Les épouses des Chefs d’Etat ou des Souverains ne sont pas que de simples compagnons. De part leur position et leur intelligence, elles sont capables de desserrer l’étau autour de leurs maris en organisant des grandes manifestations culturelles et/ou intellectuelles ou même s’engager dans des causes sociales à caractère économique, dont l’impact sur la vie des couches les plus vulnérables est visible et quantifiable.
Dans tous les pays du monde et en tout temps, les épouses des Présidents de la République et des Souverains constituent de véritables catalyseurs pour désamorcer les bombes sociales. Elles servent d’aiguilles pour coudre le haut et le bas. Cette fonction sociale non inscrite dans les Constitutions permet de construire un certain équilibre entre le Pouvoir et les peuples. Les Premières dames au Mali n’échappent naturellement pas à ce déterminisme social. Certaines d’entre elles ont réussi parfois avec beaucoup de difficultés à s’affranchir de l’esclavage de l’argent facile. Par contre d’autres sont tombées dans le piège de la tentation. Mais, l’histoire retiendra que la première épouse du premier président de la République, Kéita Mariam Traoré, a été la première marraine de la Croix rouge malienne. Elle s’est privée de toutes ses libertés individuelles pour accompagner son mari, Modibo Kéita, sur le difficile chemin d’émancipation de notre peuple. Jusqu’au renversement de son époux, elle s’est entièrement consacrée aux œuvres sociales servant de tampon entre la cime de la colline de Koulouba, siège du Pouvoir, et la base. Malgré toutes les critiques qu’on peut retenir de Traoré Mariam Cissoko, elle a toujours été l’alter ego de son époux. Surtout dans le domaine de l’agriculture. Un ancien directeur de l’Office du périmètre irrigué de Sélingué témoigne.
Selon lui, le président Moussa Traoré mettait à profit les vacances qu’il passait à l’intérieur du pays pour rendre des visites surprises à certaines entreprises notamment agricoles à l’intérieur du pays. C’est à la faveur d’une vacance du genre, qu’il a effectué un bref séjour sur les rives du Sankarani au milieu de l’immense étendue rizicole de Sélingué. Aussitôt après son installation à sa résidence, aménagée au Pied-à-terre, il se transporte dans les champs pour s’assurer de l’état végétatif des plants. Au terme de la visite, il a eu une séance de discussion avec l’encadrement. Mais, à la question de son impression générale sur l’état des champs, il répondit “j’attends d’en parler avec Mariam après je vous répondrais”. En attendant le verdict de l’experte Mariam, tout le monde retint son souffle. Mais, à l’arrivée, il y avait plus de peur que de mal. La réponse était positive. Elle avait une bonne impression sur l’état végétatif du champ de riz. Pourquoi, Moussa Traoré se réfère à l’appréciation de son épouse ? Parce que la gestion du champ familial lui était confiée. Elle y a développé une compétence au point d’en devenir une experte en agroéconomie. Elle s’y connaît et conseille son mari dans ce secteur. Du coup celui-ci ne peut être mené en bateau par quelque cadre que ce soit.
Sous le règne d’Alpha Oumar Konaré, l’historienne Adam Konaré a eu le flair de sauver son mari des griffes de ses opposants en détournant l’attention sur d’autres activités culturelles et scientifiques. Coup sur coup, elle a organisé deux événements majeurs durant le 2ème mandat de son époux, qui était acculé de tous les côtés par des adversaires très coriaces, regroupés au sein du Collectif des partis politiques de l’opposition (COPPO), dirigé en son temps par le doyen feu Almamy Sylla du RDP et comprenant des caciques, comme Me Mountaga Tall du CNID, feu Mamadou Lamine Traoré du MIRIA, Choguel K. Maïga, etc. Il faut rappeler que le COPPO est la suite logique du boycott des élections générales de 1997, qui ont permis à l’enfant de Dougoukolo Konaré de renouveler son mandat à la tête du pays. Les opposants qui ont refusés de prendre part à cette consultation électorale ont également refusé de reconnaître Alpha Oumar Konaré comme le Président de la République. Jusqu’à la fin de ce second mandat, certains d’eux ont continué de l’appeler M. Konaré. Ainsi, à coup de marches de protestations et de meetings systématiquement réprimés le régime, ces hommes déterminés à lui rendre la vie difficile, n’ont jamais démordu. Mais, grâce à son génie créateur, Adam Ba Konaré a su créer divers événements de dimension internationale, comme la création de “Tapi tal poulokou”, une association regroupant tous les peulhs d’Afrique. L’assemblée générale constitutive de cette grande association culturelle a mobilisé au Centre international de conférences de Bamako (CICB), jadis appelé Palais des congrès, la crème des leaders peulhs de toute l’Afrique. Ce fût une grande mobilisation, qui a permis aux leaders de la société civile d’oublier un peu la politique. Ce grand rassemblement a été suivi par un colloque de l’Association des historiens d’Afrique, avec à leur tête le doyen et l’érudit burkinabé, Joseph Ki Zerbo, le Sénégalais Abdoulaye Bathily et diverses autres sommités de l’histoire africaine. A la clôture des travaux, elle a reçu ses hôtes dans la toute nouvelle salle de banquet du Palais de Koulouba. C’était au cours d’une nuit de contes de l’histoire de Sogolo Krouma, depuis sa jeunesse dans sa terre natale dans l’actuel Baraouli jusqu’à son mariage au père de Soundiata dans le mandé. Les actes du colloque ont fait l’objet de publication dans plusieurs revues scientifiques. Avant le colloque, Adam Ba Konaré avait remonté les traces de cette femme. Tous ces événements ont permis de diversifier l’actualité, au point que les Maliennes et les Maliens se sont détournés de la politique et vaguer à leur quotidien.
Malheureusement ATT n’a pas eu cette chance. Son alter ego, Lobbo Traoré, qui manquait d’inspiration pour créer d’autres événements outre que politiques a confondu vitesse et précipitation. Pour elle l’argent pouvait tout régler en oubliant qu’aussi riche qu’elle soit, elle ne saurait trouver de l’argent pour chaque Malien. Il suffit parfois d’un évènement banal, mais bien réfléchi et intelligemment mis en œuvre pour sauver le régime.
Aujourd’hui, IBK a besoin d’une telle intelligence de son épouse. Elle fait déjà de son mieux, mais pas suffisant pour desserrer l’étau autour de son mari.
Cette femme pleine d’énergie et d’intelligence doit faire appel à son génie créateur pour créer des événements fortement mobilisateurs, qui auront le don d’enrichir l’actualité.
Dans nos prochaines éditions, nous esquisserons des pistes d’activités qui pourront nourrir la réflexion.
Mohamed A. Diakité