Face à la crise malienne : Au lieu d’un jeu suicidaire, il faut plutôt des actes concrets

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Les vagues du fleuve Djoliba vont-elles enfin commencer à onduler dans le bon sens ? Autrement dit, l’entente va-t-elle s’établir entre les trois hommes forts du pouvoir, le Président Dioncounda Traoré, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra et le Capitaine Amadou Haya Sanogo ? Les Maliens sauront-ils enfin qui commande réellement dans ce pays ? En tout cas, la dernière sortie télévisée, du chef de l’ex-junte, le Capitaine Sanogo, permet aux citoyens d’en juger.

CMD, Sanogo, Dioncounda

En affirmant qu’il était en phase avec le Président de la Transition, Dioncounda Traoré, le tombeur d’Amadou Toumani Touré semble décidé à mettre un peu d’eau dans son vin. Il apporte ainsi un bémol à sa position radicale traduite par son ex-porte-parole qui s’était montré très intransigeant sur le dossier de l’aide militaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le rectificatif apporté, ou du moins la concession faite (c’est selon) par le Commandant du camp de Kati lui permet de faire d’une pierre deux coups. En recadrant son élément, il tente, d’un côté, de rétablir son autorité apparemment fragilisée au sein de son propre camp, et de l’autre côté, d’envoyer par la même occasion un signal fort à l’endroit du pouvoir politique de Bamako. Le bouillant Capitaine en profite ainsi pour afficher publiquement son intention de revêtir le treillis du soldat loyal et obéissant envers l’autorité politique. C’est dire qu’à priori, on pourrait se méfier d’un retournement de veste aussi soudain et inattendu. Malgré l’appel au secours lancé à la CEDEAO par le Président Dioncounda Traoré pour la libération du Mali des griffes des rebelles du Nord, certaines hautes personnalités ne démordent toujours pas de leur « nationalisme ». Aussi, après analyse de la situation,  on peut qualifier leur comportement de « jeu suicidaire ». L’opinion internationale est en train de se lasser de la crise malienne.
Dernier épisode en date : l’envoi à la CEDEAO d’une requête officielle des autorités de transition pour demander enfin une aide de la Communauté en vue d’une éventuelle résolution militaire de la situation chaotique qui sévit au Nord depuis l’occupation de cette partie du territoire par des groupes terroristes et autres islamistes extrémistes. A peine ce message d’appel au secours (somme toute logique) expédié aux responsables de la CEDEAO, des esprits se sont tout de suite échauffés du côté de Bamako au sein de ce qui se considère encore comme une armée, notamment dans l’enceinte fortifiée du fameux camp de Kati, devenu le fief favori du Capitaine Sanogo et de ses Bérets verts depuis qu’ils ont été fermement priés de se mêler de leurs treillis, pardon, de leurs affaires. Fières de leur souveraineté, l’armée malienne et une partie de l’opinion, qui soutiennent et privilégient la primauté de l’orgueil national, ne souhaitent absolument pas voir l’ombre d’un seul soldat sous-régional fouler et « souiller » le sol malien. Ce que les Maliens veulent et demandent, c’est que la communauté internationale donne des armes à leurs propres soldats, bombarde les positions des rebelles au  Nord et envoie plus tard des bataillons (5 au total) de soldats étrangers pour sécuriser les villes libérées du Nord.
Un nationalisme hypocrite  
Finalement, qui et de qui ces prétendus nationalistes maliens de courte vision croient-ils défier ou se moquer? Voici un pays (bien que certains veuillent le nier) plongé dans une crise sans précédent en termes de menaces sécuritaires et identitaires pour l’ensemble de la sous-région. Voici un pays qui, après des années d’une gouvernance plutôt titubante, se trouve aujourd’hui au bord du précipice en tant qu’Etat, mais qui se targue de narguer, sinon de mépriser l’aide de la communauté internationale. Supposons un seul instant que, lassés par les tergiversations des autorités officielles (et officieuses) de Bamako et les atermoiements agaçants d’une certaine frange instrumentalisée de l’opinion publique, les pays membres de la CEDEAO se détournent du problème cas malien, et avec eux, sans doute l’ensemble de la communauté internationale. Certes, on dira que ceci n’est qu’une vue de l’esprit et que les menaces et les conséquences prévisionnelles d’une déliquescence, d’un effondrement ou d’une « somalisation » de l’Etat malien sont telles pour la sous-région que personne n’osera tenter le pari d’abandonner Bamako à une invasion terroriste si rien n’est fait pour sauver le Nord-Mali.
Il ne faut pas jouer avec le feu
Les Maliens, militaires en tête, doivent retrouver eux-mêmes le Nord et comprendre une fois pour toutes que depuis la fulgurante occupation de villes du Nord par les bandits rebelles, les populations du septentrion  sont dès lors réduits au silence et ne sont plus en position de dicter quoi que ce soit. C’est à  ce prix qu’ils seront sauvés des châtiments de la « charia » dont les initiateurs et autres terroristes se rapprochent chaque jour un peu plus de la capitale. Même s’il est coutumier du fait, la réaction courroucée du Président béninois et non moins président de l’Union africaine, Thomas Boni Yayi, face aux prises de position de l’ex-junte malienne face à la requête de Dioncounda Traoré à la CEDEAO, devrait être prise en considération par le Capitaine Sanogo et les siens. Mais à trop jouer avec le feu, on finit un jour par se brûler les doigts, dit-on. La crise malienne n’a que trop duré, elle se complique même davantage. Pour la contre-offensive au Nord, chaque jour qui passe est un jour de perdu en conjectures et tribulations aussi puériles que nihilistes. Et pendant ce temps, ces « enfants de chœur » d’Ansar-Dine,  du  MUJAO d’AQMI (entre autres) en profitent pour consolider leurs positions et se préparer à contrecarrer toute tentative de reconquête du Nord par le pouvoir central, une tentative qui risque de tourner au carnage, sinon à un cuisant échec…programmé, pourrait-on dire. L’armée malienne d’aujourd’hui, qui est composée d’une bonne partie de militaires politiciens et  de soldats démotivés, peut-elle vraiment affronter ces rebelles armés ? C’est la question que beaucoup de Maliens se posent de nos jours. Mais personne ne peut être sauvé contre sa propre volonté. Les citoyens maliens doivent donc savoir raison garder concernant la seule et juste problématique posée par la crise malienne : la survie.
Que mijotent les ex-putschistes en acceptant, de manière inattendue, l’envoi de troupes étrangères sur le sol malien ? Cette question est d’autant plus pertinente qu’une nuance subsiste entre les deux conceptions du déploiement des cinq bataillons de la CEDEAO demandé par les autorités maliennes. Selon la lettre la transmise que le Chef d’Etat malien au Président en exercice de l’institution sous-régionale, ces forces sont censées entrer automatiquement en action pour sécuriser le pays au fur et à mesure que l’armée malienne chassera les rebelles. Leur mission consistera donc à sécuriser les territoires reconquis et y assurer l’ordre et la quiétude. Cependant, de l’avis du Capitaine Sanogo, « les militaires africains  (les forces de la CEDEAO) ne viendront en renfort que lorsque l’armée malienne en sentira le besoin ». Bien que négligeable en apparence, cette légère nuance dans les propos du Capitaine doit être dès à présent éclaircie afin d’éviter qu’elle n’entrave la mise en œuvre de l’aide étrangère ou ne bloque le processus, surtout à une étape cruciale de sa marche. En effet, la moindre ambiguïté à, ce sujet pourrait être par la suite exploitée par certains militaires pour servir des desseins inavouables, tout comme ce fut le cas avec le fameux Accord-cadre. Par ailleurs, l’intervention publique d’un militaire s’adressant à toute la Nation (à la télévision, sur les ondes et sur d’autres antennes, même étrangères !) a de quoi intriguer et inquiéter. D’où la question que se posent bien des citoyens : de quel titre et de quelle qualité se prévaut le Capitaine Sanogo pour se permettre de parler au nom de tout le peuple malien, surtout après que le premier des Maliens ait clairement expliqué  la position du Mali sur le sujet ? Se sent-il redevable envers le Président Dioncounda (parce que ce dernier avait renoncé à se venger de ses agresseurs) au point de lui témoigner sa reconnaissance en appuyant sa demande de troupes armées au risque de faire des mécontents au sein de ses propres troupes ? Dans tous les cas, Dioncounda Traoré doit savoir rester vigilant pour éviter que la déclaration télévisée du Capitaine ne soit qu’un repli tactique du genre « reculer pour mieux sauter et …mordre ».
Le baiser     administré par le Capitaine à Dioncounda après sa descente d’avion à l’aéroport Bamako-Sénou (de retour de Paris après sa guérison) serait-il un baiser de Judas pour ensuite profiter d’une divergence de vues pour tenter un nouveau coup de force avec ses hommes ? En tout cas, c’est une question que s’étaient posée beaucoup de ceux qui avaient assisté à la scène à l’Aéroport. Cette déclaration du Capitaine consiste peut-être à signifier aux Maliens qu’il partage le pouvoir avec les autres, c’est-à-dire le Chef de l’Etat et le Premier ministre. C’est dire qu’en réalité, les gages de respect des principes de la République qu’il feint de donner ne lui seraient pas plus contraignants qu’une profession de foi religieuse. En fait, s’il voulait  réellement prouver sa considération envers les institutions et le Chef de l’Etat, il se serait alors abstenu de tenter de faire le travail de ce dernier à sa place en se livrant à des déclarations de portée nationale (télés et radios) et internationale (RFI). Cependant, s’il s’avérait que le Président de la transition, que l’ex-chef de l’ex-junte semble désormais admirer tout en saluant « sa largesse d’esprit, sa considération et son sens élevé du patriotisme », a réussi à rallier son désormais admirateur à sa cause, ce serait tant mieux pour la résolution de la crise malienne. C’est d’ailleurs tout le mal qu’on peut souhaiter aux populations du Nord-Mali. Et on ne le dira jamais assez tant cela coule d’ailleurs de source : seule une intervention militaire bien pensée et bien organisée pourra mettre fin à la crise malienne. Les déclarations de bonne volonté, de bonne foi ou de mauvaise intention, destinées à condamner ou à soutenir l’une ou l’autre option n’y pourront absolument rien. Que les pouvoirs politique et militaire de Bamako en prennent enfin conscience et aux mots sans effet, préfèrent des actes concrets qui iront dans le sens du déguerpissement, sinon du délogement sans retour des bandits armés du Nord.
Jean Pierre James

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1 commentaire

  1. Mr James pourquoi essayer vous de mettre toujours le feu a la poudre. Je vous en prie de grace n’envenimons pas la situation plutôt il faut prier pour le pays. N’oubliez pas que le capitaine est aussi un enfant de ce pays et que c’est Bassolé même dans sa declaration dit ces trois personnalités doivent gérés ensemble le pays de manière concerté. Alors il faut plutôt s’enpprendre à cet accord cadre et non au capitaine. Tous ceux que le Mali vit aujourd’hui c’est à cause de la naiveté de nous peuple du Mali puisque nous croisé les bras devant la plus mauvaise gestion d’un état que le monde n’a jamais connu par un president que je ne saurai qualifier par mes mots.

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