Administration malienne : Une véritable mafia mise en place par des fonctionnaires voyous pour frauder et voler les ressources des contribuables

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De 2010 à 2017, le budget malien a plus que doublé – passant de 1101 milliards FCFA à 2270 milliards FCFA, soit 106% d’augmentation – sans grand impact sur les secteurs vitaux comme éducation et la santé, ou encore l’efficacité des services administratifs. L’impact aurait dû être positif, vu que la croissance démographique n’a été que de 23,1% sur la même période – la population passant à 18,6 millions d’habitants-. L’administration malienne est très improductive, mais pis, même les fonds alloués aux investissements disparaissent ou sont utilisées à d’autres fins. Depuis des années, une véritable mafia a été mise en place par des fonctionnaires voyous pour faciliter leur enrichissement par la fraude et le vol.

En se basant sur les rapports du Bureau du vérificateur général et de l’enquête de MaliLink Investigative Reporting Group (MIRG), il ressort que  l’administration malienne qui coûte chère au contribuable, est très pourrie.  Ne dit-on pas que l’Etat est pauvre, mais l’administration ne se prive pas. Les rapports du Bureau du Vérificateur Général (BVG) sont assez éloquents ;

Dans son rapport de 2007, faut-il le rappeler au passage, le BVG avait épinglé le ministère de l’habitat et de l’urbanisme sur des dépenses « alimentaires » ;

La moyenne annuelle des « dépenses en alimentation » s’élève à 34 000 000 de FCFA. S’y ajoutent 500 000 FCFA pour l’acquisition de savon, d’huile et d’ustensiles de cuisine, l’achat de 2 645 boîtes de lait « Nido », et près de 3 millions de F CFA pour l’achat de 141 sacs de sucre. Il s’ensuit que les « dépenses d’alimentation » du département sont excessives.

Il est difficile de concevoir un rapport entre l’huile de cuisine et l’urbanisme ; faut-il rappeler que ces 34 millions FCFA pourraient être utiles dans le service de pédiatrie de l’Hôpital Gabriel Touré ? L’image est pathétique ; des fonctionnaires se gavant de lait « Nido » alors que des enfants meurent de malnutrition !

La fraude n’a même plus « froid aux yeux ». Dans son rapport de 2012, le BVG disait ceci à propos du ministère des mines : « L’analyse quantitative des acquisitions de consommables au regard des besoins démontre que tous les achats ne sont pas justifiés. A titre d’exemple, la DFM [note : Direction des Finances et du Matériel] a acheté 813 cartouches d’encre pour imprimante, toutes marques confondues, pour 52,29 millions de francs CFA hors taxe sur 9 mois alors qu’elle ne dispose que d’un parc de 23 imprimantes, en majorité de type HP 2055. La quantité ainsi dégagée correspond à une consommation moyenne de quatre cartouches par imprimante et par mois. De plus, des cartouches d’encre ainsi payées ont des caractéristiques techniques ne correspondant pas aux imprimantes disponibles au niveau de la DFM.

Les nombreux rapports du BVG se suivent et se ressemblent mais restent généralement sans suite ; tout le monde accuse tout le monde, rejetant la responsabilité sur autrui ; le pouvoir exécutif accuse la justice de lenteur, la justice se défend et accuse l’exécutif ou même le BVG. Pendant ce temps, la fraude et la corruption continuent à grande échelle. Et le tissu sociétal est touché au plus profond, au point ou rien ne choque. Même au plus haut sommet de l’Etat.

Alors qu’un confrère lui demandait s’il était normal que la famille du premier ministre Modibo Keita reçoive des logements sociaux – un programme prévu pour faciliter l’accès au logement aux ménages à revenu faible et intermédiaire – le président Ibrahim Boubacar Keita accepte ça : «  le Premier ministre, après de bons, loyaux et honnêtes services comme fonctionnaire de l’administration méritait bien ce « cadeau » (en tout 6 villas, pour sa femme et 5 enfants).

Avant IBK, le président Amadou Toumani Touré avait lui aussi cautionné le vol  en indiquant qu’il faut faire attention « à ne pas gâter le nom » des fonctionnaires épinglés par les rapports du BVG.

L’ubiquité de la fraude lui confère un tout autre sens dans la gestion du bien public. Le citoyen lambda malheureusement comme norme ; et  la justice s’en occupe très rarement, même quand l’abus dépasse la « norme ».

           

Une administration érigée en mafia

Il suffit de lire les rapports des différentes structures de contrôle ; l’Etat malien est pillé de maintes manières – les euphémismes comme irrégularités, erreurs de gestion, écart de chiffres, non-collecte de redevances, non-fiabilité des chiffres, etc., ne ramènent qu’à une seule chose : un système frauduleux entretenu pour enrichir certains fonctionnaires aux dépends de l’Etat. Les incompétents sont nommés sciemment pour faciliter la fraude et promouvoir le système mafieux. Et l’audace de certains fonctionnaires ne connait aucune limite ; assurément la palme revient à des agents du ministère des mines, non pas par le montant de la fraude mais par la témérité et le sang-froid affichés (page 89, rapport BVG 2012) :

En ce qui concerne les véhicules, il se trouve des fiches d’entretien qui indiquent, par exemple, que pour une seule et même réparation : plus de 150 pièces ont été́ installées sur un véhicule ; 3 pare-brise avant, 3 filtres à huile, 3 filtres à air, 3 filtres à gasoil, 4 amortisseurs avant et 4 amortisseurs arrière ont été́ installés sur un véhicule ; 2 pare-brise, 4 amortisseurs avant, 4 amortisseurs arrière, 2 radiateurs, 4 jeux de pattes-moteur, 4 pattes-moteur, 4 pompes d’alimentation et 6 phares ont été́ installés sur un autre véhicule. De telles énonciations étaient devenues courantes et habituelles.

Cela peut faire sourire, mais c’est le nœud du problème. Le vol est organisé et ordonnancé non pas pour échapper aux autorités de contrôle – puisque la punition n’est jamais à l’horizon – mais dans le but de soutirer le maximum d’argent aux comptes. Dans son rapport de 2014 – le dernier à être publié – le BVG a effectué plusieurs contrôles dont les exemples qui suivent.

À l’Autorité́ Routière, c’est quasiment 11,8 milliards de FCFA qui ont simplement disparus, dont presque 4 milliards subtilisés par un seul individu (page 106) :

Il résulte des travaux que, sur un montant total de 7,86 milliards de FCFA recouvré au titre de la RUR [Note : Redevance d’Usage Routier] sur les produits pétroliers de quatre relevés de recettes, le Receveur du Trésor auprès du BNPP [Note : Bureau National des Produits Pétroliers] n’a pas reversé à l’AR [Note : Autorité Routière] un montant de 3,96 milliards de FCFA. Il n’a fourni aucun document justifiant ces manquants sur versement.

En fait, partout où passe l’argent du contribuable, se trouve un fonctionnaire qui se sert allégrement. Ce sont 667 millions FCFA qui disparaissent à l’Office de la Haute Vallée du Niger, dont 183 millions volés par le responsable de la commercialisation (page 118) :

Des Chefs SDR [Note : Secteur de Développement Rural] n’ont pas justifié des montants perçus de 63,77millions de FCFA destinés aux coopératives. Le Chef de la Section Commercialisation n’a pas justifié des demandes de fonds d’un montant total de 182,99 millions de FCFA par des états de paiement, au titre de la commercialisation du sésame.

Au Centre Hospitalier Universitaire Gabriel Touré, la période que couvre le rapport 2014 du BVG coïncide avec une rupture du stock de films radiologiques que la presse avait alors évoqué ; pendant 2 semaines (du 20 Septembre au 3 Octobre 2013), les patients du HGT n’avait simplement pas accès au service radiologique pour manque de film. La réalité découverte par le BVG est carrément d’ordre criminel ; les films manquaient mais pour une toute autre raison ; ils ont simplement été détournés par les responsables de la radiologie (page 125) :

Le Chef de service de la radiologie n’a pas justifié l’utilisation de films radiologiques de 114,80 millions de FCFA. En effet, il a réceptionné 185 000 unités de film numérique AGFA toutes dimensions confondues, alors qu’il n’a pu justifier que l’utilisation de 156 300 films pour les exercices 2010, 2011 et 2013. Il en résulte une différence de 28 700 films non justifiés, valorisée à 114,80 millions de FCFA.

Au total 1,4 milliard FCFA ont été subtilisés des comptes de l’hôpital sur la période ; pour rappel cette somme représente les budgets combinés de l’hôpital de Ségou (Hôpital Nianankoro Fomba) et celui de Kayes (Hôpital Fousseyni Daou) tels qu’alloués dans le budget de l’Etat en 2016. Encore aujourd’hui la presse accuse la direction de l’hôpital Gabriel Touré d’avoir passé un marché gré-à-gré pour l’achat d’un scanner qui ne répondait aux normes souhaitées par les médecins et qui tombe en panne fréquemment.

Ces pratiques, souligné plus haut, sont omniprésentes même où on s’y attend le moins. Par exemple, au Centre International de Conférence de Bamako (CICB) – qui l’aurait cru – le contribuable a perdu presque 995 millions FCFA ; le comptable s’était tout bonnement érigé en guichetier bancaire pour le ministère de la culture dont les agents se servaient gaiement en liquide et sans inquiétude (page 131) : L’Agent comptable [du CICB] a procédé à̀ une annulation non justifiée de prêts et avances de fonds. Il a soustrait du rapport financier de 2012, sans justification, un montant total de 107,92 millions de FCFA accordé à̀ titre de prêts et avances de fonds aux agents du Ministère chargé de la Culture.

La création d’une centrale d’achat pourquoi faire ?

Sans risque de se tromper, on peut affirmer que la quasi-totalité des achats effectués par l’Etat malien est frauduleux. « L’idée récente de créer une centrale unique d’achat public n’y changera pas grand-chose ; la fraude se déplacera tout simplement », indiqué un ancien fonctionnaire en retraite. Car à l’en croire, le problème est la nature même de la fonction publique au Mali. Les incompétents sont nommés à des postes stratégiques et névralgiques non par népotisme mais pour perdurer l’anarchie et faciliter la fraude. Les fonctionnaires honnêtes ne restent jamais longtemps aux postes de responsabilité. Tous les maliens sont victimes de cette situation, qui n’est que l’œuvre de quelques milliers de nos concitoyens ; des fonctionnaires qui n’ont pas compris qu’un Mali mieux dirigé bénéficiera à tous, eux y compris. Le scanner de l’Hôpital Gabriel Touré qui ne fonctionne pas affecte tout le monde ; la voiture qui pollue mais passe l’inspection technique contribue aux ennuis pulmonaires de tout le monde ; la route mal-faite accroit le coût du transport et le prix de la tomate pour tous ; le système éducatif miné par la corruption grève la croissance économique ; tout le monde est victime. Le préjudice n’est pas simplement financier.

Bref, nous assistons à une dénaturalisation de la société où l’anormal est devenu la norme.

En tout cas, les 2270 milliards FCFA du budget 2017 de l’Etat malien mettent le Mali en peloton de tête dans la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) – seuls la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont un budget plus important. Pourtant, tout manque au Mali ; le Malien paye toute sorte d’impôts et de taxes tout simplement pour faire vivre une administration qui ne la sert pas. Peut-on vraiment dire qu’on vit mieux en 2017 qu’en 2010 ?

Pourtant le budget de l’Etat n’était que 1101 milliards FCFA en 2010 ; on pourrait diviser nos impôts par deux, revenir au niveau 2010 et tous les Maliens seraient soulagés – la TVA passerait à 9% au lieu de 18% ; tout le monde vivrait mieux, sauf l’administration qui s’est habitué à vivre chichement sur le dos du paysan de Diapaga ; véhicules, téléphones….

Et du coup, c’est malheureusement  le contribuable qui en est le dindon de la farce. Que Dieu sauve le Mali.

Aliou Touré avec MaliLink Investigative

Reporting Group 

Le Démocrate

 

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