Le 26 mars 1991 reste une date mémorable pour l’ensemble des Maliens, mais singulièrement pour ceux qui se sont battus pour l’avènement de la démocratie et du multipartisme intégral. Il marque la fin du régime dictatorial de Moussa Traoré qui a régné de 1968 à Mars 1991. C’est l’instauration de la liberté d’expression, du multipartisme intégral… De cette époque à nos jours, les partis politiques ont poussé comme des champignons. Entre autres l’Adema –Pasj, le Cnid Faso Yiriwa Ton, l’Us-Rda, le Parti malien pour la révolution et la démocratie, le Parti malien pour le travail, l’Union pour la démocratie et le développement (Udd), le Psp…
L’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema) est créée en tant qu’association. Elle regroupe des opposants à la dictature de Moussa Traoré. Feu Abdrahamane Baba Touré en est son président. Après la chute du régime de Moussa Traoré, l’Adema se transforme en parti politique et prend le nom Adema-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-Pasj). Il est créé sous le récépissé n°516/MATS-DNAT et délivré le 06/06/1991.
L’exercice du pouvoir:
L’Adema-Pasj se fixe deux objectifs principaux: Edifier par l’exercice démocratique du pouvoir un Mali indépendant et prospère ; Instaurer un Etat de droit, une société de liberté, de justice sociale et de progrès dans laquelle chaque citoyen bénéficiera de l’égalité des chances et de sécurité nationale. Les premières élections démocratiques ont lieu en 1992, présidentielle et législatives. L’Adema sort comme la première formation politique. En février et mars 1992 les élections législatives se tiennent. Le parti remporte 76 sièges sur 116 postes à pourvoir et se classe comme le parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Le 2ème tour de l’élection présidentielle met aux prises les candidats de l’Adema et du Bdia Faso Djigui, respectivement Alpha Oumar Konaré et feu Tièoulé Mamadou Konaté. Les résultats sont sans équivoque: Alpha Oumar Konaré arrivé largement en tète avec plus de 65% des voix est élu comme premier président démocratiquement élu du Mali, à l’issue du scrutin du 26 avril 1992. Il prête serment le 08 juin 1992 et entre en fonction. Il forme différents gouvernements jusqu’à la nomination de Ibrahim Boubacar Kéita en qualité de Premier ministre en 1994.
La guerre des clans:
A partir de 1994, le parti va connaître ses premières scissions. Mamadou Lamine Traoré, alors vice-président du parti claque la porte avec ses amis et crée le Mouvement pour l’indépendance, la renaissance et l’intégration africaine(Miria). Toutes les conditions avaient été réunies afin qu’il claquât la porte alors qu’il faisait partie des membres fondateurs du parti et de surcroit une éminence grise. Cependant le parti n’a pas été affecté par ce départ du philosophe. Il n’est pas parvenu à drainer beaucoup de militants de la ruche derrière lui. Le premier mandat du président Alpha est marqué par des revendications catégorielles de la part des organisations syndicales, politiques et surtout de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Ce qui empêcha le pouvoir de mettre en œuvre son programme car la priorité était le maintien du régime d’abord et la stabilité sociale. Plusieurs ministres se sont succédé sans parvenir à maitriser la situation. C’est dans ces conditions de pression, de tension et de crise de confiance que ce mandat arriva à terme en 1997. Alors le renouvellement des institutions de la République s’impose comme la constitution et la loi électorale l’ont prévu. L’Adema, comme les autres formations politiques, se lancent dans la course. Le 13 avril 1997, les élections législatives se tiennent sans liste électorale et dans la confusion la plus totale. Face à l’absence de liste électorale, la Cour constitutionnelle annule les résultats. Ce fut un véritable fiasco. Le professeur Mamadou Lamine Traoré a dénoncé en son temps un «imbroglio juridico-politique» eu égard à la mauvaise préparation. Finalement, les élections législatives se tiennent pour les 20 juillet (1er tour) et le 3 aout (2ème tour). Les résultats définitifs confirment la suprématie du parti au pouvoir soit 128 députés sur 147. Il faut rappeler que les partis politiques d’opposition le Cnid, l’Us-Rda, le Bdia Faso-Djigui ont boycotté les élections générales de 2007. Seuls l’Adema et ses alliés y ont pris part. Il s’agit entre autres du Parti pour la renaissance nationale, de l’alliance pour la démocratie économique, la Convention sociale démocrate, le Mouvement des citoyens- cercles des démocrates républicains, le Rassemblement malien pour le travail, le Parti démocrate pour la justice.
Le 21 juin 1998, les élections communales se déroulent dans le district de Bamako. L’Adema remporte 16 communes urbaines sur 19. Une année plus tard (6 juin1999), les élections communales se déroulent sur l’ensemble du territoire national. L’Adema remporte la majorité des postes des conseillers communaux.
En octobre 1999, le Premier ministre, Ibrahim Boubacar Kéita, est réélu président du parti. Le 15 février 2000, Mandé Sidibé est nommé Premier ministre pour remplacer IBK qui démissionnera. Et dès lors, l’opinion constate que la rupture est consommée entre AOK et son ancien Premier ministre. Cela aura des conséquences énormes sur le parti car coïncidant avec la fin du 2ème mandat de AOK. Sa succession est donc ouverte et les textes du parti prévoyaient les primaires au sein du parti afin de désigner le candidat du parti. Une guerre ouverte oppose IBK au clan Cmdt. Ces derniers exclus lors du dernier congrès ordinaire du parti n’ont jamais su gérer cette humiliation et dès lors ont décidé de laver l’affront. Ils mirent tout en œuvre pour obtenir un congrès extraordinaire. Ce congrès s’est tenu sous une grande tension. Ce qui devait arriver, arriva. IBK se sentant en minorité, démissionna de son poste de responsabilité. C’était le 9 octobre 2000 à l’ex-Palais des congrès de Bamako. Il dira en substance que le nouveau parti Adema qui se profile à l’horizon, n’est pas conforme à ses convictions politiques. Il fut suivi par 33 députés, de nombreux cadres, militants du parti.
C’est ainsi que le Rassemblement pour le Mali a vu le jour le 30 juin 2001. L’Adema vient de prendre ainsi un grand coup. Et ce n’est pas fini puisqu’aux primaires plusieurs cadres du parti vont se porter candidat à la candidature du parti. Entre autres, Soumaïla Cissé, Soumeylou Boubeye Maiga, Iba N’Diaye, Mandé Sidibé… Ce sont tous des cadres du parti. Cette adversité se fit sentir à l’intérieur du parti, entre non seulement les membres du Bureau politique national, mais aussi à l’intérieur des structures du parti. Le parti est divisé entre la candidature de Amadou Toumani Touré et de Soumaïla Cissé élu candidat du parti à l’issue des primaires. C’est dans ce contexte d’agitation et de crise de confiance que le parti se lance à la course de la présidence de la république. Comme il fallait s’y attendre, l’Adema perd le pouvoir mais aussi la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Aux élections législatives de 2002, l’Adema se classe comme la première force politique à l’Assemblée nationale avec 51 députés. La série de division continue. Soumaïla Cissé et ses amis quittent l’Adema Pasj et créent l’Union pour la République et la démocratie.
En 2007, le parti décide de ne pas présenter un candidat à l’interne et porte son choix sur le président sortant, Amadou Toumani Touré. L’Adema et les autres formations politiques qui le soutiennent créent l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès (Adp). Aux élections législatives de 2007, l’Adema arriva en tête. Dioncouda Traoré élu président du parti en 2001 est élu par ses pairs président de l’Assemblée nationale, le 3 septembre 2007. Avec la guerre fratricide, le parti s’est amusé avec le pouvoir et l’a ainsi perdu. La reconquête n’est jamais aisée.
Reconquête du pouvoir :
La reconquête du pouvoir demeure la priorité de l’Adema. Pour arriver à ses fins, le parti entame, dès 2008, des pourparlers avec des partis pour former un groupe compact. Ainsi plusieurs formations politiques sont avec l’Adema. On peut citer le Rassemblement National pour la Démocratie, le Parti pour l’Unité, la démocratie et le progrès, le Parti pour la démocratie, la culture et l’intégration. Le parti a investi son candidat et ce n’est autre que le président du parti, Dioncouda Traoré, l’homme qui est parvenu à maintenir une certaine stabilité au sein du parti. Première force politique à l’hémicycle et aux dernières élections communales, l’Adema et l’ANC étaient considérés comme le grandes formations politiques de l’Afrique dans les années 1993, jusqu’en 1998. De cette date à nos jours, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. C’est l’une des rares formations politiques à être implantée sur l’ensemble du territoire national, même dans les hameaux, a l’habitude de se vanter Soumeylou Boubeye Maiga, comme lors des primaires de l’Adema à Ségou. L’Adema disposait d’une grande capacité de mobilisation, sans pareil, et surtout avait les moyens. Il y’avait aussi la carrure de Alpha Oumar Konaré. Le candidat du parti a un grand rôle à jouer pour la victoire finale. Alpha sait galvaniser la foule et a l’art de parler, bref un grand orateur. Nous savions que Dioncouda n’est pas Alpha. Ce professeur en mathématiques sait là où il faut aller. N’importe qui n’est pas Docteur en math. Il faut avoir la tête sur les épaules. C’est ce qui lui aura permis de présider aux destinés du parti pendant dix années, environ.
Les politologues rappellent que la force d’une formation politique réside quant à son degré d’implantation. Et le facteur déterminant est le nombre d’élus. Et sur ce plan, l’Adema devance de loin ses rivaux. Dioncouda a en face de lui des ténors comme Ibrahim Boubacar Kéita, Soumïla Cissé, Mountaga Tall, Modibo Sidibé. Excepté le dernier, les autres ont l’expérience du jeu politique. Ils savent que rien n’est acquis ni gagné d’avance, que les renversements de situation sont toujours possibles jusqu’à la dernière minute, et surtout qu’il faut s’attendre à des coups bas.
L’Adema, malgré tous les facteurs en sa faveur, demeure un géant au pied d’argile, eu égard à la nature de ses responsables. Ils sont capables de créer l’exploit, mais aussi de commettre le pire. C’est la seule formation politique où personne ne peut en réclamer la paternité. Ce qui explique souvent certains comportements qui laissent à désirer. Cela a un autre avantage, il y a différentes tendances, et le débat se tient à l’intérieur du parti.
Birama FALL
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