Le Conseil des ministres de ce mercredi 26 février 2014 a en effet décidé de proroger les mandats des élus communaux pour six mois. Ainsi donc, les élections municipales qui devaient avoir lieu en avril prochain, les mandats des élus locaux prenant fin en main 2014, ne se tiendront qu’en octobre prochain. Comme principaux motifs invoqués par le gouvernement pour justifier ce report, on peut retenir notamment le retour des réfugiés et des déplacés du Nord, la mise en œuvre d’un certain nombre de recommandations des états généraux sur la décentralisation et l’aboutissement du processus de réconciliation nationale. Il faut dire que cette question qui avait jusque là opposé le ministre de l’Administration territoriale et celui délégué, chargé de la Décentralisation connait à présent son épilogue.
Si au ministère de l’Administration Territoriale, département en charge de l’organisation des élections, personne ne se risquait jusque là de manière ouverte à pronostiquer une telle issue, en revanche, la question était presque quotidiennement évoquée dans les Etats – major des partis politiques où l’on ne faisait plus mystère du souhait de voir la tenue des communales repoussée à une échéance ultérieure. La presse, elle, en faisait son chou gras depuis quelques jours. Eh bien, la question est désormais tranchée, car le Gouvernement, réuni en Conseil des ministres, ce mercredi 26 février, a décidé de reporter les élections municipales en octobre 2014. Ainsi donc, les élus communaux ont vu leurs mandats, qui prennent fin en mai 2014, prorogés de six mois.
Les motifs invoqués sur le plan officiel tiennent pour l’essentiel au retour des réfugiés et déplacés du Nord, la mise en œuvre des certaines de recommandations des états généraux sur la décentralisation ainsi que l’aboutissement total du processus de réconciliation nationale, à en croire le ministre général Moussa Sinko Coulibaly que nous avons rencontré juste après le Conseil des ministres d’hier. Autant dire que le ministre délégué chargé de la Décentralisation, Malick Alhousseyni, vient de remporter le duel qui l’opposait jusque là au Général Moussa Sinko Coulibaly, ministre de l’Administration territorial. Le premier, qui nous a remis un certain nombre de documents pour appuyer sa position, souhaitait que la mise en œuvre des recommandations des états généraux sur la décentralisation soit un préalable aux élections. De ce fait il voulait voir les élections communales se tenir à une date un peu plus éloignée. Pour le second, le maintien du mois d’avril prochain comme date de la tenue des municipales était presqu’une question d’honneur. Car, le Général-ministre entendait, dit-on, terminer en beauté un processus qu’il conduit de manière salutaire depuis la dernière présidentielle. Le Général Coulibaly ne peut donc aller au-delà de la solidarité gouvernementale, comme il l’a reconnu lui-même au cours de notre entretien.
Mais, nous a précisé le ministre Moussa Sinko, il ne s’agira pas de mettre en place de délégations spéciales car nous ne sommes pas encore dans le schéma des exceptions. La loi, a-t-il rappelé, permet au Gouvernement de prorogéer les mandats des élus municipaux si la situation l’exige. C’est ainsi dire que les plus de 700 conseils communaux seront donc maintenus en l’état sur toute l’étendue du territoire nationale, jusqu’à leur renouvellement en octobre 2014.
Pourquoi un report de ces élections alors que le mois d’avril semblait être le dernier créneau possible avant l’expiration, dans la quasi – totalité du pays, des mandats des exécutifs communaux mis en place à l’issue des communales de 2009 ?
Officieusement, un certain nombre de préoccupations sont mises en avant pour justifier ce report. La première tient, faut- il s’en étonner, à l’épuisement des ressources financières de la plupart des partis politiques. La plupart des responsables des partis potentiellement en lice pour le scrutin communal ne cachent pas en effet les difficultés qu’ils auraient à prendre en charge les coûts d’une nouvelle campagne électorale, quelques semaines à peine après la tenue des législatives.
Pour les « grands partis » qui ont quasiment tous participé à l’élection présidentielle, en sus des législatives, la situation paraît encore plus dramatique. RPM, Adema, URD et dans une moindre mesure Sadi et Codem, tous semblent logés à la même enseigne, celle de la crise financière.
Aller à des élections dans de telles conditions, soutiennent plusieurs dirigeants de partis, qui ont requis l’anonymat, reviendrait à créer de graves problèmes entre les directions nationales et les bases partisanes. En effet, les secondes pourraient difficilement admettre que les appuis financiers habituels fournis par les Etat – major ne tombent pas dans leurs escarcelles pour les communales.
En écho à la complainte des partis, la situation financière d’ensemble du pays semble avoir dicté le report. D’ailleurs, de nombreux bailleurs de fonds considèrent que la tenue des élections communales ne constitue pas une priorité, le retour à l’ordre constitutionnel voulu pour le Mali par la communauté internationale ayant été déjà réalisé avec la tenue de l’élection présidentielle et des législatives.
A côté des questions de sous qui sont, ne l’oublions pas, aussi le nerf de la guerre en ce qui concerne les élections, la deuxième préoccupation exprimée pour justifier le report des communales a trait au risque d’enregistrement de taux de participation encore plus faible qu’aux élections législatives. Ce souci semble partagé par nombre d’acteurs, y compris au sein du Ministère en charge de l’organisation des élections. L’on craint en effet que la succession des scrutins ne crée les conditions d’une grande lassitude des électeurs qui prendraient le parti de vaquer à leurs occupations en boudant massivement les urnes.
La dernière raison majeure de la réticence des partis politiques maliens à aborder, la fleur au fusil, les élections communales à l’échéance d’avril 2014 est d’ordre tactique sinon conjoncturel. Ils veulent prendre le temps de réfléchir aux attitudes possibles à prendre face à une récente modification de la loi électorale, qui permet à la liste arrivée en tête aux communales de désigner le maire de la Commune. Encore secoués par la déferlante RPM qui s’est exprimée lors des législatives, les partis ne veulent pas aller à l’abattoir et veulent se donner le temps de la préparation.
Quel accueil que le Président de la République, dernier recours en la matière, fera à ce report des communales ? On peut difficilement envisager qu’il reste insensible à une telle démarche, notamment aux arguments budgétaires qui la sous – tendent en partie.
Le Président sait en effet que les élections communales couteront très cher, sinon bien plus cher que les élections législatives. Elles exigeront que des milliers de documents électoraux soient à nouveau imprimés, qu’autant d’agents électoraux soient mobilisés, et qu’une logistique aussi lourde que couteuse soit à nouveau mise en place pour leur réussite. Différer un tel scrutin, en ces temps où l’activité économique peine à reprendre et où les recettes du Trésor ne sont pas à leur meilleur niveau, n’a rien de scandaleux. Toutefois, une telle décision exige une étude préalable minutieuse. Mais, il faut dire la nouvelle date de la tenue du scrutin n’a pas tenu compte de certains paramètres car, les élections auront lieu en pleine saison de travaux agricoles, ce qui pourrait jouer défavorablement sur la participation électorale.
Bakary SOGODOGO
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