Depuis son accession à la magistrature suprême, ce fut une première que le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, rencontre les partis politiques de la majorité et de l’opposition. Il s’agit d’évoquer avec ses interlocuteurs les sujets brûlants de l’actualité dans notre pays, notamment la crise de Kidal. Pour une fois, IBK a tronqué son manteau de chef de parti contre celui de chef de l’Etat. Qui ne doit jamais voir ses opposants comme des ennemis, encore moins comme des hassidi (égoïstes). Ce ne sont ni plus ni moins que des Maliens qui ont des ambitions pour leur pays.
C’est des rencontres du genre qu’Ibrahim Boubacar Keïta est appelé à organiser s’il veut sortir le Mali du bourbier. Un bourbier dans lequel, il a été (ré) plongé par le Premier ministre, Moussa Mara.
Notre pays a besoin d’un président de la République au service de l’ensemble de ses concitoyens. Un chef sensé comprendre qu’il a été élu pour résoudre des problèmes et non le contraire. Que sa mission est de sauver le Mali en recousant le tissu social, en reconstruisant l’armée, en relançant l’économie nationale, et surtout en bâtissant une vraie démocratie.
Au lieu de çà, c’était un véritable laissé aller. Les promesses électorales ont laissé place des règlements de compte. Des cadres de l’administration sont systématiquement mis sur la touche. Pourquoi ? Ils n’ont simplement pas fait allégeance au Prince du jour. La famille présidentielle s’est accaparé les leviers du pouvoir au détriment du parti du président de la République. Le Rassemblement pour le Mali, puis qu’il s’agit de lui, s’est vu humilié à maintes reprises. Il n’avait pas voix au chapitre quand il s’est agi du choix des hommes. Ni l’ancien premier ministre, ni l’actuel, ne sont issus de ses rangs. C’est un parti qui, finalement, ne pèse pas.
Aussi, des marchés juteux sont offerts de gré à gré sans le moindre respect de la loi. Les nominations sont sélectives. Le président de la République veille sur son propre confort en s’offrant avion et voitures de luxe. Tout y passe pour satisfaire, dans les moindres détails, les besoins de prestige du chef de l’Etat.
Ce sont, entre autres, ces dérives que l’opposition politique dénonce. Et c’est ce qui fait d’elle, aux yeux des partisans de la majorité et du président lui-même, des « apatrides ou des égoïstes ».
Il a fallu les évènements douloureux de Kidal, la pression de cette opposition et celle de la communauté internationale pour faire fléchir Ibrahim Boubacar Keïta. Qui aurait compris que sa très grande fierté allait causer sa perte. Que le Mali a bien besoin de tous ses fils dans la paix que dans les moments difficiles.
Son appel à l’opposition est le signe que le chef de l’Etat reconnait les mêmes droits à l’ensemble de ses administrés, à l’ensemble des Maliens (blancs et noirs ; majorité et opposition ; partisans et adversaires…).
L’opposition a répondu favorablement à cet appel. C’est un signe à la fois d’espoir, mais aussi d’inquiétude. Espoir pour le Mali, pour la démocratie et pour la bonne gouvernance. Si le président de la République est descendu de son piédestal, cela crée une atmosphère de confiance. Et le peuple peut dire : « enfin, les choses pourront s’améliorer ».
L’inquiétude rime avec la crainte de voir l’opposition déviée de son chemin. Le chemin pour un Mali prospère et en paix. La rencontre avec le chef de l’Etat est appelée à renforcer la démocratie, l’Etat de droit et la bonne gouvernance. Elle ne doit pas être un moyen pour s’offrir des privilèges, ni pour la formation d’un gouvernement d’union. Chacun doit jouer le rôle qui est le sien dans le respect des valeurs démocratiques. L’opposition doit demeurer une alternative.
Si IBK avait assumé son rôle de président de tous les Maliens, notre pays ne connaîtra peut être pas toutes ces frasques et humiliations. Et le Mali en sortira sans doute grandi.
Idrissa Maïga