Les déclarations, faits et gestes d’ATT donnent l’image d’un homme se réveillant d’un long sommeil et subitement saisi de l’impérieuse nécessité de changer le monde autour de lui. Le risque dans ce genre d’exercice est de casser la corde à forte d’avoir trop tiré.
L’homme est visiblement en colère, du moins, au regard de ses déclarations publiques ou privées.
Immédiatement après la mise en place du Gouvernement, il rappela aux membres de la nouvelle équipe qu’il ne ferait le travail de personne à sa place. Une déclaration qui fut suivie dans le temps par le limogeage de tous les directeurs administratifs et financiers (DAF).
Suite à l’incident du 1er Mai consécutifs à la crise UNTM – Direction Général de la Police, il lançait, cette fois-ci, à l’intention des policiers à l’origine des troubles : «Ceci n’est plus une question d’AMO. C’est autre chose».
48 Heures plus tard, il décidait de limoger les responsables des services de sécurité dont le directeur Général de la Police.
Lors de la conférence de Zone de la JCI en milieu de semaine dernière, il annonça ceci au micro : « On ne devient pas chef, mais on apprend à devenir un chef. Un chef dirige, ordonne et détient une autorité. Cette autorité doit s’imposer».
Longtemps accusé d’une trop grande complaisance dans la gestion des affaires publiques, le président encore en exercice n’entend certainement pas lui laisser coller à la peau l’impression qui l’a suivi tout au long de ses deux mandats. Les clichés ont la vie dure, on le sait.
Evidemment, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il n’est cependant autant aisé de moraliser une vie publique trop longtemps sujette à l’impunité et à la dépravation. Le vice, l’incivisme et l’immoralité, voire la perversion sociopolitique et économique ont gagné suffisamment de terrain au point de miner toute la société. Quant à leurs auteurs, ils ont gagné pour leur part en puissance en influence.
En somme, se fixer pour mission de combattre ces phénomènes et leurs corollaires est une chose. Gagner le combat sans risque de bouleversement sociopolitique d’envergure est une autre. Bref, la mission n’est pas gagnée d’avance.
ATT doit bien s’attendre à une farouche résistance dans la mesure où la question relèverait de la survie même de certaines personnes comptant désormais parmi ses détracteurs. En clair, elles se battront en vue de préserver les acquits et le temps jouent admirablement en leur faveur contrairement à leur adversaire commun.
Autre déshydrata auquel ATT doit faire face : s’il peut bénéficier du soutien de l’opinion publique à travers le limogeage des cadres par lui jugés indésirables (les maliens n’en pensent pas moins pour la majorité des responsables concernés), il doit par contre s’attendre à une vive réaction de ces ex. Un seul indice pour illustrer le fait: les services pourvoyeurs de recettes récemment décapités éprouvent beaucoup de mal à atteindre le quota initialement fixé pour la période en cours. Conséquence logique du brusque changement intervenu en leur sein ou simple réponse du berger à la bergère ? La deuxième hypothèse est, bien entendu, la plus plausible. En définitive, ATT vient de donner naissance à une véritable opposition, lui qui a toujours bataillé au profit du consensus.
Et quant aux autres hauts cadres de l’administration encore fidèles au régime, leur rendement semble être durement affecté par le sentiment d’insécurité dans lequel ils évoluent désormais au regard des décisions de limogeage et d’affectation tombant régulièrement du ciel. Nous en connaissons aujourd’hui ayant désormais une sainte horreur de la fonction publique malienne pour ces motifs. Ceci est une autre histoire.
Si ATT a encore l’avantage de détenir les leviers de l’administration d’Etat, le temps joue malheureusement contre lui au contraire de ses redoutables adversaires.
Et comme une contrainte ne vient jamais seul, les multiples fronts ouverts à la fois par le président sortant ajoutés aux adversités naissantes risqueraient fort de constituer un handicap majeur face à sa volonté affichée de remettre de l’ordre dans le pays avant le 08 juin 2012. Aussi, il existe beaucoup trop de contingences endogènes et exogènes à l’heure actuelle et… Bref, la période est très sensible !
En somme, une colère, fusse-t-elle juste ne doit conduire à l’impasse au risque de perdre sa légitimité et justifier la sempiternelle sentence: après moi le déluge ! Pas bon pour un héros ! Surtout pour celui d’un 26 mars 1991.
B. Diarrassouba