La plus grosse surprise qu’un chasseur peut ressentir, c’est d’entendre le bruit sec de son fusil. Parce qu’il a oublié de le charger : le moyen le plus sûr de râter son point de mire, et… son « poing » de tir…
Loin de nous l’idée, d’allégeance, ou partis pris, qui n’ont de prise que sur des âmes soumises à des penchants subjectivistes ! Mais – « il faut le dire », comme dirait l’autre – les ragots qui couraient sur ce torchon, intitulé « ATT-Cratie, la promotion d’un homme et de son clan » se sont éteints dans l’indifférence générale. Tel un feu de paille, qui n’a trouvé aucun tison pour s’attiser, le livre s’est consumé, dans l’âtre du dédain de nos populations. Un dédain qui confine au mépris !…
Et il semble que là, ses auteurs se sont plantés, quant au scandale et remous sociaux auxquels ils s’attendaient après la parution du « fumeux » ouvrage. Répétons-nous : toute œuvre n’est belle que lorsqu’elle est critique. Et toute critique n’est objective que lorsqu’elle est impartiale. Mais lorsqu’une oeuvre, de sa première à sa dernière page, passe son temps à éreinter et à radoter, elle finit par dégoûter son lecteur. Et l’insipidité, on le sait, s’accommode mal avec le palais d’un goûteur avisé. Si donc critique il y a, elle ne doit guère se limiter à des allégations, dignes de commères en cuisine. Elle doit tout autant reconnaître, et louer, les mérites de l’objet ou du sujet critiqué. C’est en cela qu’elle capte l’intérêt du lecteur. Et mieux, c’est ainsi qu’elle fait ressortir la noblesse de son objectivité. Mais aussi, la crédibilité de ses propos.
D’autre part, l’on s’étonne qu’un tel livre ait attendu… cinq ans pour être porté à la connaissance du public. Surtout, à quelques encablures des élections présidentielles ! Pourquoi n’a-t-il pas paru, deux ou trois ans plus tôt ?… En tout « camp », le moins qu’on puisse constater, c’est que le livre n’a guère emballé ceux qui l’ont lu, ou qui en ont eu vent. Certains citoyens, interrogés, ne l’ont pas apprécié. Les uns se disent navrés ou lassés par ces médisances, qui n’ont rien d’extraordinaire. Et les autres trouvent que le bouquin ne mérite pas qu’on y attache de l’importance. La couche intellectuelle, dans sa majorité, ignore même qu’un tel livre circule sous les manteaux !
Quant au reste de la population, elle a d’autres chats à caresser. Pourtant, S.O., un mécanicien analphabète – mais pas du tout bête-, est au courant de cette histoire. Questionné à chaud, il sort de sa réserve : « Hé, vous savez, toutes ces histoires qu’on a racontées sur ATT et son régime, tout le monde le sait plus ou moins, avant même que ce livre ne sorte. Et chacun les raconte à sa manière. Il n’y a donc rien de terrible dedans ! Moi, ces histoires me rappellent celles que se racontent les bonnes femmes, lorsqu’elles vont au marché : elles racontent du n’importe quoi, sur tout et tout le monde. C’est l’effet que ça m’a fait, quand on m’a parlé du livre ». Alors, AD, un commerçant bedonnant – et lettré, celui-là- se mêle de la conversation en gueulant : « Dôgô (Ndlr : petit frère), ces gens-là sont fous ! Ils croient nous avoir en racontant ces choses. Moi, un ami m’a parlé de ce livre. Eh, c’est toujours comme ça, dans ce pays !
Quand des gens haut placés n’obtiennent pas ce qu’ils voulaient, ils font pleuvoir des mensonges sur les faman en place. D’ailleurs comment savent-ils tout cela, s’ils n’étaient pas eux-mêmes des faman ? Si, au moins, ils avaient dit qu’ATT a mangé l’argent ou les vivres des pauvres gens. Ou s’ils avaient la preuve qu’ATT a lésé un pauvre type, on aurait pu comprendre. Mais il parait que dans tout le livre, ce n’est que du Kôrôfô dialan (Ndlr : de la médisance gratuite). Et ça, tous les régimes en ont eu pour leur compte. Alors, qu’on nous laisse respirer ! ». Ces avis ne reflètent, peut-être, pas ceux de l’opinion nationale. Mais, au sein de la populace, c’est tout comme. Alors, si ce premier tome du « Sphinx » a enregistré un si mauvais accueil au sein du public malien, ce serait un mauvais pari, de miser sur le succès d’un second tome. Car, à travers cet ouvrage, le « Sphinx » s’est montré comme un démocrate. Mais pas, comme un démocrate pratiquant. Dommage !
O. Diawara
“