Si une tare a ébranlé le régime du président Ibrahim Boubacar Kéïta, pourtant élu avec plus de 77 % des votes lors de la présidentielle de 2013, c’est le manque de solidarité entre Rpmistes d’une part et d’autre part entre les partis politiques de la majorité présidentielle.
Dès les premières heures de l’avènement d’IBK, les signes du déficit de solidarité entre ses partisans étaient perceptibles, caractérisés par la forte polarisation des Rpmistes entre le clan dit de la première Dame et celui de Dr. Bocari Tréta (c’est-à-dire les militants et sympathisants de la première heure du parti du Tisserand) alors secrétaire général de l’ancien parti présidentiel, le Rassemblement pour le Mali (RPM).
Les principaux soutiens du président nouvellement élu se sont dès l’entame livrés à une véritable guerre fratricide. Toutes les actions d’un clan contribuaient à anéantir l’autre et vice-versa.
Cette situation a davantage affaibli le président qui venait de se voir confier la gestion du bateau Mali secoué une crise multidimensionnelle. Au lieu de travailler en synergie, les ministres issus des clans ont travaillé à affaiblir leurs vis-à-vis afin de mieux positionner leurs camps antagonistes dans les sphères de la gestion du pouvoir.
La nomination de cinq Premiers ministres au cours du quinquennat 2013-2018, soit en moyenne un chef de gouvernement par an, est une illustration parfaite du manque de solidarité tant décrié et du malaise qui ont symbolisé la marche laborieuse du régime IBK.
Si les Rpmistes bon teint, comme ils aiment se faire appeler, pensaient que la Primature leur revenaient de droit parce qu’en ayant une majorité confortable à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives de 2013, les autres militants du parti estimaient que l’élection d’IBK surtout dans un contexte de crise était bel et bien l’œuvre de tous, ajoutant qu’à ce titre, tous les soutiens devaient jouer leur partition dans la gestion du pouvoir.
Crocs-en-jambe tous azimuts
C’est un secret de polichinelle que les différentes formations politiques se réclamant de la majorité présidentielle se regardaient en chiens de faïence. Et chacun agissait en solo et travaillait à affaiblir l’autre au nom de ka guerre de positionnement. Cette adversité avait atteint un tel niveau qu’un parti politique de la majorité n’hésitait pas à débaucher des élus (députés et conseillers communaux) d’un autre parti de la même majorité.
Ironie du sort ou comble de l’insouciance, cette transhumance était brandie comme un trophée de guerre dans un battage médiatique hors du commun. Tout cela, dans l’unique but de nuire à l’autre, pourtant membre de la même majorité. Cette pratique a également contribué à affaiblir le président IBK au point que ses soutiens étaient absents de tous les débats télévisés et radiodiffusés. Les fauteuils réservés aux cadres de la majorité étaient presque toujours vides parce que personne ne voulait mouiller le maillot pour l’autre.
La nature ayant horreur du vide, la combinaison de ces deux facteurs a engendré une autre situation plus fatale pour le régime, notamment l’incursion de la famille présidentielle dans la gestion des affaires publiques. En effet, à tort ou à raison, celle-ci a favorisé plusieurs dérives dans la gouvernance caractérisées par les scandales à répétition. Toutes choses qui ont poussé les Maliens à douter réellement de la capacité du président IBK à gérer les affaires publiques du Mali, un pays confronté à plusieurs défis avec en toile de fond une crise sécuritaire sans précédent.
A l’issue de sept pénibles années de tergiversations, le manque de solidarité au sein de la majorité présidentielle a fini par venir à bout du régime IBK qui s’est écroulé comme un château de cartes mettant ainsi fin au mythe créé autour d’IBK.
Boubacar Païtao
Quid de la solidarité gouvernementale ?
Comme si les tirages de maillots entre partisans, l’invasion de la sphère publique par la famille du président… ne suffisaient pas, des membres du gouvernement ont aussi contribué à scier la branche sur laquelle était assis le régime IBK par le manque de solidarité entre eux. L’illustration la plus tragique de ce manque de cohésion se voyait dans la presse et sur les réseaux sociaux. Dans leurs éditoriaux, articles de presse ou post sur Facebook, WhatsApp, Instagram, des journalistes, bloggeurs et leaders d’opinion ont mis un point d’honneur à saborder l’harmonie indispensable entre membres d’une même équipe, prenant fait et cause pour un ministre au détriment de l’autre. A leur corps défendant, des membres du gouvernement entretenaient à coup de millions de FCFA cette race d’hommes, mus par l’appât du gain facile. Ainsi, pendant que le président de la République était voué aux gémonies, accusé de tous les péchés d’Israël, le chef du gouvernement et des ministres se voyaient-ils encensés et portés aux nues dans le même journal, publié le même jour. Prenant peut-être leurs lecteurs pour des enfants de chœur prêts à tout gober sans discernement, ces hommes de médias feignaient d’oublier la maxime “qui s’assemble se ressemble”. Nul n’est dupe. La meute a été en effet dressée pour jeter en pâture l’honneur, la dignité et l’abnégation des gens au travail dès qu’un intérêt particulier est menacé. Sinon comment comprendre qu’un président de la République qualifié de paresseux, dépensier et insouciant puisse avoir un Premier ministre et des ministres au-dessus de tout soupçon ? Or, à s’en tenir aux dires de certains de nos médias et bloggeurs, la plupart des collaborateurs du président décrié étaient cleans, des hommes droits dans leurs bottes.
Un ministre a particulièrement souffert de cette pratique pour plaire au boss, se maintenir ou simplement par méchanceté. Thierno Amadou Oumar Hass Diallo, chef du département des Affaires religieuses et du Culte, a été en effet victime de plusieurs dénonciations calomnieuses, venues de toutes parts. Alors qu’il avait le plus petit budget du gouvernement, il n’en a pas été le moins contrôlé, souvent à l’instigation de gens insoupçonnés.Toutes les structures de contrôles ont été orientées au même moment sur ce département, heureusement, pour le ministre, ils n’ont décelé rien de bien grave.
Et l’aspect du pélerinage à la Mecque a pour seul objectif la bonne organisation et surtout la satisfaction du pélerin pour son meilleur accomplissement. Et de 2013 à nos jours, tous les pélerins de la filière gouvernementale ont effectué le Hadj. Aucun pélerin n’a jamais été bloqué à Bamako pour la faute du département.
Il était écrit que la fin de règne peu glorieuse du président Ibrahim Boubacar Kéïta allait découler de son incapacité à réunir autour de lui des hommes et femmes solidaires, combattifs, cohérents et résilients en vue de la réalisation de sa vision pour le Mali. Hélas !
La Rédaction