Sept. C’est le nombre de députés que la circonscription de Ségou envoie à l’Assemblée nationale et la bataille partis pour s’approprier de ce pactole s’annonce indécise entre les partis et les alliances de partis. Sept listes sont en compétition pour enlever les suffrages des 325 475 électeurs dont on espère qu’une forte majorité se rendra dimanche prochain dans les 991 bureaux créés. Si on voulait sommairement présenter les forces en présence, l’on dirait que dans la capitale des Balanzans, un duel particulier met en opposition d’une part, les tenants de la continuité qui s’appuient sur leur expérience et sur leur bilan ; et d’autre part, les partisans du changement qui jugent indispensable un renouvellement de la représentation ségovienne. Mais ce face-à-face est brouillé par la présence d’un candidat dont le profil est des plus particulier, car cette personnalité – Abdoul Galil Mansour Haïdara – est proche du monde de la foi.
Presque toutes les grandes formations ont choisi d’aller en coalition. Le RPM, le MIRIA et FARE ANKA WULI ont conclu alliance. Le CNID-FYT de Me Tall fait combat commun avec l’ADEMA, le RPDM et le mouvement Sabati. Le MODEC, le CAP et SADI ont uni leurs forces pour créer la liste « Segou Kanu ». L’UDD, SIRA et le PARENA composent une autre liste, celle dénommée « Espoir 2013 Ségou ». Enfin, l’URD, le PDES, la CODEM, le MPR et le PIDS se sont donné la main pour emporter ce scrutin. Seul l’ASMA-CFP a composé une liste propre qui côtoie une liste indépendante.
À Ségou, l’on ne peut pas dire que la campagne électorale soit particulièrement animée. C’est surtout en passant devant les affiches géantes implantées aux abords du rond-point central que l’on prend conscience que les habitants de la Cité des Balanzans se préparent à passer bientôt aux urnes. Là, les représentations de certains candidats se détachent nettement. C’est le cas du leader du CNID-FYT Me Tall et de Abdoul Galil Mansour Haïdara de la liste du groupement RPM, MIRIA, FARE ANKA WULI. Certains vous diront que ces affiches annoncent pratiquement ceux qui se retrouveront au second tour. Cette projection nous paraît prématurée. Car l’affichage à lui seul, tout spectaculaire qu’il soit à travers la ville, ne garantit pas un succès. Les compétiteurs l’ont d’ailleurs compris, eux qui ont quasi unanimement choisi le même mode opératoire : une campagne de proximité qui favorise le porte à porte et la visite de courtoisie aux principaux leaders d’opinion.
UN ANCRAGE SOCIAL ÉVIDENT. Me Mountaga Tall est député sortant. Il conduit la liste du groupement ADEMA-PASJ/CNID-FYT/RPDM. Élu en 1992, réélu en 2002 et en 2007, Me Tall est candidat, parce que de son point de vue, « un homme politique doit avant tout avoir un ancrage social sur lequel repose tout destin national ». Au-delà de cette raison qui a présidé à tous ses engagements, 2013 représente pour lui une spécificité. « Nous sortons d’une crise majeure. Chaque acteur politique, chaque citoyen doit évaluer ce qui s’est passé », explique-t-il. L’enjeu principal de ces consultations est donc de tourner la page de ce qui s’est passé et de faire en sorte que nous ne connaissons plus jamais cela, soutient le président du CNID-FYT. Me Tall explique que son parti et ses alliés ont voulu une liste représentative. Cette liste a un bilan à défendre et dispose d’un ancrage social évident. Elle se signale aussi par la diversité de ses représentants, diversité qui souligne toutes les nuances géographiques et culturelles de Ségou. Sur le terrain, la liste fait reposer sa campagne sur la multiplication des contacts sur le terrain. Au moment où nous le quittions, Me Tall et ses colistiers se préparaient à faire le tour de la ville avec au programme les visites à rendre à une centaine de familles.
Cette démarche de proximité est aussi le choix fait par les tenants de la liste du groupement URD/PDES/CODEM,MPR, PIDS. Madani Traoré, Secrétaire aux élections de l’URD, candidat sur cette liste explique que pour lui et son parti, il s’agit avant tout d’œuvrer à la consolidation du processus démocratique. Leur liste comporte des candidats venus de Ségou, de Sansanding, de Dioro et de Sébougou. Madani Traoré pense que cette liste est apte à parler au nom des populations de Ségou au sein de la représentation nationale et qu’elle fera prévaloir son ambition d’être une force de proposition. Analysant le déroulement de la campagne à Ségou, Madani Traoré dit y avoir perçu un rejet de l’achat des consciences et à un certain éveil, voire un éveil certain des consciences. À maintes reprises il a discuté avec des gens qui cherchaient à comprendre et qui n’étaient pas prêts à voter pour un T-shirt ou du thé. De nombreux électeurs se soucient aussi de voter pour des personnes accessibles qui, quand elles seront élues, pourront être interpellées sur tous les sujets. D’où la promesse de la liste d’ouvrir un bureau parlementaire dans chaque commune au lendemain du scrutin, pour continuer à enregistrer les préoccupations des citoyens.
Le colistier de Madani Traoré, Soumaïla Thiéro, met lui aussi en avant cette volonté de changement qu’il a perçue chez les populations de Ségou. Il estime que les députés devraient d’une façon ou d’une autre s’impliquer dans le développement de leur circonscription. Et il rappelle que Ségou connaît des difficultés dans les domaines de l’école, de l’assainissement et de l’emploi des jeunes. Il compte sur la vigilance des populations pour ne pas se laisser gagner par l’achat des consciences.
UNE ÉLECTION SINGULIÈRE. Adama Traoré est un jeune opérateur économique qui tente une entrée en politique. Il est candidat sur la liste Segou Kanu du groupement MODEC/CAP/SADI. Se référant à son expérience personnelle, Traoré estime son élection à l’Assemblée nationale va lui permettre d’être plus efficace dans son action au sein de la collectivité. Pour lui, l’heure du renouvellement de la classe politique a sonné et les jeunes ont le devoir d’investir l’arène politique. Cela ne fait aucun doute, assure-t-il, que ses colistiers et lui feraient des députés proches du peuple. Eux aussi s’engagent à ouvrir des bureaux parlementaires dans toutes les communes et à travailler efficacement contre le chômage des jeunes. Sur cette liste figure un nom qui ne passe pas inaperçu. Mme Yu Hong Wei dite Astan Coulibaly est , comme son nom premier l’indique, une Chinoise d’origine, aujourd’hui naturalisée Malienne, qui vit et travaille à Ségou depuis une trentaine d’années.
Dans la capitale de la 4ème Région, un candidat fait une entrée très remarquée en politique et s’attire de nombreux commentaires. Il s’agit de Abdoul Galil Mansour Haïdara. Ce fils d’un dignitaire religieux respecté de la Cité des balanzans a fait irruption avec fracas sur la scène publique locale. Ses affiches sont plus visibles et bien plus nombreuses que celles de la plupart des autres candidats. Ses relais sont aussi plus nombreux. Son attitude ne laisse personne indifférent. Certains approuvent, d’autres sont plus réservés. Dans de nombreux milieux, les conversations tournent autour de ses actions. On parle des forages qu’il a fait réaliser ici ou là, des mosquées qu’il a équipées ou des autres actions à caractère social qu’on met à son compte. D’autres voix plus discrètes rappellent que c’est seulement maintenant, c’est-à-dire après avoir affiché ses ambitions politiques qu’Abdoul Galil Mansour Haïdara initie de telles actions.
Ségou vit une élection singulière. Les grandes figures politiques locales qui jusque là occupaient l’avant-scène ne sont plus assurées de jouer les premiers rôles dans les années à venir. La fougue des jeunes challengers ainsi que l’émergence de personnalités proches des milieux religieux et qui jusque-là s’étaient tenus à l’écart de la politique sont autant de données inédites qui vont laisser leur empreinte, quelle que soit l’issue de la bataille électorale.
Pendant que les états-majors des différentes formations peaufinent leurs ultimes assauts, les préparatifs vont bon train du coté de l’Administration. Le préfet Alassane Diallo est en train de mettre la dernière main sur les préparatifs des opérations de vote. L’essentiel du matériel est en place et les formations des agents électoraux étaient sur le point de s’achever lorsque nous avions rencontré le chef de l’administration du cercle. Ce dernier se disait satisfait de ce qui avait été fait tout en se montrant un peu soucieux du retard pris dans l’acheminement du « nerf de la guerre ». La disponibilité des fonds évite en effet que ne surgissent des désagréments de dernière minute.
A. LAM