En répondant à Arsène Lepigeon, le journaliste français auteur d’un récent pamphlet de presse sur le président ATT à propos de ses liens controversés avec le président ivoirien, et en ne répondant pas au « Sphinx », également l’auteur d’un livre de dénonciation de la mauvaise gouvernance au Mali, le régime donne raison au second. Comme le dit l’adage consacré ; qui se justifie, s’accuse.
Le régime du président ATT, sous les boulets de l’actualité brûlante de la dénonciation et de la critique, depuis plus d’un mois,se trouve embourbé dans une nasse indigeste qui lui vaut blâme et vertige au sein de l’opinion publique nationale et sous-régionale. Coup sur coup, c’est un pamphlet édité en France en septembre dernier, et intitulé « Att-cratie : la promotion d’un homme et de son clan », qui a annoncé les couleurs. Dans ce livre, on dénonce vertement ce que le régime peut comporter en mal de gestion démocratique et financière.
Ensuite ce fut le tour d’Arsène LEPIGEON, célèbre journaliste qui, en 2003, avait fait trembler le président malien par ses textes au vitriol, de revenir à la charge. A l’époque, Arsène LEPIGEON avait, dans un article intitulé « Le silence coupable d’ATT », dénonçant le comportement partial de Amadou Toumani TOURE dans la gestion de la crise ivoirienne. Ces propos, d’il y a deux ans, que le régime de Bamako avait qualifié de diffamatoires, s’avèrent aujourd’hui être une réalité, à en croire les observateurs alors que la plume enfonce le clou dans l’accusation.
Accointances sordides
Selon les forces nouvelles, ATT est en effet le chef d’Etat qui s’est présenté comme le chef de file des soutiens du président Laurent GBAGBO à Abuja au cours du récent sommet de la CEDEAO sur la Côte d’Ivoire. Des informations fournies par le journaliste français, largement relayées sur le site des forces nouvelles, ex-rébellion ivoirienne, soulignent que le masque est tombé pour le président TOURE du Mali, suspecté qu’il est dans ses accointances sordides avec le président GBAGBO de la Côte d’Ivoire. Le journaliste Arsène LEPIGEON est intervenu sur le dossier explosif de la crise ivoirienne afin d’en dire davantage sur les relations occultes entre le président malien et son homologue ivoirien.
Le journaliste a proposé, la semaine dernière, un autre texte dans le même registre intitulé « les adultères d’ATT ». Cette satire en série aligne un certain nombre d’accusations contre le président malien en personne par rapport à ses rapports très ambigus avec son homologue ivoirien et aux hésitations de la diplomatie malienne dans la gestion de la crise de son voisin du sud.
Sur le dernier point, le régime du président ATT s’est cru devoir, à travers un communiqué dithyrambique du ministère des affaires étrangères, répondre aux écrits du journaliste français, décidément bien introduit auprès des forces nouvelles ivoiriennes et de certains services de renseignements. Incorrectement, l’opinion du gouvernement malien met en avant la position de principe de la diplomatie malienne et rien que cela. Le Mali indique le texte continuera de s’assumer avec responsabilité et détermination.
Déficit de maîtrise
Le caractère précipité et dépouillé du communiqué officiel du gouvernement, dans cette affaire, dénote d’un certain manque de maîtrise et de profondeur parce qu’en voulant répondre au journaliste français, l’étrange communiqué du ministère des affaires étrangères esquisse le problème de fond posé. En fait, dans le communiqué en question, comme on peut s’en rendre compte, les faits sont étayés avec précision, mais un silence absolu et coupable est manifestement entretenu sur les rapports occultes entre le régime sanguinaire de Laurent GBAGBO et le président Amadou Toumani TOURE.
Or en ne donnant pas réponse aux graves accusations portées contre ATT, dans son dessein de sauver la face à son homologue ivoirien, le régime de Koulouba crédite les révélations d’Arsène, lesquelles annoncent clairement que le président malien, pour se faire réélire à la tête de son pays, a accepté une manne financière estimée à 5 millions de dollar (2,5 milliards FCFA) émanant du président ivoirien qui a mis la main à la poche en posant un certain nombre de conditions. A travers ce marché, ATT a accepté également, toujours selon les révélations du journaliste français, de couvrir et de passer sous silence les massacres et les exactions subis par ses compatriotes et de naviguer à contre-courant de la communauté internationale par rapport à un problème de paix, d’équilibre et de stabilité de la sous-région, en défiant s’il le faut la France.
Coïncidences troublantes
Le ministère des affaires étrangères en la matière a raté une bonne occasion de se taire, en tous cas, de ne pas en rajouter à la controverse et aux non-dits d’un dossier politico-financier dont les échos dépassent de loin le cadre national. Parce qu’entre les faits allégués par LEPIGEON et ceux étayés par « Le Sphinx », les intersections sont nombreuses. Un seul exemple concerne la gênante affaire de la casse de l’agence BECEAO de Man, en Côte d’Ivoire. En effet, selon LEPIGEON, AB affirme être l’auteur de la casse de l’institution financière sous régionale et rapporte qu’une bonne partie de cette somme aurait servi à financer certaines activités d’ATT. Les fonds étaient acheminés par le truchement de l’ancien patron de la sécurité d’Etat malienne, le Colonel CISSOKO. En contrepartie de la protection de l’Etat qui lui était garantie. Aujourd’hui AB dénonce la cupidité des autorités maliennes qui ont fini par le ruiner et le contraindre à quitter le pays. Il a naturellement échoué dans les bras d’IB, un autre bénéficiaire de la manne de la casse de la BECEAO de Man. Voici en tout cas des révélations claires et nettes du journaliste français sur le Mali et ses autorités.
Mais en répondant à Arsène LEPIGEON et non au « Sphinx », le régime ne donne t-il pas raison à ce dernier. Ne serait que sur le principe. Pourquoi ce silence de cimetière par rapport aux nombreuses révélations du « Sphinx » et une réaction inappropriée contre les articles fouillés de LEPIGEON ? Or malgré toute la littérature généreusement pondue par les plumitifs du régime de Koulouba, « Le Sphinx » a quand même avancé des faits sur lesquels le régime pourrait se prononcer.
S’il s’agit du « Sphinx », Koulouba se tait et se terre. Mais s’agissant des articles de presse d’un journaliste, bien connu et identifiable en tout point de vue, on s’empresse d’étouffer l’affaire en disant qu’il n’y a que médisance. Plus encore, l’on sait que depuis septembre dernier, toute l’énergie de l’Etat malien est déployée pour démasquer « Le Sphinx », cet autre pourfendeur du régime. Pourquoi alors tant d’agissement autour d’un livre que l’on n’hésite pas à assimiler à un tissu de mensonges ? A l’évidence, le régime de Koulouba s’intéresse au « Sphinx » et c’est en réaction en cela que les auteurs de ce livre ont répliqué, il y a deux jours, en déballant de nouveaux dossiers scandaleux. En quoi le silence du régime ATT sur ce terrain pourrait-il alors s’expliquer ?
Par Sambi TOURE “