Au fur et à mesure que l’échéance approche, les Maliens ne sont pas davantage éclairés sur celui qui présidera à leurs destinées à la suite de l’actuel Président Amadou Toumani Touré. Même ceux qui s’étaient vite laissé aller aux évidences sont de plus en plus confus. Aujourd’hui, tous les braqueurs sont pointés sur 2012. La feuille de match n’est pas encore déroulée, mais ça remue fort dans les écuries. Le champ de course se dégage peu à peu à mesure que les cavaliers se dévoilent. Et c’est moins le chiffre du dossard que le nombre de prétendants qui intéresse les citoyens, désormais coutumiers de la ridicule pléthore de candidatures. Les prédicateurs d’une reprise des mannettes du pouvoir par l’ADEMA se laissent peu à peu gagner par le scepticisme. Il faut dire que depuis que Alpha Omar Konaré a passé le témoin à ATT, la grande ADEMA/PASJ s’est laissée dompter.
En une décennie de « collaboration » où elle n’est plus seule à la direction, la formation a sérieusement pris du plomb dans l’aile. Elle est loin, cette période où la Ruche faisait la pluie et le beau temps et écrasait tout sur son passage. Beaucoup de formations ont eu le temps, l’opportunité et parfois l’opportunisme de pousser des ailes. Aujourd’hui, certaines d’entre elles promettent de voler plus haut et d’offrir aux Maliens mieux que le miel des abeilles. Pourtant, il n’y a pas longtemps, des voix très autorisées de la Ruche avaient autorisé l’espoir de voir les abeilles revenir au pouvoir. « L’ADEMA doit se préparer à revenir au pouvoir en 2012», avait dit Ali Nouhoum Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale et 10è vice- président dans le bureau actuel du parti, lors d’une conférence de presse le 9 janvier 2010. Pourtant, c’est aussi de ce côté que les choses tardent à se dessiner. Les multiples dates retenues pour 2011, dont les plus symboliques, 26 mars (date anniversaire de la révolution démocratique) et 25 mai (date anniversaire de la création du parti) n’ont pu aboutir au choix d’un candidat consensuel. Un mutisme qui risque de lui coûter cher et de voir son aura se briser définitivement au profit d’autres formations. Mais certains préfèrent y voir le signe d’une vitalité du parti. En suivant la logique, cela voudrait dire que l’ADEMA est un bel exemple de démocratie interne où rien n’est joué d’avance et que chaque militant est soumis à la même règle de travail, de légitimité et de représentativité. Pour Ali Nouhoum Diallo, « Cela veut dire que tout militant du parti peut être candidat ». Comme dans les grandes démocraties.
Dans les autres formations, (RPM, URD, CNID, SADI, PARENA et autres pointures), l’on ne s’interroge pas beaucoup. Parce que le candidat est presque toujours celui à qui tout le monde pense. Il s’agit généralement du président du parti (de toujours ?). Certes, le concept de « candidat naturel » qui est encore de rigueur au sein de ces formations est considéré par nombre de nos citoyens comme l’un des défis majeurs pour parfaire notre démocratie. Mais il a au moins le mérite d’édifier à temps l’opinion sur l’identité de certains de nos candidats même encore non déclarés. Il est de notoriété qu’en Afrique, un parti qui reste à la touche pendant plusieurs mandats revient difficilement à la direction des affaires de l’Etat. Mais l’ADEMA, c’est aussi un parti qui n’aime pas le rôle de l’opposition. A défaut de tenir le gouvernail, elle s’arrange toujours à être dans l’équipage. C’est cette posture- là qu’elle adopte aujourd’hui avec ATT, Président indépendant.
Querelles de clocher
Pour l’échéance de 2012 aussi, beaucoup jurent que l’ADEMA a déjà élaboré sa formule. Soit elle la remporte, soit elle se range du côté du futur vainqueur. Pour l’heure, c’est la grande agitation dans la maison.
Les militants scrutent l’horizon 2012 avec appréhension. Des querelles de clocher, il ne résulte que du miel amer pour eux. Plusieurs individualités cherchent à se positionner et chacune d’elles travaille à neutraliser les autres à son profit. Face à cette difficulté, d’aucuns avaient envisagé une solution : trouver un homme de consensus. D’où la thèse de la candidature de Modibo Sidibé, le Premier ministre démissionnaire le mercredi 30 mars dernier. Une éventualité que l’actuel président du parti et de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, et ses partisans avaient vigoureusement rejetée. Il faut dire que, du haut de son perchoir, le chef du Parlement malien ne rêve de la couronne présidentielle que pour lui. L’on comprend donc pourquoi il éprouve une aversion à la venue de Modibo qui pourrait lui faire ombrage. Lors d’une autre conférence de presse, le 13 novembre 2010, le président du parti, Dioncounda Traoré, avait expliqué que Modibo Sidibé n’était pas un militant du parti et que « le candidat de l’Adema sera issu du parti et non pas d’ailleurs ». C’est dire qu’un passage en force de Modibo ne peut pas se faire avec une ADEMA unie. Faut-il alors prévoir une autre fissure dans la Ruche qui offrirait une porte d’entrée à l’ex- Premier ministre dans la famille des abeilles ou devra t-il se faire introniser dans un autre parti (déjà créé ou en voie de création)? A cela, le « commando invisible » acquis à sa cause travaille sans relâche. Et la candidature de Modibo Sidibé semble se dessiner de plus en plus. Sa démission le mercredi 30 marsl dernier, certes, ne confirme pas encore cette thèse, mais conforte dans leur position, ceux qui professent sa venue depuis de nombreuses lunes. Par ailleurs, des propos en privé laissent entendre que ATT a le souci de céder le fauteuil à un rassembleur qui devrait, pour ce faire, s’élever au dessus des considérations partisanes. Encore une fois, dans cette configuration pour le moins sombre, certains y voient la silhouette de Modibo. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les Maliens sont partis pour encore un an de spéculations et de retournements de situations. Si tout ce se passait comme ce devrait l’être, on aurait pu s’en tenir à ces mots : « C’est au peuple de choisir ». Seulement, voilà ! Vu le désintérêt des Maliens vis-à-vis des élections et l’analphabétisme qui ne permet pas une bonne lecture du jeu politique à la majorité électrice, il est fort à parier que l’essentiel va se jouer dans les grands salons feutrés. Il faut dire que les Maliens sont profondément déçus par la morgue et l’ingratitude de leurs dirigeants qu’ils placent aux affaires et qui finissent par les narguer. Le taux de participation s’effrite à mesure que la confiance vis-à-vis des politiques s’effiloche. Le népotisme, la délinquance financière et la défense des intérêts égoïstes deviennent le sport favori de nos dirigeants. Et tout cela est orchestré dans la plus grande impunité. L’appartenance à la haute sphère politique se transforme, pour certains, en véritable certificat de complaisance.
L’après ATT se prépare donc activement mais la mission n’est pas encore terminée pour l’actuel Président qui a encore plus d’un an pour veiller aux intérêts de ses concitoyens. Un an de reste d’un règne qui peut paraître long, très long même si l’homme de « suudu baaba »se met déjà à dormir sur ses lauriers. L’on peut déjà imaginer qu’il veuille laisser certains grands dossiers (l’école malienne, la corruption, le chômage…) à son successeur. Mais il y a des préoccupations à gérer au quotidien, jusqu’au bout de ce mandat finissant. Il faut dire que par ces temps de crises tous azimuts qui tiraillent les Maliens, il est plus prudent de penser à souder le thermomètre social dont l’étanchéité ne cesse d’être menacée depuis quelques années par des crises récurrentes (la vie chère, les crises ivoiriennes et libyennes…). Des crises qui, il faut le rappeler se sont succédées sous la manœuvre d’un Modibo Sidibé, Premier ministre. En attendant donc ce jour, le citoyen lambda se réveillera chaque matin avec la même hantise : comment joindre les deux bouts, parfois, ma foi, très éloignés l’un de l’autre.
Idriss Dior