Lors de la dernière session au titre de l’année 2013 de la Cour d’assises, l’Etat a été condamné par l’arrêt n°192 du 13 décembre 2013 à payer plus de 1,9 milliard de FCFA à Gnoumani-SA, qui réclamait 2,8 milliards FCFA dans le cadre de la procédure judiciaire relative à l’engrais subventionné de la campagne 2010-2011. Les conseils de l’Etat contestent ce verdict et s’apprêtent à saisir la Cour suprême, car ils estiment que l’Etat ne peut perdre ce procès d’autant plus que les faits sont clairs et précis.
On se rappelle que lors de la session de décembre 2013 de la Cour d’assises de Bamako, l’Etat, à travers le ministère de l’Agriculture, a été jugé civilement responsable de ses agents véreux reconnus coupables “de crimes de faux en écriture, usage de faux et corruption “. Lors d’une précédente session en septembre 2013, la Cour d’assises, cette fois-ci en transport à Ségou, avait débattu la même affaire avant que le délibéré ne soit envoyé à la session de Bamako.
Selon nos sources, c’est l’une des rares fois sinon la première dans les annales de la justice malienne que la cour d’assises renvoie son délibéré. Pourquoi l’avoir fait aussi expressément pour ce dossier ? Est-ce que cette attitude ne cache pas autre chose ? Voilà entre autres les questions que se posent les conseils de l’Etat décidés à ne pas laisser l’opérateur économique délester aussi facilement le trésor public de près de 2 milliards de FCFA.
A les croire, les pratiques de condamnation de l’Etat sont courantes. Qu’il ait tort ou raison, il perd le procès par la volonté de quelques-uns qui veulent se servir du trésor public pour s’enrichir. Ce qui est regrettable dans un pays où l’Etat peine à satisfaire la demande sociale.
Il faut rappeler que les faits relatifs à la présente affaire remontent à la fourniture d’engrais lors de la campagne agricole 2010-2011 au terme de laquelle Gnoumani SA a été exclue du processus par le département de l’agriculture. Cela faisait suite à des irrégularités constatées dans l’approvisionnement des paysans de la zone de Kati. Cependant, la société Gnoumani Sa, sur la base des cautions dites fictives a fourni dans la zone, une quantité d’engrais pouvant couvrir les besoins de toutes les régions de Sikasso.
Après vérification, les experts de l’agriculture ont jugé fictives 314 des 463 cautions présentées par la société. Pour eux, seules 149 cautions étaient bonnes, soit l’équivalent de la somme de 127 millions à verser à la société Gnoumani.
Les deux techniciens d’agricultures, Bakary Samaké et Kékouta Cissoko qui ont émis les cautions fictives ont été jugés et reconnus coupables par la cour d’assises lors de sa session de mars 2013. Ils ont été condamnés pour crimes de ” faux en écriture, usage de faux et corruption ” et ont écopé de trois de prison avec sursis. Un collaborateur direct de la société Gnoumani – Sa, Marouchette Cissé domicilié à Niamana a été reconnu coupable par la Cour d’assises d’avoir obtenu les cautions litigieuses en usant des promesses, dons et présents tendant à la corruption de fonctionnaires pour obtenir les cautions qu’il plaçait auprès de Gnoumani-Sa. Il a écopé de la même peine que les deux agents de l’agriculture. C’est sur la base de ce jugement que Gnoumani s’est constituée en partie civile et a sollicité la condamnation des accusés au paiement de plus de 2,8 milliards de FCFA à titre principal et intérêts.
La Cour, après avoir jugé à Ségou, a rendu le délibéré à Bamako, fixant le montant à 1,9 milliard, ce qui reste loin des 147 millions devant être versés à Gnoumani Sa. Pour les conseils de l’Etat, la Cour devait ” débouter la société de ses présentions, car étant fondées sur la base du faux et de la corruption “. C’est pourquoi ils projettent de saisir la plus haute juridiction par rapport à cette décision. Affaire à suivre.
Youssouf Camara