Les partisans du Non au référendum du 9 juillet prochain, sous la conduite de l’Opposition politique dite démocratique et républicaine et des organisations de la société civile, ont réussi leur pari de la mobilisation. À leur appel, des milliers de Bamakois ont battu le pavé ce samedi 17 juin 2017, pour dire NON à la révision constitutionnelle, dont le processus est en cours. Entre la mauvaise foi d’une Opposition qui n’ignore pourtant rien de ce projet, en tout cas en ce qui est de son apport au processus de paix en cours, et le déficit de sensibilisation qui a prévalu au sein de la société civile, la grande mobilisation du samedi prouve à suffisance les efforts qui restent à faire par les initiateurs de ce projet en vue de convaincre les Maliens de son bien-fondé.
De la place de la liberté jusqu’à la Bourse du travail, en passant par Bamako-Coura, le Monument de l’indépendance, les marcheurs ont scandé des slogans anti-révisionnistes. Même la chaleur et le Ramadan n’ont pas entamé la détermination des marcheurs qui, au-delà de la révision constitutionnelle, en avaient visiblement gros sur cœur. Il faut souligner que des slogans sont allés au-delà de la révision constitutionnelle, pour frôler des fois l’indécence de certains éléments de la foule qui proféraient des insanités contre le régime. Tous appelaient le Président de la République, Ibrahim Boubacar KEITA, au retrait pur et simple du projet de nouvelle constitution.
« Ne touchez pas à ma constitution » était le slogan le plus populaire.
Contrairement au constat de nombre d’observateurs, la mobilisation est allée au-delà de la foule virtuelle des réseaux. Elle dénote, d’une part, d’un déficit d’informations au sein de la population sur les motifs et la nécessité du projet et d’autre part, de la mauvaise foi d’une classe politique qui voit en tout, les ‘’germes de la partition du pays’’ et qui a tendance à rejeter tout ce qui ne vient pas d’elle.
Mauvaise foi de l’Opposition
L’Opposition, qui a participé à tout le processus d’élaboration de cette loi constitutionnelle, à travers la commission parlementaire mise en place à cet effet, au débat des députés jusqu’au vote de cette loi, crie elle aussi au scandale, alors qu’elle avait le temps de se démarquer bien avant. En effet, elle n’était pas obligée de participer à la commission de révision de la constitution, mais elle y a été à travers l’honorable Alkeidy Touré ; elle n’était pas non plus obligée de participer au débat, elle l’a fait. L’Opposition, à l’image de la Majorité parlementaire, a même proposé des amendements (44 au total dont 33 ont été pris en compte dans la nouvelle loi). Toute chose qui a fait dire à des observateurs que l’Opposition n’était pas contre la révision et le référendum.
« L’opposition a été positive lors de cette révision. Ses responsables se sont illustrés en bons Maliens. Ils ont même fait des amendements à l’instar de la Majorité présidentielle, dont certains ont été pris en compte », a-t-il expliqué un député de la Majorité présidentielle. Ce qui dénote, selon lui, que ces responsables ne sont pas contre la révision et le référendum.
Pis, l’Opposition, qui n’a pas rejeté l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, se contredit, à travers cette nouvelle position anti-référendum. Et pour cause ? Cette révision de la loi fondamentale est aussi motivée par l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger qui consacre à son Titre II destiné aux questions politiques et institutionnelles, Chapitre 3 : « réactiver et diligenter le processus de mise en place de la deuxième chambre du Parlement sous la dénomination de Sénat, de Conseil de la Nation ou de toute autre appellation valorisante de sa nature et de son rôle, et en faire une institution dont les missions et la composition favorisent la promotion des objectifs du présent Accord ; améliorer la représentation des populations à l’Assemblée nationale par l’augmentation du nombre de circonscriptions électorales et/ou toutes autres mesures appropriées ; à court terme, prendre des mesures dans le sens de l’ouverture du Haut Conseil des Collectivités notamment aux représentants des notabilités traditionnelles, aux femmes et aux jeunes ».
Les engagements de l’État
Sans cette révision de la Constitution du 25 février 1992, cette réforme qui est un engagement de l’État devant la communauté internationale n’est nullement possible. Renoncer au référendum du 9 juillet, c’est renoncer à la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation, dont les avancées viennent d’être saluées par le secrétaire général de l’ONU.
Connaissant bien ces motifs et sachant bien que le verrou sur le mandat du président n’a nullement été touché, on s’interroge sur les vraies raisons des élucubrations de l’Opposition.
Pour ce qui concerne la société civile, notamment les artistes qui ont également mobilisé pour cette marche du Non, leur attitude peut être expliquée par un manque ou un déficit de sensibilisation de la part des initiateurs du projet de révision constitutionnelle.
Retrait du texte ?
Au regard de la grande mobilisation qui a prévalu samedi, il y a lieu d’écouter les initiateurs de cette fronde, puisque c’est aussi la paix qui semble être le dénominateur commun de l’ensemble des acteurs (les partisans du Non et les initiateurs de cette réforme).
Cependant, force est de reconnaître que leur revendication, à savoir le retrait du texte par le président de la République, est sujette à débat. Le président a-t-il aujourd’hui le pouvoir de retirer un texte qui a été amendé, voté par les députés et publié dans le journal officiel ? La question reste posée et les juristes doivent trouver la réponse.
En tout cas, la mobilisation des partisans du Non a déjà avoir trouvé un écho au sein de la Majorité présidentielle, malgré la tenue des deuxièmes assises de la CMP qui avaient pour objet d’harmoniser les positions des partis membres par rapport à ce référendum. Au moins, trois partis politiques, non des moindres, ont déjà invité le président de la République à demander au président de l’Assemblée nationale une seconde lecture du projet de loi portant révision de la constitution du 25 Février 1992. Il s’agit notamment du parti YELEMA de Moussa MARA, du CNID de Me Mountaga TALL, du Parti pour l’Action civique et patriotique (PACP).
Seront-ils écoutés, pour l’intérêt général ? Toutes les voies et tous les moyens sont à explorer en vue de sortir le pays de la crise qui le mine, depuis plusieurs années.
Par Sidi DAO