Le chef des contestataires, Dramane Coulibaly dit Bako, a été condamné à 5 ans de prison ferme. Mais cette sanction semble ne pas entamer la détermination de ses camarades révoltés.
Est-ce l’épilogue de l’affaire dite « Bako Terrain » ? On est tenté de répondre par l’affirmative. En effet le leader des jeunes révoltés de Sogoniko, Dramane Coulibaly dit Bako, a été condamné dans la journée du lundi dernier à 5 ans de prison ferme et à une amende de 11 millions de Fcfa. Ce montant sera versé au titre des dommages et intérêts aux parties civiles Bama Dramera et Boubacar Djigué. Mais la mobilisation des jeunes du quartier de Sogoniko juste après le verdict de la cour incite à la prudence. Ce lundi, la salle d’audience du tribunal de première instance de la commune VI avait fait le plein. Un fort contingent des services d’ordre avait été mobilisé parce que l’enjeu en valait la peine. Cette force de sécurité encadrait les jeunes du quartier venus en grand nombre soutenir leur leader. L’audience a duré plusieurs heures. Un grand nombre d’accusés et de témoins ont défilé à la barre. Aux environs de 14 heures l’audience a pris fin avec le maintien de Bako dans les liens de l’accusation et sa condamnation à la peine de cinq ans et au paiement des dommages et intérêts. Comme si la jeunesse du quartier n’attendait que le verdict, elle sortit massivement pour ériger des barricades. Elle enflamma des pneus sur l’artère principale du quartier (Avenue de l’OUA).
A la fin de la journée, les travailleurs qui rentraient chez eux après une longue journée de travail ont été surpris par un bouchon de plusieurs kilomètres. Beaucoup d’entre eux sont arrivés très tard à leur domicile. La police du GMS appelée en renfort a mis du temps pour arriver sur le champ des opérations. Les éléments du 7e arrondissement tentaient depuis longtemps de contenir une foule qui grossissait de minute en minute. A l’arrivée des éléments du GMS, une sorte de guérilla urbaine a opposé les policiers aux jeunes de Sogoniko, auxquels leurs camarades de Faladié sont venus prêter main forte. Les escarmouches se sont soldées par une dizaine d’arrestations parmi les manifestants et des blessés au sein du groupe des jeunes et des éléments de la force de maintien d’ordre. « Certains de mes éléments ne sont pas venus au service aujourd’hui. Ils sont blessés. Nous leur avons accordé la permission d’aller se soigner », annonce le commissaire Maïga, adjoint au 7e arrondissement de police. Les jeunes révoltés ont été contenus et poussés à l’abandon dans l’après-midi de lundi par les policiers du 7e arrondissement et le renfort venu du GMS. Les contestataires ont remis ça hier matin. Aux heures de pointe encore, ils ont repris du service pour enflammer des pneus et ériger des barricades sur la même artère. L’intervention des forces de l’ordre permettra aux travailleurs de se rendre à leurs différents postes.
D’autres arrestations ont été opérées au sein des mécontents du verdict du tribunal. Au passage de notre équipe, les jeunes arrêtés avant-hier et hier étaient en garde à vue à la police. Les agents étaient soumis aux appels intempestifs de plusieurs personnalités intervenant pour la relaxe de X ou Y « fils d’un militant, d’un ami ou d’un parent ». Ils oublient que le seul objectif des policiers est de mettre fin aux troubles à l’ordre public. L’affaire du « Bako Terrain », faut-il le rappeler a commencé il y a des années. La presse nationale privée et publique en fait ses choux gras à un moment ou à un autre. Elle tourne autour d’un terrain situé dans le quartier. Avant l’attribution de cette parcelle à un citoyen, elle servait d’aire de jeu aux jeunes et aux enfants du secteur « Faladié Sogoniko ». Mais quelques années plus tard, Bama Dramera devient propriétaire du terrain par la volonté des autorités compétentes. Il a levé un titre foncier sur ladite parcelle. Il a entrepris de réaliser un immeuble sur le site. Mais il s’est retrouvé opposé à la jeunesse du quartier. Celle-ci estimait que le terrain lui revenait de droit. Ainsi, chaque fois que le nouvel acquéreur réalise quelque chose sur le terrain, des jeunes du quartier venaient dans la nuit le démolir. La dernière démolition en date a eu lieu au début de l’année courante.
Dramera et Djigué ont construit un édifice jusqu’à atteindre le dernier chaînage, selon certaines sources. Les jeunes de Sogoniko sont intervenus une nuit pour réduire tout en cendre. Suite à ce saccage, l’homme a porté plainte pour « dommage à la propriété d’autrui ». Sa plainte était accompagnée d’un constat d’huissier. Ce document a sûrement pesé lourd dans la balance, avant-hier, en sa faveur pour obtenir la condamnation de Bako. Cette condamnation va-t-elle ramener le calme et la sérénité tant espérés par les populations de la commune VI ? Les usagers de l’avenue de l’OUA pourront-ils désormais circuler tranquillement ? Le calvaire prend-il ainsi fin ? Ils sont obligés périodiquement d’arriver en retard à leur service ou à leur domicile. Tout cela par la faute d’un groupe d’irréductibles qui tiennent fermement et à tout prix à obtenir ce qu’ils veulent ? L’évolution de la situation après le verdict de lundi dernier ne pousse pas à l’optimisme. Tout comme la détermination de ceux en faveur desquels le tribunal s’était prononcé pour qu’ils gardent la parcelle. Ils assurent avoir légalement acquis le terrain auprès des autorités compétentes. Mais les uns et les autres doivent savoir que l’autorité de la chose jugée est sacrée. Cette pratique est reconnue dans toutes les démocraties du monde. Le Mali, ou du moins une partie de la population de notre pays, ne doit pas faire exception à une règle universelle. Le condamné Bako et ses camarades vont-ils l’accepter ? Wait and see.