Le sieur El Habib Ben Abdoul Wahab est très fort. Plus fort que lui, tu meurs ! Mais sa dernière victime en date, le secrétaire Général du Ministère de l’Agriculture en personne, n’était pas du genre à baisser les bras contrairement à ses autres proies du même statut. L’escroc en question n’était pas à son coup d’essai. Ses victimes étaient de hauts fonctionnaires de l’administration publique dont il semble maîtriser les rouages et les habitudes. rn
Mardi 31 Juillet 2007 : le secrétaire Général du Ministère de l’Agriculture (un ministrable donc !), reçoit un coup de fil de Oumar Diallo, conseiller Economique à la Primature. Son correspondant lui demandait tout juste un service entre gens de la haute classe. Son fils devrait se marier à Mopti, ville natale du président de la République soit dit en passant, et Madame devrait incessamment se rendre là pour la cérémonie. Mais voilà : les préparatifs de ce mariage l’ont ruiné. Il souhaitait juste avoir quelques tickets d’essence pour assurer le voyage aller. Afin de convaincre son correspondant de la véracité de ses déclarations et de briser toute méfiance, il cita le nom de nombreux responsables de la Primature que notre Secrétaire Général connaissait bien. Parfait alors ! Notre SEGAL prit immédiatement les dispositions pour faire parvenir le nécessaire soit dix tickets d’essence de 5.000 F CFA l’unité. Il remis le butin à son chauffeur conformément à la demande de M Diallo qui se dirigea à l’adresse indiquée, non loin de l’Ambassade de Canada. Là, il trouva sur place le fils du Conseiller qui confirma les dires de son père : Maman s’apprête bien à se rendre à Mopti et Papa n’attendait que ces tickets. Après avoir remis les biens, le chauffeur s’en retourna faire le compte-rendu à son patron. Il prit soin de décrire avec précision le fils du Conseiller : type arabe, taille moyenne avec un certain embonpoint… Bref, le genre de personne généralement au dessus de tout soupçon. Tout est bien qui finit bien donc ! Notre Conseiller pensait certainement avoir fait la bonne affaire : un tel service se payait forcément…, en nature ou en espèce.
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Le bienfaiteur récompensé
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La rétribution s’effectua en effet, mais plus vite que prévu. Quelques jours plus tard, le Conseiller contacta de nouveau le SEGAL pour le remercier de sa générosité et pour lui témoigner sa reconnaissance, il promit de lui envoyer des cadeaux qu’il venait de recevoir de la part d’un ami en poste à l’Ambassade du Mali en Tunisie, à savoir : un téléviseur écran plat géant, une antenne parabolique et un magnétoscope. Le SEGAL n’avait juste qu’à payer les frais d’aéroports et de douanes afin de rentrer en possession des matériels stockés en ce moment à de les magasins de Royal Air Maroc. Ce montant était de 215.300 F CFA. Pour des raisons évidentes – le mariage de son fils- il ne n’était en mesure d’assurer ces charges. Le SEGAL répondit alors qu’il ne possédait pas cette somme. Pas de problème ! Il lui demanda de lui envoyer juste ce qu’il peut et lui-même se chargera du reste. C’est à partir de cet instant que notre SEGAL chercha à identifier formellement cet interlocuteur. Il prit contact avec le personnel qu’il connaissait au niveau de la Primature. Ces derniers, nullement surpris, lui firent la révélation suivante : depuis un certain temps, un individu se faisant passer pour un Conseiller à la Primature, soutire de l’argent et autres biens à des particuliers, en l’occurrence, à des cadres de l’administration. Il s’agit d’un escroc très fûté et insaisissable. Des recherches engagées pour le retrouver sont jusque là restées vaines.
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Une plainte en bonne et due forme au Commissariat de Police du 3ème Arrondissement.
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Le SégalL venait donc de se rendre compte que celui qui, au bout du fil, se faisait passer pour le Conseiller du Premier Ministre Ousmane Issoufi Maïga n’était, en fait qu’un vulgaire escroc qui n’était pas à son premier coup. Le SEGAL n’était qu’une victime de plus. L’escroc choisissait bien ses cibles. Il connaissait parfaitement la méthode de pensée de nos fonctionnaires. Le nom d’un supérieur bien placé à la Primature, la ville natale du Président de la République, le logement dans une cité résidentielle près de l’Ambassade de Canada à Bamako… Bref, des ingrédients qui faisaient tomber la méfiance de tout cadre soucieux de son avenir au sein de l’administration publique. C’est à juste raison qu’on orienta le SEGAL vers la Brigade de Recherche du 3ème Arrondissement réputée dans ces genres d’affaire.
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La brigade de Recherche du Commissariat de Police du 3ème Arrondissement, après une première tentative, parvint, non sans mal, à le retrouver et à l’arrêter. Il répondait au nom de EL HABIB BEN ABDOUL WAHAB plus connu sous le nom de Ben. Mais l’histoire était loin d’être terminée. Nous sommes le vendredi 03 Août.
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Un simple envoyé ?
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Suite à l’interrogatoire mené par le limier de la police Nationale Papa Mambi Keïta surnommé l’Epervier du Mandé, notre escroc déclara n’être qu’un simple envoyé : celui de M. Diallo en personne, le prétendu conseiller à la Primature. Les policiers exigèrent d’être conduits chez ce dernier quelque part en commune I. Là, l’escroc se perdit dans les dédales d’une villa et disparut. Il ne s’agissait ni plus ni moins que d’un affront pour cette police pourtant reconnue comme la meilleure. Etait-ce un coup fourré avec les agents l’ayant conduit sur le terrain ? Aucune chance. Ces hommes sont beaucoup plus soucieux de leur notoriété que des avantages que pourraient éventuellement leur procurer un délinquant. Il fallait, en tout état de cause, remettre les choses en l’état surtout que tout le gouvernement ou presque avait été saisi du dossier. N’est-ce pas que par extension, l’affaire concernait l’équipe gouvernementale ?
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Il faut retrouver BEN !
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La nuit du 03 Août, fut, pour la énième fois, très longue au Commissariat de Police du 3ème Arrondissement. Toute l’équipe de la Brigade de Recherche fut mobilisée. Toutes les boîtes de Nuit de la Place et autres endroits initialement fréquentés par le fuyard, furent passés au peigne fin. Mais pas de trace de Ben ! L’escroc savait certainement lire dans la pensée des poursuivants. Il n’était pas question pour lui d’aller dans les milieux qu’il fréquentait d’habitude. Mais plutôt d’être quelque part où la police n’imaginerait pas un seul instant le trouver : chez lui à la maison. La stratégie est toute simple : après un premier passage dans son domicile, ses poursuivants, devaient naturellement passer à d’autres coins et recoins. Aussi, par réflexe, il est de notoriété qu’un malfaiteur recherché, évite en premier lieu de se rendre à son domicile. Ben a déjoué ces conjectures et brouillé les pistes. Mais à malin, malin et demi. Après avoir fait le tour de tous les « maquis » de la capitale, les flics ont tout simplement décidé de retourner chez lui à domicile. Il était là. Il s’apprêtait en ce moment à sortir. C’est en ce moment qu’il fut appréhendé.
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Il avoue être le «Conseiller du Premier Ministre» et cita des complices avec lesquels il a l’habitude d’opérer. Un d’entre eux fut également appréhendé.
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Ouf ! Le Gouvernement de la République du Mali venait d’être débarrassé d’un dangereux prédateur. Mais Ben Abdoul Wahab n’est pas n’importe qui. Car, immédiatement après être présenté au juge pour être entendu, il bénéficia d’une liberté provisoire sous condition. L’éternel recommencement !
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B.S. Diarra
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