Réunis en plénière dans la salle de délibération de l’Hémicycle Modibo Kéïta, le jeudi 4 novembre dernier, les élus de la nation ont adopté, après moult discussions, à l’unanimité des 110 présents, le dépôt concernant l’accord de prêt, signé à Bamako le 19 juin 2010 entre le Mali et l’Association Internationale pour le Développement (IDA). Quatrième du genre, ce crédit est un appui à la réduction de la pauvreté.
Avant la ratification de cette ordonnance, les députés de la majorité présidentielle, notamment les mastodontes, en première ligne le deuxième Vice-président, Assarid Ag Imbarcawane, ont dit «ne pas sentir la lutte contre la pauvreté». Aussi, l’Honorable de Gao a-t-il interpellé le ministre du Budget, Lassine Bouaré, venu défendre le texte.
«A maintes reprises, nous avons voté des prêts de plusieurs milliards de FCFA pour permettre au gouvernement de lutter contre la pauvreté. Aujourd’hui également, on nous demande de voter 34,3 milliards de nos francs pour les mêmes activités, alors que nous ne voyons pas d’impact sur le terrain. Où sont dépensés ces milliards? Quelle pauvreté combattons-nous avec ces gros sous? Nous avons besoin de comprendre avant de voter. Je constate que plus nous votons de sous pour faire reculer la pauvreté, plus la pauvreté s’abat sur les paisibles populations. Je ne comprends pas cette manière de lutter contre la pauvreté» a-t-il déclaré haut et fort. Sous les applaudissements nourris de ses collègues députés.
D’autres intervenants ont appuyé la thèse du doyen de l’Assemblée nationale en termes de mandats (il en est à sa quatrième mandature, de 1992 à nos jours). Il ne s’est trouvé personne dans les rangs de la majorité présidentielle pour contredire Assarid Ag Imbarwane ou mettre un peu de bémol à ses propos.
La réplique est venue de l’autre côté, de l’opposition, qui, au lieu d’enfoncer le clou, a manifestement tendu la perche au gouvernement. C’est l’Honorable Konimba Sidibé qui est allé devant ses collègues, avec l’éloquence qu’on lui connaît, pour d’abord ironiser sur la majorité en ces termes: «C’est très grave. Je me rends compte que vous ne savez pas pourquoi vous avez voté le budget précèdent. Tout ce qui est dans ce dernier a été élaboré pour lutter contre la pauvreté. Vous votez des textes dont vous ignorez le contenu. Dans le budget 2010, décliné en dépenses et recettes, il y a un déficit et ce sont ces prêts qui permettent de combler le trou. Il y a plusieurs composantes dans le budget, et la plupart d’entre-elles concourent à la lutte contre la pauvreté. Au niveau de la Santé, par exemple, il y a la construction de plusieurs centres de santé et le recrutement de médecins. Ça, je le sais. C’est pour vous dire que votre gouvernement ne fait pas que des bêtises ». Avec cette dernière phrase, l’atmosphère à l’Hémicycle a changé. Les uns applaudissaient, les autres riaient et certains montraient leur étonnement.
Prenant la parole, le ministre Bouaré s’est contenté de dire: «Je ne peux pas en dire plus que Konimba Sidibé. En réalité, tout ce que nous faisons s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la pauvreté».
Assarid est revenu à la charge pour dire ceci: «Je me réjouis désormais du ralliement de l’opposition à la majorité. Si mon intervention a permis à Konimba et à ses collègues de se joindre à la cause de notre gouvernement, tant mieux. Mais je dis, je répète et j’insiste là-dessus, nous ne voyons pas l’impact de la lutte contre la pauvreté sur le terrain et je demande encore au gouvernement de nous donner des éléments sur l’impact de ses actions, pour mieux comprendre et continuer à voter davantage les projets y afférents».
L’honorable du PARENA, élu à Dioïla, retournera au micro pour calmer le jeu : «Assarid, si vous avez bien lu le rapport de la commission Finances, vous vous rendrez compte que, dans nos recommandations, nous avons demandé que la restitution de l’étude sur l’impact réel des réformes entreprises par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pauvreté soit faite aux députés. Nous parlons presque le même langage. Seulement, je voudrais que tu saches que tout ce que votre gouvernement entreprend intègre la lutte contre la pauvreté».
Après ce duel à fleurets mouchetés, les élus de la nation, toutes obédiences confondues, ont ratifié l’accord de prêt d’un montant de 34, 3 milliards de FCFA, remboursable sur une période de 40 ans, avec un différé de dix ans. Il permettra essentiellement de combler le déficit budgétaire, en confortant la trésorerie de l’Etat et en lui permettant de faire face à ses instances de paiements.
Chahana Takiou