Le 19 juillet dernier, par le truchement d’un débat télévisé sur les ondes de l’ORTM, le secrétaire général du parti SADI, Oumar Mariko accusait les autres partis d’être les fraudeurs des élections au Mali. Auparavant, c’est Ladji Bourama et son RPM qui bombaient la poitrine d’avoir une réputation saine en matière d’élection dans notre pays. Le samedi 21 novembre 2009, c’était autour du président de l’UDM Jama Ka Wasa, Ibrahima Siby de s’insurger contre les faiseurs d’ « hold-ups » électoraux. Il sera suivi le samedi 5 décembre 2009, par Me Mountaga Tall du CNID Faso Yiriwa Ton, lequel dénonçait la fraude électorale avec la dernière rigueur. Alors, au vu de tout ce qui précède, on est en droit de se demander qui est le fraudeur ?
La question de la fraude électorale est d’une grande préoccupation pour les autorités de notre pays, à commencer par le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré. Ce n’est pas pour rien que celui-ci dans son adresse à la nation du 22 septembre 2009, a proposé à ses concitoyens la suppression de la CENI, de la DGE, et de l’intervention du Ministère de l’administration territoriale et des collectivités locales en matière d’organisation des élections, pour les remplacer par une agence nationale. Il faut dire que cette option du Président de la République trouve sa pertinence dans les propos tenus par l’ex-président de la Cour Constitutionnelle, Salif Kanouté, lequel à la proclamation des résultats définitifs des législatives de 2007 disait ceux-ci : « Nous sommes au regret de constater que les acteurs politiques de notre pays se sont tous installés dans le fraude ». Les propos du président de cette institution de la République, comme on peut le constater, s’adressaient à tous ceux qui prennent part aux compétions électorales du pays, sans exception. Voilà des propos qui devraient normalement pousser chacun en ce qui le concerne à un examen de conscience approfondi, ne serait-ce que pour le bien-être de notre démocratie.
Mais curieusement, on constate que les partis sont plutôt en train de s’accuser mutuellement. Pour les uns, c’est plutôt les autres qui sont les fraudeurs et qui font la honte de la démocratie malienne et vice-versa. Il s’agit bien là des partis comme le RPM d’IBK et du SADI du fauve national, Oumar Mariko.
Depuis la fin des communales du 26 avril dernier, ces partis ne cessent de se faire passer pour les saints de la classe politique. C’est d’abord le président du Rassemblement pour le Mali (RPM), Ibrahim Boubacar Keïta qui, au détour d’un problématique message aussitôt après la proclamation des résultats desdites élections et diffusé à grande échelle dans la presse, qui se réjouissait des résultats de son parti, qu’il jugeait fort élogieux. Avec environ 800 conseillers et classé troisième force politique après l’Adéma et l’Urd, le président IBK félicitait du fond de son cœur l’action militante du peuple RPM, qui s’est mobilisé fortement pour parvenir à un tel résultat. Le message serait bien apprécié, si le président du Rassemblement des pressés du Mali, pardon le Rassemblement pour le Mali, IBK, s’était limité là. Mais IBK a poursuivi son message en ajoutant que ces résultats ont été obtenus sur fond de transparence, c’est-à-dire sans la moindre fraude.
De même, lors d’un point de presse de la section RPM de la commune III à la veille desdites communales, c’est le secrétaire général de la section de la commune III et non moins 2e vice-président du BPN, Bakary Koniba Traoré alias Pionnier, qui s’inquiétait de la fraude des autres comme si sa section était exempte de tout reproche. Voilà en gros le lavage de conscience qui s’est manifesté au niveau du Rassemblement pour le Mali, où on se veut sans reproche. Seulement que le président IBK et les siens ont oublié que le peuple malien est à mille lieues d’être pris à leur duperie. Lui qui a pris certains militants de ce parti la main dans le sac de la grande fraude. Allez-y demander en Commune V ce que le RPM a manigancé, précisément à Kalaban-Coura : vous aurez sans nul doute des vertiges ! Plus de 4000 feuilles jaunes issues d’un recensement fictif ont été frauduleusement utilisées par les Tisserands de cette circonscription électorale. Ce recensement fictif avait été fait par le Mouvement citoyen, mais malheureusement la liste de ce dernier ayant été disqualifiée, par esprit de solidarité, celui-ci a préféré mettre son mauvais butin à la disposition des tisserands, lesquels, selon nos sources, s’en sont servis à cœur joie. Voilà un exemple parmi tant d’autres de la fraude au niveau du RPM, qui tranche nettement avec les déclarations hasardeuses de son président Ibrahim Boubacar Keïta et ses sbires.
Quant au parti SADI qui se veut aussi propre, les faits sont loin de le prouver, même si son secrétaire général, l’éternel insatisfait, Oumar Mariko, au détour d’un débat sur les ondes de l’ORTM, persistait et signait. Ce dernier n’avait pas manqué le dimanche 19 juillet, d’incriminer les autres par rapport à la fraude, en se faisant passer pour monsieur propre de la classe politique. Ainsi, il s’était même permis de reprendre les propos de l’ancien président de la Cour constitutionnelle, Salif Kanouté qu’il avait collés aux autres en rassurant que son SADI national est au-dessus de tout soupçon. Une véritable parade de contrevérités pour l’Honorable Mariko ?
En tout cas nos sources sont formelles : le parti SADI a bel et bien fraudé au cours des communales du 26 avril dernier. Dans les accusations, le nom de Koutiala revient fréquemment, où les « Sadistes » se seraient livrés à un véritable festival d’achat de consciences. N’est-ce pas que c’est de la fraude électorale, M. Mariko ? Mais au lieu de se taire, le secrétaire général préfère toujours parler, sans savoir qu’en parlant il se ridiculise de plus aux yeux de l’opinion nationale, laquelle est déjà convaincue que la fraude est la tasse de thé à laquelle boivent tous les acteurs politiques de notre pays.
Le président de l’UDM, Ibrahima Siby met le pied dans le plat
Sans être de la mouvance présidentielle, ni de l’opposition, le président de l’Union pour le développement du Mali (UDM Jamaa Ka Wasa), l’ancien ministre des travaux publics, Ibrahima Siby n’a pas manqué de dénoncer avec virulence la fraude électorale pratiquée par certains acteurs du jeu électoral dans notre pays. C’était le samedi 21 novembre au soir d’une journée nationale des élus de son parti, à travers une conférence de presse, animée au centre des handicapés de Bakaribougou. Face aux hommes de médias, c’est un président de l’UDM très colérique qui a dépeint le tableau électoral de notre pays en ces termes : « les élections qui se sont déroulées au cours de l’année 2009, ont été marquées par un degré de malversation jamais égalé dans l’histoire de la démocratie malienne. Singulièrement les élections communales ont démontré toute la fausseté et toute la fragilité du système démocratique malien. Elles ont démontré à suffisance le faible ancrage de la culture démocratique dans la classe politique et chez les hommes politiques. La présence quasi permanente de la fraude et son accentuation par sa généralisation et sa dimension pernicieuse et empreinte de fortes subtilités témoignent d’une dérive dangereuse de la démocratie. Au cours de ces élections, au lieu que les partis politiques et les hommes politiques rivalisent de force, de conviction et d’idées comme base de leur stratégie électorale, on a assisté plutôt à une concurrence sur le plan de la fraude et l’achat de conscience. En effet, contrairement à la démarche que notre parti a choisie pour en faire un crédo, c’est-à-dire rester fidèle à l’éthique et à la morale, d’autres formations politiques et listes de candidatures ne s’étaient pas privées de se mettre en marge de la marche démocratique de notre pays, venant du coup fragiliser encore plus un système politique qui créé de plus en plus de dégoût au sein de la population malienne. En témoignent les faibles taux de participation enregistrés ici et là. Hélas, les démocrates maliens sincères et convaincus ont toujours rêvé de faire de chaque élection une fête électorale, mais en réalité le 26 avril 2009, ils n’ont eu droit qu’à du théâtre et quel théâtre ? Celui dont les acteurs de premier plan, ont été les hommes politiques et les partis politiques eux-mêmes. Ils auront rivalisé dans la tricherie et l’achat de conscience au point d’en faire leurs seules armes pendant la campagne électorale et surtout le jour du scrutin. Ces agissements n’ont échappé à aucun observateur averti, mieux les langues se sont déliées après le vote. Acteurs et malheureux bénéficiaires ont relaté comment les lots de bulletins de vote ont été soustraits la veille du scrutin, avec la complicité de présidents de bureaux véreux et corrompus, et remis entre les mains de votants avec des empreintes digitales pré-apposées contre une modique somme. Ailleurs, ceux sont des cartes d’électeurs soustraits qui sont remises à des inconnus pour aller voter à la place de leurs titulaires. Et pour couronner tout cela, profitant de l’ignorance et de la naïveté de nombreux représentants de partis dans les bureaux de vote, des faux procès verbaux sont établis. Toutes ces pratiques ont pris une dimension telle qu’on peut affirmer que la démocratie a tout simplement reculé dans notre pays. Ce qui est le plus inquiétant c’est que le phénomène est le fait des hommes politiques et des partis politiques eux-mêmes. La plaie de la démocratie malienne, la véritable gangrène aujourd’hui c’est donc eux. La démocratie malienne est malade de ses hommes politiques, et le Mali ne mérite pas cela », avait martelé cet ancien baron de l’Adéma puis du RPM.
Me Tall dénonce à son tour dénonce la fraude électorale
Le samedi 05 décembre 2009 à la faveur de la conférence des cadres du CNID FYT, Me Mountaga Tall n’a pas raté de revenir sur son leitmotiv qu’est la dénonciation de la fraude électorale. « Force est de constater que nous manquons cruellement de grilles objectives de lecture pour évaluer réellement les forces politiques en présence. On peut facilement rétorquer que les élections constituent cette grille de lecture objective. Oui du point de vue du formalisme démocratique. Mais non, si l’on s’en tient à la réalité politique. En effet, toutes les voies autorisées (partis politiques, candidats indépendants, les médias, la Cour constitutionnelle et même le président de la République) ont dénoncé le manque de fiabilité de notre système électorale. La fraude, l’achat de voix et de conscience, la corruption à large échelle constituent des lieux communs en matière électorale. Qu’est aujourd’hui une élection au Mali, si ce n’est en un moment donné, l’équation entre les moyens financiers, le poids ou les complicités dans l’administration et la bonne maîtrise de la technologie électorale auxquels il faudrait ajouter une bonne dose de cynisme. Dans ce cocktail le coefficient personnel du candidat et le programme qu’il défend n’ont plus qu’une importance marginale. Il ne s’agit pas pour nous, en faisant ces constats, de jeter la pierre à quiconque, de trouver de vaines excuses ou de procéder à des incantations toutes aussi vaines. Au contraire nous voulons des solutions qui aujourd’hui, peuvent se situer à deux niveaux : celui des textes et celui des hommes », indiquait dans son discours d’ouverture le député de Ségou au CICB. Mais avant d’arriver à cette partie de son discours, c’est un président du CNID Faso Yiriwa Ton qui, au paravent, félicitait ses cadres qui ont cru au parti malgré tant de difficultés en ces termes : « gloire à ces militantes et militants anonymes, à ces cadres convaincus et aujourd’hui aguerri. Il existe aujourd’hui un peuple CNID, qui se distingue de
« voteurs » occasionnels et rémunérés le temps d’une élection », avait expliqué l’élu de Ségou.
Au regard de tout ce qui précède, la question qui mérite d’être posée est de savoir qui est ce grand fraudeur d’élections au Mali qui est tant décrié ? Car, on est qu’à même convaincu d’une chose : il n’y a pas de parti politique au Mali qui participe à une élection sans frauder. Peut-être que les échelles ne sont pas les mêmes, mais de là à s’en laver proprement les mains, il y a un pas à ne pas vite franchir.
Quoiqu’il en soit, comme l’a si bien dit le chef de l’Etat dans son discours du 22 septembre 2009, le Recensement administratif à vocation d’Etat civil (RAVEC) et la relecture des textes fondamentaux en cours pourraient améliorer et crédibiliser notre système électoral.
Abdoulaye Diakité