ATT-CRATIE… Secrets d’un retour au pouvoir

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En quatre années d’Att-cratie (terme dont nous pouvons révendiquer la paternité sans en exiger les droits d’auteur), la façade idyllique de notre démocratie s’est sérieusement lézardée. Si l’informel a pris le dessus sur l’engagement courageux au plan politique, la gestion institutionnelle, elle, reste fortement tributaire de certains secrets d’alcôve que « ATT-cratie : promotion d’un homme et de son clan » n’hésite pas à éventtrer.

Pour l’auteur ou les auteurs du livre, la trajectoire du président ATT, du camp para au palais de Koulouba, explique en grande partie les options majeures de sa gouvernance et le choix des hommes qui détiennent les principaux léviers de l’Etat. Sur cette trajectoire sinueuse, à en croire le livre, l’élégance et la loyauté, la droiture et l’amour du pays n’ont toujours pas été au rendez-vous. Et le héros d’hier (26 Mars) y est loin d’être dépeint sous les traits de l’ange ou du messie qui devrait apporter au Mali espoir et progrès, paix et vertus. Morceaux choisis de 3 chapitres…

Amadou Toumani Touré dit ATT fit des études normales qui le conduiront à l’Ecole Normale Secondaire de Badalabougou (ENSEC) avant d’être incorporé dans l’armée sur conseil de feu lieutenant colonel Kissima Doukara dont il connaissait la femme pour avoir fait l’ENSEC.

Déclaré inapte au recrutement, ATT intégra finalement l’armée grâce à l’intervention du Dr Macalou. Après l’école interarmé de Kati (EMIA) où il fut élève officier de 1969 à 1972. ATT fut promu Lieutenant. En 1978, il devint Capitaine et suivit plusieurs formations dans les grandes écoles militaires, notamment en France. En 1984, il devint Commandant de la Garde présidentielle.

Sur intervention de Monsieur Noumanzana, opérateur économique et ressortissant de Mopti, auprès du Président Moussa Traoré. ATT obtient le commandement du bataillon para de Djicoroni (garde présidentielle à la faveur d’une crise politico-sociale ATT et certains de ses compagnons militaires mirent fin par un coup d’Etat à 23 années de régime du Général Moussa Traoré. Durant 14 mois à la tête du pays, ATT organise la Conférence nationale du 29 juillet au 12 août 1991 et les élections générales en 1992 (présidentielle et législative).

II. Des trahisons d’ATT à la révolution de mars 1991

Les observateurs de la scène politique, qui s’étonnent aujourd’hui de voir des actes d’infidélité posés par le Général ATT, ignorent que ce dernier a toujours agi ainsi depuis le régime de Moussa TRAORE.

En effet, quelques mois avant la disparition tragique du président Modibo KEITA, alors détenu au camp des parachutistes de Djicoroni, le Lieutenant Colonel Kissima DOUNKARA avait commencé à avoir de la sympathie pour ce dernier avec qui il s’entretenait très souvent. C’est le Lieutenant ATT qui informait Moussa TRAORE, alors Président de la République, des entretiens entre Feu Modibo KEITA et Kissima DOUNKARA.

Bien introduit dans la famille de Moussa TRAORE dont le fils IDI veillait sur ses intérêts auprès de son père, ATT n’hésita pas à récupérer le mouvement démocratique dont les leaders étaient en relation avec lui dans la clandestinité. L’interview accordée par Soumeylou Boubèye MAIGA dans Jeune Afrique (N°1952 du 9 au 15 juin 1998) et la reconnaissance du militantisme d’ATT par le président de l’ADEMA bien avant la révolution de mars 91, témoignent de l’existence de cette relation.

C’est donc pour se faire bonne conscience que le Général envoyait à chaque fête de Tabaski un bélier au Général Moussa TRAORE alors détenu à Markala, dans la 4eme région administrative du Mali, Ségou.

Après le coup d’État de 1991, le Colonel Oumar DIALLO dit Burrus, qui est de la même promotion qu’ATT, fut la première victime de ce dernier. En effet, l’ambition et l’intelligence de Oumar DIALLO, qui pouvaient faire de l’ombre à ATT, suffisaient pour l’écarter, l’emprisonner et le sortir enfin de l’armée.
Par ailleurs, si l’expérience transitoire du pouvoir d’ATT a permis de jeter les bases de la démocratisation de notre pays, elle a en outre permis à ATT de goûter aux délices du pouvoir. Toutes choses qui auraient entraîné chez lui les velléités de se maintenir au pouvoir en prolongeant la transition. N’eût été la persévérance du mouvement démocratique, ATT se serait maintenu au pouvoir.

Et la boutade lancée à l’époque par ATT, à savoir « seul un fou désire être le président du Mali », était loin d’exprimer sa volonté de quitter le pouvoir.

III. La mascarade électorale de 2002 ou le renvoi de l’ascenseur

En 2002, plusieurs facteurs ont favorisé l’entrée du général ATT dans la course à la magistrature suprême. Il s’agit entre autres des manoeuvres politiciennes opérées par le président sortant Alpha Oumar KONARE et l’intervention de la France.

Afin de briguer la magistrature suprême, le Général ATT, au lieu de démissionner de l’armée, a opté en septembre 2001 pour une retraite anticipée. Ce qui constitua une entorse à la loi électorale N° 00-058 du 30 Août qui, dans son article 131, stipule bien qu’un militaire doit démissionner de l’armée pour pouvoir être candidat : «Tout membre des Forces armées ou de Sécurité qui désire être candidat aux fonctions de Président de la République doit démissionner six mois avant l’ouverture de la campagne».

Comme pour éviter la focalisation sur la légalité ou l’illégalité de la candidature d’ATT, le président Alpha Oumar KONARE favorisa la multiplicité des candidatures (24 candidats) qu’il justifia du reste par l’idée qu’il s’agit d’une fête nationale. Pour arriver à cette fin et détourner l’attention de l’opinion publique de la candidature controversée d’ATT, l’ancien président ne s’est gêné de payer la caution de certains candidats.

Cette manoeuvre politicienne n’était pas sans rapport avec la crise au sein de l’ADEMA-PASJ. Certes, en favorisant l’émergence d’autres candidatures (Mandé SIDIBE, El Madani DIALLO) en plus du candidat investi par le parti, Alpha Oumar KONARE a ainsi contribué à l’affaiblissement et à l’émiettement des forces de son parti au profit de son futur protecteur ATT, candidat indépendant. Comme si cela ne suffisait pas, le Président sortant, Alpha Oumar KONARE, demanda aux responsables de l’ADEMA-Pasj de ne pas considérer ATT comme leur adversaire, d’une part, et entraîna dans cette manoeuvre la Cour Constitutionnelle qui ne s’est pas gênée d’invalider des milliers de voix exprimées en faveur du candidat du RPM en la personne de Ibrahim Boubacar KEITA. C’est dire que la Cour Constitutionnelle du Mali, de par ses attributs, est un faiseur de Président. Espérons que l’équipe dirigée par l’actuel président Salif KANOUTE, un homme de reférence dans la magistrature malienne, ne se laissera pas intimider ou soudoyer par le pouvoir.
L’arrivée d’ATT au pouvoir était non seulement un moyen pour le président sortant Alpha O. KONARE de lui renvoyer l’ascenseur mais aussi d’assurer ses arrières.

Par ailleurs, le Président Jacques CHIRAC usa de toutes ses influences et de ses réseaux en 2002 pour imposer au peuple malien ATT dont les traits de caractères ont été déterminants dans son choix : personnalité indécise, furtive, irresponsable, complexée, sans parole d’honneur, et aimant le double jeu. C’est dire que la France a voulu un président qu’elle peut manipuler à sa guise. Toutes choses qu’elle n’a pas eues avec les présidents Modibo KEITA, le Général Moussa TRAORE et Alpha Oumar KONARE.

Les traits de caractère d’ATT confirment par ailleurs les propos d’Alpha Condé, Président du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), à savoir que «la France a un gros défaut : elle n’aime pas les intellectuels. Elle préfère des gens comme Bokassa et Mobutu, des gens qu’elle peut manipuler. » (Jeune Afrique Intelligent N°2373 du 2 au 8 juillet 2006).

Après trois mois d’exercice du pouvoir, le nouveau président se rend en France pour y prendre ses ordres et remercier cette dernière dont il estime être parmi les privilégiés («il n’est pas donné à tous les chefs d’Etat d’être reçus à l’Elysée après seulement 100 jours d’exercice du pouvoir »).
« En décidant de revenir au pouvoir, le Président ATT a oublié qu’il n’avait pas le profil de la situation. Parce que n’ayant pas l’étoffe et la fermeté d’un Moussa TRAORE, ni l’habileté et le pragmatisme d’un Alpha Oumar KONARE. Des qualités indispensables pour bien tenir le gouvernail. » (Le Challenger, N°193, du 4 août 2005).

Ce rôle de «marionnette du Président ATT » est toujours d’actualité. Pour preuve, après le refus d’autres pays africains de la phase expérimentale du visa biomé-trique français, c’est le Mali d’ATT qui l’a accepté.

Par ailleurs, le Mali d’ATT n’a-t-il pas été le premier pays visité par le Ministre français de l’Intérieur, Nicolas SARKOZY, le jour où sa loi, qui durcit les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, passait devant l’Assemblée Nationale de ce pays ?
Avec le Président ATT, le Mali ne s’est-il pas transformé en laboratoire d’expérimentation de la politique d’immigration de la France ? On remarque que contrairement au Président sénégalais, Abdoulaye WADE, le Président ATT se montre incapable de défendre les intérêts de nombreux immigrés maliens en France.

IV. ATT face à la réalité du pouvoir

Comme le témoigne ce slogan de l’époque de la révolution de Mars 1991 « An bè saa inofè » (nous mourrons pour toi), le Président ATT a cristallisé les espoirs de beaucoup de Maliens de 1991 à 2002. Quatre ans après son retour au pouvoir, on constate que le Président ATT fait les frais d’une politique basée sur la fuite en avant : se servir de l’ Etat sans en être responsable. Toute chose qui révèle son manque d’emprise sur les réalités quotidiennes du Malien et son manque d’envergure et de compétence pour faire face à ce que l’on pouvait appeler en 2002 les 12 travaux de ATT : l’éducation, la santé, le chômage, la corruption, l’insécurité, l’injustice, la pauvreté, la réforme administrative et institutionnelle, l’investissement et l’impunité, l’insécurité alimentaire et la diplomatie.

Autant de chantiers ou de maux auxquels ATT devrait apporter des remèdes appropriés. Si son arrivée au pouvoir était supposée restaurer l’image négative de l’homme politique malien par la rigueur dans le choix des hommes et la transparence dans la gestion, force est aujourd’hui de constater qu’elle a favorisé l’émergence de politiciens affairistes, corrompus et opportunistes et dévoilé certains traits de caractères chez ATT qui étaient jusque-là inconnus, insoupçonnés : le complexe d’infériorité, l’irresponsabilité, l’infidélité dans ses relations et l’absence d’envergure d’homme d’État. Certains officiers des forces armées et de sécurité et hommes politiques, peu soucieux du devenir du Mali, ont sacrifié l’espoir de tout un peuple sur l’autel des ambitions personnelles.

En choisissant mal «ses hommes de troupe » et ses lieutenants, le général ATT s’est trompé royalement de bataille, laissant du coup le pays sombrer dans la corruption, l’affairisme et l’impunité. Les discours d’ATT et ceux de ses laudateurs n’ont plus d’emprise sur l’opinion publique dont l’ampleur de la désillusion est telle que des évaluations trimestrielles folkloriques de l’action gouvernementale ne sauraient effacer : le peuple a besoin de concret (…)

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