S’il y a des domaines où le président de la République, Amadou Toumani Touré (ATT) a pêché au cours de son 1er quinquennat, c’est bien celui de l’école, de la justice et la lutte contre la corruption. Parviendra-t-il à ramener l’école à l’école, à assainir la justice et à freiner la corruption au cours de son second et dernier mandat ? Le temps nous le dira.
Justice rime quelque part avec lutte contre la corruption. Les services de contrôle et de vérification ont beau traquer les délinquants à col blanc en mettant le doigt sur leurs malversations, le dernier mot revient toujours à l’appareil judiciaire. En toute indépendance, la justice a le devoir d’établir la culpabilité des suspects avant de leur infliger la peine correspondante.
Le président ATT avait mis au cœur de sa politique la lutte contre la corruption et la délinquance financière. C’est en cela qu’il a renforcé les services de contrôle traditionnels comme le Contrôle général d’Etat, la Cellule d’appui aux structures de contrôle des administrations (Casca) par la création du bureau du Vérificateur général (Végal) dont l’inspiration lui est venue du Canada. Le Végal est un organe indépendant. Son premier responsable est nommé pour 7 ans non renouvelables et il est irrévocable.
Malgré tout, la corruption se porte comme un charme. Les rapports de la Casca et du Vérificateur général, qui épinglent les services publics et parapublics ainsi que des privés pour ce qui est du Végal, sont loin d’être dissuasifs. Et pour cause. Les rapports depuis cinq ans, sont rarement suivis d’effet. Au mieux des cas, les présumés coupables de détournements et autres malversations financières sont appelés à faire un simple redressement de leur situation. Ils paient à l’Etat le manquant à eux reproché. Les comptes étant soldés, on n’entend plus parler du dossier.
Le 1er rapport du Végal, publié courant 2006, en est l’illustration parfaite. Des structures comme l’Office du Niger, la CMDT, la douane et des opérateurs économiques du secteur des hydrocarbures ont été accusés de détournements causant un manque à gagner au Trésor public de 15 milliards de F CFA. Il n’y a eu qu’un semblant de poursuites judiciaires sur quelques-uns.
Avec près de 6 milliards de fonds détournés, l’Office du Niger traîne une lourde ardoise. Des responsables de cette structure, barrons du Mouvement citoyen, proche d’ATT, qui avaient été interpellés par la gendarmerie de Ségou ont été aussitôt libérés. Aux dernières nouvelles, ils seraient plus au frais.
Le second rapport du Végal est attendu dans quelques mois. Selon notre confrère JA, l’argent volé au détriment de l’Etat est de 80 milliards de F CFA. Les services contrôlés sont toujours les mêmes.
En tout état de cause, la politique de lutte contre la corruption a été un échec cuisant pendant ce premier essai d’ATT faute de volonté politique et d’une justice au-dessus de tout soupçon.
Vices rédhibitoires ?
L’école est la grande énigme dans tout cela. Le premier mort à l”école après les événement de mars 1991 a été enregistré sous ATT courant novembre 2004. Mamadou Dramane Traoré dit Papou a été lynché par des camarades de classe membres d’un autre clan de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Il est mort dans des conditions horribles qui n’ont jamais été élucidées. Les suspects qui seraient à la solde de tierces personnes ont été néanmoins élargis sur fond de conciliabules avec le père du défunt.
Le budget alloué à l’école et les projets et programmes développés en sa faveur n’ont été aussi considérables que sous ATT. De nouvelles salles de classes ont été bâties dans le primaire et au secondaire. Des amphis sont sortis de terre en l’espace de deux ans pour résorber les effectifs pléthoriques dans les facs. Même les coins les plus reculés du pays, qui rêvaient d’avoir deux salles de classe, il y a 30 ans disposent d’un lycée.
ATT dès son arrivée a rêvé d’une école apaisée. Il a choisi de mettre à la tête du département de l’Education un enseignant de carrière et qui a fait les luttes politiques, syndicales et estudiantines du Mali contemporain.
Malgré tout, les observateurs s’accordent à dire que l’école ne s”est jamais portée aussi mal. Elle a toujours été confrontée à des perturbations avec des années scolaires universitaires et secondaires qui ne sont jamais allées à leurs termes. En témoignent les deux facultés économiques et juridiques qui n”ont ouvert leurs portes qu”en février 2007. Là encore, les étudiants de la Faculté de droit ont passé plusieurs semaines dehors pour des revendications.L’école demeure la plus grosse plaie de notre pays. Tous les efforts sont consentis pour la rendre performante, mais elle ne fait que s’enfoncer dans le laisser-aller et la médiocrité. Les responsables n’en ont presque cure. Ils se glorifient en disant en toute occasion et en tout lieu que l’école est apaisée. Soumeylou Boubèye Maïga, candidat à la présidentielle du 29 avril 2007 pense le contraire. « L’école est forcément apaisée puisqu’il n’y a plus d’école », disait-il au cours de sa campagne.
Tiébilié Dramé, président du Parena et candidat à la même élection présidentielle disait dans une interview qu’il nous a accordée « qu’on ne peut plus parler d’école au Mali avec des années scolaires tronquées allant de cinq à six mois ». Conséquences : nos diplômes ne font plus le poids dans les autres pays de la sous-région. Même dans notre propre pays, des entreprises commencent à douter de la qualité de certains parchemins délivrés par des écoles de la place.
ATT a encore cinq années devant lui pour mettre en chantier, avec toute la rigueur nécessaire, son ambition pour la justice et la lutte contre la corruption ainsi qu’une école performante et apaisée.
Abdrahamane Dicko
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