Pourquoi l’Etat accorde-t-il des financements aux partis? Ce privilège est-il réservé aux seules formations politiques ? Les bénéficiaires peuvent-ils en disposer à leur guise ou alors quels sont les critères de partage ? Existe-t-il des mécanismes de contrôle ? Comment sont gérés ces deniers publics ainsi mis à la disposition des partis ? Ce sont les principales questions (entre autres) qui titillent tous citoyens, notamment les électeurs.
Un milliard et demi de francs CFA : c’est le volume des ressources financières dégagées cette année par le Trésor public en faveur des partis politiques ayant une existence légale et du poids sur l’échiquier politique national. Ainsi, la première force politique, l’ADEMA, empoche la bagatelle de 468,633 millions de FCFA, suivi de l’URD avec 304,979 millions de FCFA, du RPM avec 113,934 millions, du CNID-FYT avec 75 millions de FCFA. Et ainsi de suite…Conformément aux dispositions des textes, le partage du « gâteau » s’est fait selon le nombre des conseillers municipaux de chaque parti et son poids à l’Assemblée nationale (en terme de nombre de députés).
Beaucoup de prétendants, mais peu d’élus
Pour l’année 2012, ces bases de calcul ont profité à six formations politiques : l’ADEMA, l’URD, le RPM, le CNID, le MPR et le PARENA. Les plus gros « butins » sont revenus aux trois premiers partis cités. Les autres partis se sont partagé les « miettes », mais certains d’entre eux sont malheureusement exclus du partage : ils ne remplissent aucun critère pour avoir droit ne serait qu’à une petite portion du « gâteau ». Du reste, ces durs critères n’ont d’autre raison que de décourager la création de partis fantaisistes et « fantômes ».
Aussi, l’Etat n’aura à appuyer financièrement que les partis qui concourent effectivement à l’expression politique des Maliens et non ceux dont la somme des militants ne serait même pas à l’étroit dans une cabine téléphonique. Mais quelles sont les dispositions légales qui fondent ce principe du financement des partis par l’Etat ? Et de quelle manière est conduite cette opération ? Par ailleurs, en période électorale (comme ce sera bientôt le cas), l’Etat accorde, pour leurs besoins de campagne, d’autres subventions aux partis en lice pour les futures compétitions électorales. Mais existe-t-il un décret fixant les règles de gestion et les mécanismes de contrôle de ces deniers publics octroyés aux partis dits « bénéficiaires » ?
Pour l’amélioration d’une sécurité démocratique indispensable, le financement des partis politiques constitue le prix à payer par l’Etat, sans parler de la nécessité, pour lui, de soustraire les partis politiques de l’emprise des financements occultes et des puissances financières étrangères, bref de l’argent sale, comme certains aiment le décrier, car en la matière, il faut de la transparence et de la probité politiques, surtout lorsqu’il est question de gérer des sous alloués par autrui (l’Etat, en l’occurrence). Certains acteurs politiques déplorent la lenteur du déblocage de ces fonds et plaident pour d’autres considérations dans les critères de partage, dont un meilleur contrôle de la gestion de ces fonds pour qu’ils ne soient pas une proie pour des leaders politiques « rapaces ».
Partis politiques bénéficiaires, gare à la dilapidation des fonds !
Ne serait-il pas mieux indiqué de mettre en place un mécanisme qui sera chargé de garder l’œil sur la gestion de ces fonds alloués aux partis politiques ? Ce sera en tout cas une manière de vérifier si l’argent perçu par ces partis sert réellement aux besoins de leurs campagnes ou…à « autre chose ». C’est dire donc que certains leaders politiques pourraient bientôt se retrouver en prison pour détournement de deniers publics. Ce serait alors la conséquence d’une application stricte des contrôles de l’usage fait du financement public des partis politiques. Les pactoles alloués aux partis politiques bénéficiaires devra leur servir à battre campagne plutôt qu’à s’enrichir personnellement.
Ainsi, les militants des partis connaîtront le niveau exact de la moralité de leurs leaders : cela exercera une certaine une pression sur ces derniers, car ils auront finalement peur de s’acheter des voitures personnelles pour soigner leur propre standing, convaincus que leurs militants ont l’œil sur eux. Aussi, il est souhaitable qu’au lieu de « croiser les bras », ces militants doivent plutôt engager une action qui sera longue, certes, mais qui permettra à tous (surtout à leurs dirigeants politiques) de comprendre que nul n’est au-dessus de la loi, que l’on soit parti de la majorité ou de l’opposition.
Cette semaine, on saura justement à quoi serviront ces financements des partis. Mais il opportun d(envisager les voies et moyens qui doivent être mis en place pour « sécuriser » (c’est-à-dire contrôler la gestion) cet argent mis à la disposition des partis. Pour ce faire, il faudrait créer une Commission de contrôle de l’utilisation de ces fonds.
Les pouvoirs et fonctions de cette Commission ?
Loin d’être une manne tombée du ciel pour enrichir des leaders politiques, ce financement des partis doit plutôt servir à couvrir les différentes activités du parti ou à organisation ses campagnes électorales. Aussi, cette Commission de contrôle, qui sera créée par décret présidentiel, sera placée sous le contrôle de l’Inspection générale de l’Etat qui sera investie de plusieurs pouvoirs : elle sera habilitée à vérifier que l’utilisation des fonds destinés au financement public est conforme aux fins prévues par la loi. Dans l’exercice de sa mission, elle aura le pouvoir d’exiger tout document financier et comptable nécessaire à la justification des fonds publics alloués. En cas de nécessité, elle peut faire constater les cas de détournement des fonds publics alloués aux partis politiques, conformément à la législation en vigueur. A cet effet, chaque parti politique bénéficiaire des fonds est tenu, dans les soixante jours suivant la fin de l’exercice budgétaire, d’adresser à la Commission un compte d’emploi des fonds publics reçus, assorti de pièces justificatives. Ainsi, l’argent du contribuable ne sera pas dilapidé pour rien !
Paul N’guessan