Livre blanc ou réquisitoire politique ? Tract ou Pamphlet politique ? « ATT-cratie : la promotion d’un homme et de son clan » qui vient de paraître ce mois de septembre même, aux Editions Harmattan en France secouera certainement le cocotier du consensus opportuniste et de l’affairisme politicien. Des petits secrets de polichinelle aux puanteurs des placards d’Etat, le ou les auteurs n’ont rien laissé au hasard. « ATT-cratie : la promotion d’un homme et de son clan », c’est la fresque ludique d’un Mali corrompu, sans vision et sans ambition, un Mali régenté par un clan de prédateurs, de parvenus et d’impunis, un Mali où le seul mérite s’appelle désormais népotisme, clientélisme, régionalisme et médiocrité. Lecture passionnante et frémissante.
Dans le filon d’Aboul Latif COULIBALY, célébrissime auteur de « Wade, un opposant au pouvoir », sans peut-être avoir le courage de s’assumer, ( même si son Editeur, L’Harmattan, a des références plutôt respectables) l’auteur ou les auteurs de « ATT-cratie : la promotion d’un homme et de son clan », ne mettent pas moins pour autant les pieds dans le plat du régime du président ATT. En effet, derrière « Le sphinx » (qui n’a rien à voir avec notre confrère l’hebdomadaire « Le Sphinx ») une foule d’interrogations peut fuser et pour les besoins de la cause des zélateurs ne manqueront pas d’en prendre alibi pour discréditer le travail de fourmille abattu. « Cet ouvrage, dit-il, qui est le fruit de trois années de collecte d’informations, de questionnement, de discussions, de recoupements, d’observations, de lectures, de constats, et de témoignages, veut être un éclairage sur le pouvoir du Général ATT, sur l’homme, ses proches d’où le titre « L’ATT-cratie = la promotion d’un homme et de son clan ».”
L’ambition de l’auteur
Mais l’ambition du Sphinx est tout un programme, car il présente le premier tome du livre (un second est prévu en 2007) sous la forme d’un manifeste pour la vérité : « Notre ambition en écrivant ce livre n’est pas de faire le bilan du régime actuel, encore moins d’en faire un instrument politique contre ou pour quelqu’un.
Alors, ceux qui souhaitent y trouver les réalisations chiffrées de Juin 2002 à nos jours ou les promesses électorales non tenues seront déçus. Mais seront satisfaits tous ceux qui sont soucieux du devenir du Mali, tous ceux qui veulent voir à travers ce livre la manifestation de la vérité, et tous ceux qui réfutent l’injustice, la fatalité comme mode de gouvernance et le manque d’ambition pour le devenir de ce pays.”
Et le Sphinx d’émettre l’espoir que sa voix soit un peu celle des sans voix pour contribuer au sursaut national : « Nous espérons que ce livre sera perçu comme l’oeuvre et la voix de tous les patriotes qui refusent le système de pensée unique, de toutes les personnes opprimées, victimes d’injustice comme certains d’entre nous l’ont été durant leur passage à la Présidence de la République, dans certains Ministères et à la Sécurité d’État.
Ce livre est loin d’être exhaustif. Compte tenu du nombre des affaires à traiter, nous avons préféré faire ce travail en deux (2) tomes”
Dans un style simple, agréable et digeste, et d’un ton tranchant à la limite de la satire sans jamais verser dans l’impertinence, le Sphinx qui ne porte pas de gant contre le président ATT et son clan, n’est pas sans état d’âme sur la gestion qu’ils ont fait de la démocratie, de l’économie, de la réputation et du crédit de notre pays. Le Sphinx n’a pas assez de mots durs pour dépeindre une gestion qu’il déplore et condamne. Pour lui, « le système ATT (…) se caractérise entre autres par :
Caractériques du système ATT
– la confiscation de la démocratie par un homme et son clan et l’irrespect des règles démocratiques élémentaires,
– le culte de la personnalité, le système de pensée unique,
– la valorisation du mensonge et de la rumeur, l’irresponsabilité et l’impunité comme mode de gestion du pouvoir,
– l’affaiblissement de l’État au profit des individus, l’affairisme, la corruption et la compromission,
– le régionalisme et la culture de l’informel dans la conduite des affaires publiques,
– la menace, l’intimidation et la violence,
– la culture de la médiocrité et d’ascension des moins méritants.”
A cela s’ajoutent les affaires : de la mascarade électorale de 2002 à l’accord de la honte d’Alger en passant par la kleptocratie politique et institutionnelle, les trafics d’influence, les chantages, l’immixtion de la famille présidentielle dans la gestion et l’attribution des marchés publics, postes administratifs… tout y passe. Il va jusqu’à la redoutable Sécurité d’Etat qui en prend pour ses galons à travers trois chapitres qui dépeignent et stigmatisent les magouilles, combines et montages, avec son bras séculier. Le Sphinx, indiscutablement bien renseigné éventre un secret d’Etat qui n’est pas sans importance pour la presse malienne : les raisons, circonstance, commanditaires et identité des agresseurs de Amidou Diarra dit Dragon de Radio Klédu.
Le Sphinx qui n’a pas une haute opinion du président ATT estime que c’est « le Président Jacques CHIRAC qui usa de toutes ses influences, et de ses réseaux en 2002 pour imposer au peuple malien ATT dont les traits de caractère ont été déterminants dans son choix : personnalité indécise, furtive, irresponsable, complexée, sans parole d’honneur, et aimant le double jeu. C’est dire que la France a voulu un président qu’elle peut manipuler à sa guise. Toutes choses qu’elle n’a pas eues avec les présidents Modibo KEITA, le Général Moussa TRAORE et Alpha Oumar KONARE.”
Le bal des affairistes
Sous le président ATT les « affaires » prolifèrent et prospèrent écrit le Sphinx : « Le régime d’ATT ou le nid des affairistes.
Les affaires sont devenues tellement courantes sous le règne d’ATT qu’on a du mal à faire la différence entre le secteur d’État et le secteur privé, les biens publics et les biens privés, les fonctionnaires et les opérateurs économiques, au point que le Palais de Koulouba (le siège de la Présidence de la République) est devenu le principal bureau de négoce.
Des hommes d’affaire ont tellement bien compris le système qu’ils payent à coup de millions les activités de la Première Dame ou celles de ses enfants. Des lettres ou des coups de téléphone du Chef de l’État lui-même suffisent pour être recommandé auprès des responsables administratifs en vue d’obtenir des marchés.
Des hommes de main chargés de ces missions secrètes en profitent souvent pour prendre leurs commissions sur ces transactions illégales(…)
La corruption généralisée et la frénésie après les marchés d’État ne se limitent pas aux seuls hommes d’affaire locaux. Pour combler le vide laissé par la disparition de Air-Mali, Air Afrique, les autorités maliennes ont procédé à un appel d’offres international en janvier 2004 afin de créer la compagnie aérienne du Mali. Le groupe Aga Khan, qui était parmi d’autres soumissionnaires, remporte cet appel d’offres.
Horde de colonels corrompus
Les observateurs avertis non pas été surpris par l’obtention du marché de création de la Compagnie Aérienne du Mali (CAM) par le Groupe Aga Khan, malgré la non conformité de son dossier avec le cahier des charges. Car le Prince Aga Khan, qui est membre du Conseil présidentiel pour l’investissement, et qui est l’un des grands bailleurs de fonds de la Fondation pour l’Enfance et des projets à Mopti, ville natale du Président ATT, se trouve en terrain conquis au Mali où il contribue au régionalisme rampant d’ATT à travers le financement de certains projets.
Le Sphinx passe ensuite au crible la « horde des colonels corrompus », les « opportunistes, affairistes et repris de justice” du Mouvement citoyen, les politiciens véreux et affairistes, sans conviction sans idéal, sans ambition pour le Mali, et capables de toutes les traîtrises. Pour l’auteur, « Dans la gestion des affaires qui ont émaillé la période 2002-2006, le régime ATT a brillé par son « absence », son irresponsabilité. Tout se passe comme si les mots punition, sanction sont absents du vocabulaire de ce régime.
Le Président ATT n’a-t-il pas donné la preuve à maintes reprises qu’il est dépassé par les événements lorsqu’il parle comme l’homme de la rue des tarifs d’EDM, du chômage, la crise céréalière, l’Église de Samaya, de l’insécurité etc. L’on se demande si les responsables administratifs fautifs ou incompétents en charge de ces questions ne sont pas nommés par ATT lui-même.
Absence flagrante de fermeté
Dans l’affaire de la CAM, le régime ATT a brillé par son manque de fermeté, sa complaisance face au non-respect des clauses contractuelles par le Groupe Aga Khan. Pourquoi le Gouvernement, après les prises de position fermes du Premier ministre suite aux pressions des anciens agents d’Air Mali et d’Air Afrique, n’a pas pris de sanction contre le Groupe Aga Khan qui n’a pas respecté ses engagements : immatriculation des avions au Mali, application des couleurs nationales sur les avions ? Compte tenu du non-respect des clauses essentielles du contrat, on se demande si les avions loués par le Groupe Aga Khan sont régulièrement révisés ou assurés.
Parlant du domaine stratégique de l’électricité, on constate que EDM-SA achète l’électricité de Manantali à 30 FCFA le KWH pour le facturer aux consommateurs à 150 F CFA.”
Pour le Sphinx, « La réussite d’un Gouvernement doit aller au-delà de quelques logements sociaux, de la gratuité de la césarienne et des Anti-retroviro (ARV) qui ne sont qu’un aspect des besoins des maliens.” Selon l’aueur de “ATT-cratie : la promotion d’un homme et de son clan” : “Au regard des paramètres ou actions politiques permettant d’améliorer les conditions de vie des maliens, nous sommes aujourd’hui à même d’affirmer que le régime ATT n’a pas été capable de réussir le challenge qui était le sien. Cet échec du régime se ressent dans tous les domaines de la vie socioéconomique, politique et culturelle.
Exacerbation de la pauvreté
La pauvreté, malgré que ATT soit le président du « parti de la demande sociale », a gagné du terrain. Le pouvoir d’achat des maliens a chuté. Toute chose qui a fait dire à certains observateurs que « le pays est sur répondeur ». En effet, la situation sociale se caractérise de plus en plus par l’insuffisance de l’accessibilité des pauvres aux services sociaux de base essentiels, l’éducation, l’eau potable, la faiblesse des revenus etc.
Les marchés publics ne sont-ils pas, depuis l’avènement d’ATT au pouvoir, attribués à un groupe restreint d’amis et de parents qui, au lieu d’investir dans le circuit productif au Mali, préfèrent placer les millions frauduleusement acquis dans les banques étrangères ? Pour preuve, le fils d’un Ministre d’ATT s’est fait arrêter à l’aéroport international de Bamako avec une mallette contenant plusieurs dizaines de millions de F CFA.
Le favoritisme dans l’attribution des marchés publics est à l’origine de l’inactivité de beaucoup de jeunes opérateurs économiques autrefois très dynamiques, car les bénéficiaires des marchés préfèrent acheter leurs produits à l’étranger. Ce qui explique la rareté de l’argent et la faiblesse de la circulation monétaire dans le pays.
Manque de volonté politique
Souffrant de l’absence d’une volonté politique permettant de booster l’économie nationale, le pays connaît un chômage endémique et des emplois précaires que la création de l’APEJ (Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes) ne parvient pas à juguler.
(…)De 2002 à nos jours le Mali a connu un recul démocratique, car le régime ATT a tout simplement tué au niveau des hommes politiques toute conviction, faisant d’eux des alimentaires qui attendent qu’il les convie au repas national (le Gouvernement). Des politiciens comme Dioncounda TRAORE, Président de l’ADEMA, sont prêts à vendre publiquement leur âme au diable pour avoir un strapontin dans le Gouvernement. Des politiciens, pour avoir un fauteuil ministériel, ont perdu toute notion d’humilité, sacrifiant ainsi leur avenir politique et sont devenus par la même occasion méconnaissables. C’est le cas du Président du MPR Choguel MAIGA. Des politiciens bradent leur formation politique, jouent à la taupe au sein de leur parti au profit du régime.”
(…) L’attitude du régime ATT à se faire entourer d’amis, de parents et d’hommes politiques sans conviction, entretient une politique basée sur le régionalisme que le Mali n’a jamais connue avant l’avènement d’ATT au pouvoir.
L’espoir tourne au désespoir
L’espoir suscité par l’arrivée du Général ATT au pouvoir s’est très vite transformé en désespoir. Faut-il continuer à faire confiance au régime ATT dont la politique manque de lisibilité et de visibilité et qui, faute de projet de société, n’a pas le sens de l’anticipation.
(…) S’il est vrai que le Président ATT n’a pas l’étoffe intellectuelle nécessaire pour booster le développement du Mali, il est aussi vrai que les intellectuels qui l’entourent et qui sont censés le guider, sont plutôt préoccupés par la recherche de profits.
On voit bien que le changement promis par ATT est loin de se réaliser. Pire, au lieu de progresser le pays régresse. C’est cette situation que le régime s’évertue à maquiller par une folklorique évaluation de l’action gouvernementale, des non-évènements qui n’ont pas d’impact sur le quotidien des Maliens. C’est le cas des cérémonies de lancement qui sont plus importantes que la mise en oeuvre et les résultats des projets ou de nouvelles structures budgétivores mises sur orbite autour du Président ATT.
(…) Il est aujourd’hui loisible d’affirmer que les éléments d’une nouvelle révolution de la rue sont en train de se mettre en place : accroissement du nombre de jeunes chômeurs, cherté de la vie donc faiblesse du pouvoir d’achat des maliens, déliquescence du système éducatif etc. Toutes choses qui amènent le citoyen malien à douter de la capacité du Président ATT à lui redonner espoir, à booster l’économie, et à redynamiser l’école malienne ; mieux à faire face à la forte demande sociale.
Des motifs d’inquiétude
Comment ne pas s’inquiéter de la situation d’une jeunesse formée au rabais et munie de diplômes qui ne reflètent pas son niveau ? Comment ne pas s’inquiéter du manque de compétitivité et de la frustration de cette jeunesse qui se voit fermer au nez la porte des entreprises sous-régionales ?
Le parti de la demande sociale ne s’est-il pas transformé en Parti des opportunistes zélés, des laudateurs gravitant autour du Chef de l’État ? Le Président ATT a-t-il les moyens de se doter d’un véritable programme politique dépourvu de relent régionaliste ? Une autre alternative est-elle possible avec ATT ?
– Non ! une autre alternative n’est pas possible, parce que le Président ATT, comme il l’a si bien dit dans « Jeune Afrique Intelligent », n’a jamais pris le pouvoir au sérieux. Il a ainsi montré aux maliens que les Institutions de la République comptent peu pour lui. Cette déclaration n’est-elle pas illustrée par la banalisation du pouvoir qu’il confie à qui il veut sans tenir compte de la compétence et de la moralité des personnes ainsi choisies ?
– Non ! une autre alternative n’est pas possible avec le Président ATT dont les courtisans ont pris l’habitude de mal poser les problèmes de l’heure. C’est ainsi que les laudateurs du pouvoir parlent d’un pays qui s’est réconcilié avec lui-même sous le pouvoir ATT comme si notre pays connaissait une fracture sociale, voire une guerre civile avant l’arrivée d’ATT au pouvoir. Ces partisans mal inspirés et n’ayant pas une bonne lecture du jeu démocratique, continuent de confondre l’absence d’une opposition politique digne de ce nom avec les exigences d’une société politiquement et socialement apaisée.
Peur d’affronter la réalité
– Non ! avec le Président ATT une autre alternative n’est pas possible. Il est tellement pris en otage qu’il lui sera difficile, voire impossible de se défaire de l’emprise de ses courtisans. A cela s’ajoute cette méthode de gouvernance qui confine le Chef de l’État dans un rôle de sapeur-pompier intervenant toujours après l’incendie ou ayant peur de l’affronter. Plusieurs événements sociaux ont à cet effet servi
d’exemples. Il s’agit de la crise à la Faculté des Sciences Juridiques et Économiques (FSJE) ayant coûté la vie à un étudiant, de la négociation UNTM-Gouvernement concernant la revalorisation des salaires des catégories B 1 et B2 de la Fonction Publique, de l’Église de Samaya, du Financement Public des partis politiques, la crise au sein de la Fédération Malienne de Football (FEMAFOOT) etc. ”
Très amère, le Sphinx enfonce le clou :
“Le Président ATT doit comprendre aujourd’hui que les maliens ne peuvent plus se satisfaire de la médiocrité au nom du pouvoir. Le Mali ne peut plus être géré avec ruse et compromission.
En 2002 notre pays, qui était débout et en mouvement, venait de relever un défi, celui de l’organisation d’une des Coupes d’Afrique des Nations (CAN) les plus réussies, avec une jeunesse enthousiaste, pleine d’espoir et de confiance.
Renoncer à un second mandat
Comment se porte aujourd’hui le Mali ? Mal, mal et mal! Le chômage, l’absence de perspectives d’avenir, la précarité, la pauvreté etc, ont tué tout espoir chez les citoyens. Et l’apparente accalmie politique et syndicale n’est que la conséquence de la corruption par le régime de certains syndicalistes, journalistes et leaders politiques et de l’AEEM (Association des Éleves et Étudiants du Mali) qui émargent à la Présidence de la République, à la Sécurité d’État et au Ministère de l’Éducation Nationale.”
C’est pourquoi estime-t-il que “s’il est vrai qu’en 1991 l’arrivée de ATT au pouvoir était perçue comme une providence, il est aussi vrai aujourd’hui que son départ du pouvoir permettra de redonner un second souffle à la démocratie malienne qui ne mérite pas d’être prise en otage par des méthodes dignes d’un régime stalinien. Cela, au moment où notre pays assure la présidence de la Communauté des Démocraties. Ce qui exige le respect de la déclaration dite de Varsovie, du Plan d’Action de Séoul et de l’Engagement de Santiago.
En dernière analyse, le Sphinx, pour le bien du pays et le sien propre, demande au président ATT de renoncer à se présenter aux élections présidentielles de 2007 : “C’est compte tenu de toutes ces dérives totalitaires et du manque d’autorité de l’État, que nous vous prions Monsieur le Président Amadou Toumani TOURE de ne pas briguer un second mandat en 2007 afin de sortir par la grande porte et de préserver les acquis démocratiques en évitant à notre pays une autre révolution sanglante, une violence post-électorale et la désagrégation de l’intégrité territoriale eu égard à la négociation scélérate qui a débouché sur les « Accords d’Alger ».”
Par Sambi TOURE“