l’avion virevolter avec les passagers. Et ce malaise a pris naissance avec la publication du livre « ATT-cratie ». Le coup de cet anonyme auteur, tellement inattendu et assassin, a provoqué une crise de confiance et une paranoïa certaines au palais. Et ce livre a, également, marqué le début de la fin d’un mythe. Il n’y avait pas d’intouchable. Le chef a été attaqué, de la manière la plus violente possible. Non seulement ATT a perdu la trace de ses « amis » qui, au lieu de monter aux barricades et de le défendre, ont rasé les murs mais aussi, il a entraîné la chasse au traître parmi les proches du président. A défaut de laver l’honneur de leur poulain, plusieurs laudateurs et profiteurs ont préféré sombrer sans la surenchère d’amour. ATT saura comment reconnaître les siens.
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Il demeure cependant clair, qu’au mois d’avril prochain, ATT devra batailler ferme pour se faire réélire. Il a cependant compris qu’à partir de ce qui se passe dans son palais, que la loyauté des hommes n’est jamais acquise, que le lendemain du 29 avril, il pourrait effectivement se retrouver dans sa propre maison, congédié par ses compatriotes.
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Et cela vaut toutes les paniques du monde pour des hommes et des femmes qui ne sont rien sans l’appareil d’État.
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C’est la démocratie, il faut vivre avec cette donne.
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Ousmane Sow (Journaliste, Montréal)
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