Après avoir lamentablement échoué avec l’Initiative riz, notamment dans sa composante commercialisation, engouffré le Mali dans les exos en 2009 et traîné les pas pour débloquer l’argent des 15 000 tonnes de riz achetées en 2010, le Premier ministre, Modibo Sidibé, s’en prend au PDG de l’OPAM. Et de quelle manière !
Il y a huit jours, le communiqué du Conseil des ministres avait un seul point inscrit dans le chapitre des mesures individuelles : "Le Conseil des Ministres a, au titre de la Présidence de la République (Commissariat à la Sécurité Alimentaire), procédé à la nomination de Monsieur Bakary DIALLO, Gestionnaire d’Entreprise, en qualité de Président Directeur Général de l’OPAM".
Cette nouvelle est tombée comme un couperet. Mais sans grande surprise pour les lecteurs des journaux puisque les services de la Primature avaient, il y a déjà quelques semaines, déclenché une campagne de diffamation et de calomnie contre le désormais ex-PDG de l’OPAM, Youssouf Touré. C’était pour préparer l’opinion publique à son éviction. Aujourd’hui encore, les uns et les autres se demandent comment est-ce qu’on peut changer un cadre qui, en si peu de temps, a réussi à renflouer les magasins de l’OPAM. Avec toutes les difficultés et les risques que l’achat des céréales aux producteurs comporte.
Le grief que la Primature a formulé à l’encontre de Youssouf Touré est d’avoir traîné les pieds dans l’achat du riz aux producteurs. Résultat : les céréales sont en train de pourrir dans la zone Office du Niger, sans preneur. Seulement voilà : la faute provient de la Primature qui bloque les dossiers de l’OPAM, qui les classes sans suite, sans souvent les éplucher. Sinon, depuis plusieurs mois, les besoins sont connus, confinés dans un dossier ficelé, déposé sur la table du Premier ministre, Modibo Sidibé. Celui-ci après étude devrait ordonner au ministre des Finances le déblocage des fonds. A son tour, ce dernier donne le feu vert au Trésor publique. L’argent est alors viré dans les comptes de l’OPAM. Voilà le travail préliminaire qui n’a pas été fait. Le dossier est toujours en souffrance à la Primature.
Cette année, l’OPAM avait exprimé un besoin se chiffrant à environ à 6 milliards pour 25 000 tonnes de riz. La Primature, après avoir oublié le dossier dans les tiroirs, s’est fait taper sur les doigts avant de débloquer la moitié, soit 3 milliards. C’est avec cet argent que l’ex-PDG de l’OPAM, Youssouf Touré a acheté environ 15 000 tonnes de riz.
En 2009, par contre, les erreurs de gestion de la Primature ont poussé le Mali à s’engouffrer plutôt dans les exos, au profit des opérateurs économiques véreux. Lesquels créent très souvent des pénuries artificielles pour plus de profit. La fameuse initiative riz, mise en route pour l’accessibilité des céréales, à un coût supportable, a englouti des dizaines de milliards de FCFA, sans résultats probants. Elle a, on le sait, produit l’effet contraire, c’est-à-dire la cherté des céréales. Cette année-là également, au lieu de reconnaitre l’échec de l’opération, surtout au niveau de sa composante commercialisation, Modibo Sidibé a trouvé un bouc émissaire, l’ex- PDG de l’OPAM "qui ne réagit pas avec promptitude". Alors que le péché originel provient de la Primature où les dossiers de l’OPAM dorment dans les tiroirs. Chaque fois, on accuse l’OPAM d’avoir réagi tardivement dans l’achat du riz, alors que c’est seulement en fin novembre dernier que les premiers sous ont été débloqués. Pour qui connaît la zone de l’Office, en novembre 2009, on ne pouvait que trouver le fond d’assiette. Au lieu de sanctionner la lourdeur voire l’incompétence de ses services techniques et même financier, la Primature tombe à bras raccourci sur le pauvre Youssouf Touré. Ni l’OPAM ni le Commissariat à la Sécurité Alimentaire ne possède de fonds pour l’achat des céréales. Et quand l’un ou l’autre demande des sous pour l’exécution de ses missions, on joue au dilatoire à la Primature. Et on fait porter les conséquences à d’autres acteurs. Modibo Sidibé refuse de jouer le rôle de fusible avec ATT, mais quand il s’agit de lui, pour sauver sa tête, son honneur, il sacrifie les grands commis de l’Etat par ci et par là. Depuis longtemps, la Primature a voulu mettre "son homme" à la tête de l’OPAM et a finalement eu gain de cause. Dans un futur proche, l’OPAM sera certainement dotée des moyens qu’on lui a refusés dans le passé. Afin qu’il achète le "riz qui pourri dans les magasins en brousse".
Mais, le pire reste encore à venir. Alors qu’on accuse l’ex-PDG de l’OPAM d’avoir refusé d’acheter du riz qui pourri dans les magasins en brousse, dans les coulisses de la Primature et de l’hôtel des Finances, on se prépare à distribuer des exos. Tous les acteurs chargés de la sécurité alimentaire sont, pourtant, unanimes que le Mali n’a pas besoin d’exos cette année.
A suivre.
Paul Mben