GESTION DE L’ETAT AU MALI : La faillite du système ATT

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Pour bon nombre de ses supporters de 2002, l’espoir immense né du retour d’Amadou Toumani Touré au palais présidentiel s’est évanoui dans les eaux du Djoliba…

J’ai eu une conversation téléphonique très intéressante avec un Malien, fonctionnaire à la Banque mondiale. En 2002, solidement assis sur ses généreux revenus provenant de l’institution de Bretton Woods, l’homme fut un des bailleurs de fonds les plus généreux des clubs ATT aux Etats-Unis. Cinq ans après l’euphorie de 2002, l’ancien supporter ne peut contenir un soupir de découragement : « Le Mali ne sortira jamais la tête de l’eau avec un système pareil. C’est une honte ! »

Dans un élan de générosité motivé par un désespoir certain face aux agissements des tenants du pouvoir, il se laisse aller à une énumération qui donne froid dans le dos : « Autrefois, dans les années 1990, nous pensions à la Banque mondiale que seul le Sénégal avait le monopole des chiffres tronqués. En moins de 5 ans, les Maliens sont devenus les meilleurs d’Afrique. Systématiquement, toutes les statistiques qui nous parviennent, concernant par exemple l’économie ou le commerce sont tronqués. Ils sont archi-faux ! Rien que des maquillages et des contrevérités ».

En l’absence de ces statistiques fiables, il comprend aisément la raison pour laquelle le Pnud a superbement ignoré les chiffres fournis par le gouvernement, préférant se fier à sa propre méthodologie. Cela le conduit à préciser : « Nous sommes vraiment avant-dernier au monde. Le Pnud a donné les vrais chiffres ».

En effet, selon les confidences obtenues par ce fonctionnaire international, le Pnud a, pour plusieurs pays, mis en place son propre système de renseignements au niveau des finances publiques. Il veut s’assurer de ne pas se faire berner. Visiblement, avec le Mali, les initiateurs de ce stratagème ont eu raison.

Mises en garde

Notre informateur de préciser : « Il y a une constante dans la manière de diriger qui s’est installée à Bamako : se croire plus malin que tout le monde. C’est un des traits de caractère de cette administration. Or, nous travaillons avec un système rationnel de calcul. S’ils sont si malins que ça, qu’ils inventent des technologies nouvelles ! Ce qui me fait le plus mal, c’est que ces fausses statistiques donnent l’illusion que le Mali fait des progrès immenses. Cela entraînera une diminution inévitable dans le volume de l’aide publique. Au bout du compte, ce sont encore les pauvres qui paieront ».
Notre interlocuteur se désole également de la fraude, de la corruption qui prennent chaque jour une ampleur insoupçonnée au point de pousser Transparency International à émettre une note interne recommandant une attention particulière sur le pays. Cette note précise : « Il n’y a aucune volonté manifeste du pouvoir, de la base au sommet, à punir les individus coupables de fraude, de corruption ou de détournements de deniers publics. Il semble que les délinquants financiers ont compris qu’ils ont juste à financer le Mouvement citoyen, les groupes de soutien au président de la République pour s’assurer l’impunité ».

Enfin, le fonctionnaire de la Banque mondiale nous révèle que dans une évaluation de pays demandé par Paul Wolfowitz (président de l’institution), il est écrit en synthèse sur le Mali : « Le système judiciaire ne fonctionne pas. Il n’est pas crédible. Les décisions rendues par les tribunaux sont souvent en contradiction flagrante avec la loi. Les juges obéissent plus au pouvoir de l’argent qu’à la loi qu’ils doivent appliquer. Investir au Mali comporte des risques sérieux parce que la justice n’est pas fiable en cas de litige. Il importe au président de la Banque mondiale de faire pression sur le pouvoir central afin qu’il montre plus de leadership dans l’éradication du fléau de la corruption ».

Alors, est-ce qu’il y aura encore un opéra gouvernemental devant les caméras de télévision pour répéter que le Pnud est dans l’erreur ? Ou que la corruption a disparu au Mali. Avec les discours que l’on entend sur les ondes de l’ORTM, certain que le ridicule ne tue plus.

Ousmane Sow
(journaliste, Montréal)

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