Depuis les douloureux événements du jeudi 2 Février dernier, le Mali vit un semblant de salut public consécutif à des soulèvements populaires aux odeurs de fragilisation des pouvoirs en plein processus électoral. Avec un gouvernement visiblement en deçà de l’urgence ainsi que des nombreuses équations qui se posent, il est finalement revenu aux politiques de prendre la main pour sauver la stabilité institutionnelle et l’ordre républicain des risques d’une submersion par les inconnues de la rébellion.
Les atrocités commises, lors des assauts rebelles sur Aguelhoc, ont eu des retentissements imprévisibles, la semaine dernière, avec notamment une menace qui n’a pas encore fini de planer sur la stabilité républicaine et démocratique malienne. En dépit des assurances données par le chef de l’Etat et plusieurs de ses proches collaborateurs – quant au respect du calendrier constitutionnel des élections – cette menace est loin d’être définitivement circonscrite et continue de hanter les esprits les plus optimistes. Les élections générales crédibles ((référendum, présidentielle et législatives) sauront raisonnablement se tenir pendant que des pans entiers du territorial sont progressivement abandonnés aux positions rebelles et que les électeurs des zones concernées recherchent massivement refuge dans les pays voisins ? Cette question, quoique probablement motivée par des intentions calculatrices pour discréditer les échéances électorales, se présente comme un couteau à double tranchant voire un tragique dilemme infernal. Et pour cause : organiser les élections dans une atmosphère conflictuelle revient certes à les exposer aux risques d’une contestation certaine par les tendances défavorisées par le rapport des forces actuel, tandis que les ajourner pourrait également occasionner un scénario de fragilisation des pouvoirs sortants qui s’en retrouveront dépourvus de la légitimé requise pour avoir les coudées franches sur le processus électoral. Il n’est donc pas exclu, avec la deuxième hypothèse, que le Mali tombe dans le scénario ivoirien, avec les ajournements cycliques susceptibles de chambouler le système démocratique et d’exiger un recours à l’arbitrage extérieur pour crédibiliser la compétition électorale.
Comme on le voit, la situation est assez alarmante pour qu’une classe politique responsable se mette au chevet dela Républiqueet de la démocratie malienne. C’est le réflexe que les partis politiques les plus représentatifs ont développé, la semaine dernière, en prenant l’initiative d’une retrouvaille autour de l’Adema et de son président pour circonscrire les menaces.
–La poire entre adeptes de la force et partisans du dialogue
Enclenchés la semaine dernière dans le sillage du retentissement des attaques rebelles sur Bamako et Kati, les pourparlers et échanges sur la situation sécuritaire au Nord-Mali ont évolué lentement mais très sûrement, sous l’égide de Dioncounda Traoré, président de l’Adema-PASJ et de l’Assemblée Nationale. Après les premières concertations à un niveau restreint des seules formations représentées à l’hémicycle, le terrain du dialogue s’est élargi à l’ensemble de la classe politique et a débouché sur un plan d’action en bonne et due forme, devant servi de feuille de route au président dela Républiquepour lui permettre de sortir de l’enlisement qu’annoncent les rebondissements spectaculaires de la crise au septentrion.
Après une première rencontre avec le chef de l’Etat, Samedi, la classe politique a été ainsi exhortée par ce dernier dans le sens de suggestions favorables au retour de la paix ainsi qu’au renforcement de la cohésion nationale en vue de lever les obstacles susceptibles de perturber les exigences du calendrier constitutionnel des élections de 2012.
Réunis à nouveau sur la question, lundi, dans l’enceinte de l’hémicycle, les composantes les plus significatives de l’échiquier politique malien ont convenu de dégager les grands axes des propositions de sortie de crise avant de se retrouver, le jour suivant, pour leur adoption. La rencontre d’avant-hier mardi n’a pas tourné court, mais elle se sera néanmoins longtemps enlisée dans les discussions houleuses, à cause notamment du nombre trop élevé de protagonistes mais aussi des inévitables querelles de tendances et d’approches. Par exemple, sous la rédaction de Tiébilé Dramé, il aurait été difficile qu’une solution au problème du Nord-Mali se passe d’une idée si chère au PARENA : l’organisation d’un forum sous-régional sur l’insécurité dans la bande sahélo-saharienne. Mais l’initiative a été balayée d’un revers de main par la classe politique, selon nos confidences, ou du moins ne trouve parmi les solutions urgentes proposées au chef de l’Etat.
Autres ressentiments nostalgiques ayant refait surface, lors des pourparlers, c’est le vieux combat d’une certaine frange de la classe politique pour la prépondérance de la force sur le dialogue. De source concordante, les discussions ont longtemps achoppé sur la divergence entre adeptes d’une intervention musclée de l’armée et partisans d’une approche basée sur le dialogue. Sous l’égide du Pr Dioncounda Traoré, les tendances, nous a-t-on confié, ont fini par s’accommoder d’un partage de la poire en deux, avec une proposition consistant à privilégier le dialogue mais en confortant les positions de l’armée malienne par des moyens militaires adéquats. En clair, il n’est pas question qu’une éventuelle entente avec les rebelles se conclue sur la base d’un abandon des positions stratégiques de l’armée malienne.
-Les propositions à soumettre au chef de l’Etat
En tout état de cause, dans les heures qui suivent (si ce n’est effectif), une délégation des formations politiques maliennes sera à nouveau face chef de l’Etat muni d’un plan d’action en 17 propositions. On y dénombre des actions relevant du ressort exclusif du gouvernement. C’est le cas, par exemple, du renforcement de la confiance au sein des forces armées et de sécurité, à travers notamment le renforcement de leurs capacités et de leur motivation. Dans la même foulée, les partis politiques proposent que le gouvernement prenne attache avec les pays susceptibles de favoriser le dialogue avec les rebelles en vue d’un cessez-le-feu et de rencontrer le corps diplomatique et les organisations internationales représentées aux fins de les tenir informés de la situation.
Parmi les propositions figurent également des mesures dont l’exécution est partagée entre le l’Exécutif et les partis politiques. Ainsi, pour combler le déficit de communication de l’État, il est suggéré de mettre au point un plan de communication interne et externe, tandis qu’en réponse à la détérioration du tissu social, il est envisagé la tenue de meetings d’information à Bamako ainsi que dans les régions, en guise de solidarité en faveur des populations blanches sujettes à des stigmatisations depuis le déclenchement de la crise.
Dans la même veine, le Gouvernement, de concert avec la classe politique, devra s’employer à rassurer les hautes personnalités et autres compatriotes réfugiées dans les pays voisins, à dépêcher une délégation à la rencontre des leaders communautaires des trois régions du Nord-Mali et à organiser un conclave avec l’ensemble des élus parlementaires et nationaux du pays.
Quant aux partis politiques, il leur revient, entre autres, de prendre langue avec les leaders religieux, les syndicats, les organisations de la société civile et les chefs de l’ensemble des institutions dela Républiqueen vue de partager le contenu du plan d’action et de s’adhérer leur soutien dans son exécution.
A.Keïta