Elections de 2013: Impossibles!

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Elle court, elle court, la théorie selon laquelle le processus électoral sera déclenché en juillet 2013. Mais, à y regarder de plus près, cela est impossible, à cause de nombreux facteurs. Dont deux principaux.

Bureau de vote au Mali. © Georges Gobet/AFP
Bureau de vote au Mali. © Georges Gobet/AFP

En premier lieu, c’est le côté sécuritaire qui inquiète. Nous sommes à plus deux mois après le début de l’intervention des alliés dans la lutte contre les Islamistes et à quatre mois de la date que s’est proposée le gouvernement transitoire pour organiser la présidentielle.

Même si le Président français, François Hollande, affirmait, en début de semaine dernière, que «la souveraineté du Mali sera presque rétablie d’ici quelques jours» (de la propagande, selon certains spécialistes), l’on est encore très loin de la «phase de sécurisation» annoncée un peu plus tôt par notre Premier ministre, Diango Cissoko. Celui-ci déclarait même, dans une interview, que «la bataille de Kidal sera moins dure que celles de Gao et de Tombouctou». C’était sans compter avec la détermination du noyau le plus dur des Jihadistes, réfugié dans les montagnes du Tegharghar.

Et le dernier attentat perpétré à Tombouctou par le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), est venu opportunément nous rappeler que les terroristes n’en sont pas encore à leur dernière cartouche. «Les trois régions nord du Mali n’en ont pas encore fini avec les attentats kamikazes, les poses de mines, les séquestrations, les meurtres… Il faut rester sur le qui-vive et bien ouvrir les yeux. Il faut savoir où l’on met les pieds», nous a confié un fin connaisseur de la situation.

Bamako et son nombrilisme

Bamako, capitale du Mali. C’est d’ici que toutes les décisions partent. Même les plus incongrues. Comme l’organisation des élections en juillet. On peut comprendre que les autorités veuillent faire plaisir aux bailleurs de fonds. On peut comprendre que nos dirigeants aient le souci de prouver qu’ils ont correctement appris le texte imposé par la France. Mais il faut revenir sur terre et voir la réalité en face.

A en croire un agent des renseignements d’un pays étranger, que nous avons rencontré en fin de semaine dernière, «Bamako est assis sur une poudrière». Il y a les Islamistes d’un côté et les putschistes, de l’autre. «Si des attentats sont perpétrés ici, la ville sera paralysée. Les Bamakois, contrairement aux gens du Nord, ne sont pas habitués à ce genre de situation. Quand je parcours les grandes artères de la capitale, je relève de nombreuses failles sécuritaires. J’ai l’impression qu’ici tous les cadres ne courent que derrière des postes politiques. Ce qu’ils oublient, c’est que pour occuper un poste il faut être vivant», ajoutera notre interlocuteur. Sans vouloir être trop alarmiste, l’agent des renseignements nous a quittés sur cette phrase qui en dit long: «Ca va sauter à Bamako. C’est sûr, ça va sauter. Que Dieu protège les pauvres». Et si «ça saute», rares sont les Bamakois qui pourront voter.

Gros sous

En second lieu, c’est la question du financement de ce vaste chantier électoral qui va se poser. L’Union Européenne, qui encourage le Mali dans cette voie, ne propose que 50 millions d’euros. Pas suffisant.

Colossal, le chantier institutionnel et électoral progresse lentement. Cette patate chaude, que le gouvernement de transition tient seul dans la main, suppose de constituer en moins de quatre mois un fichier électoral fiable de 7 millions de noms, de financer l’exercice – on est encore loin du compte, de sécuriser intégralement les deux-tiers nord du pays et de régulariser le statut des 500 000 citoyens maliens exilés en Côte d’Ivoire lors des convulsions antérieures, comme des 400 000 réfugiés et déplacés nordistes de l’annus horribilis 2012.

Dans les capitales occidentales comme à Bamako, chacun sait que, même avec la création récente d’une Commission de dialogue et de réconciliation – encore purement virtuelle à ce stade-  le climat social ne sera pas assaini avant la date-butoir du 31 juillet, à l’évidence prématurée.

Conclusion pour Dioncounda et sa suite: il ne suffit pas de répéter ce que le Quai d’Orsay dit. Il faut reconnaître certaines réalités intangibles, quitte à fâcher un tant soit peu Tonton François Hollande.

Paul Mben

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4 COMMENTAIRES

  1. Le drame malien c’est que les gens savent surtout utiliser leur intelligence pour démolir/casser ce que d’autres construisent. Ils ont été incapables de prévenir et finalement l’invasion de leur pays par les rebelles et les islamistes.
    Maintenant que d’autres sont venus les aider à se relever, voilà qu’ils font tout pour que les élections ne se fassent pas.
    Au lieu de proposer des idées pour y parvenir on se moque presque de ceux qui ont envoyé leurs enfants mourir en lieu et place des putschistes de Kati.
    Quand on sait le salaire actuel de Amadou Haya Sanogo les maliens ne se rendent pas compte qu’ils se moquent du monde. Ce ne sera pas étonnant que la France retire ses hommes et les laissent dans leur caca.

  2. On voit mal en effet comment des élections fiables pourraient être organisées d’ici fin juillet, avec une administration paralysée et démotivée, un fichier électoral contesté, et une pléthore de candidats dont nombre de fantaisistes. Ce qui risque d’arriver avec la présence des casques bleus, c’est que l’ONU décrète la mise sous tutelle du Mali avec nomination d’un administrateur provisoire (comme le Kosovo dans les années 90), le temps de recréer les conditions d’une élection transparente. Au pouvoir actuel de montrer que le Mali est capable d’éviter cette extrémité qui serait en effet honteuse pour le pays.

  3. Écharpes et bâton , les artifices d’une transition politique inutile.

    Au risque de me répéter je cherche et recherche encore le moindre avantage pour le Mali de cette transition politique incrédule, mais que dalle, je ne vois rien de plausible non seulement sur la sécurité du pays, mais également sur sa construction démocratique sans oublier sa situation économique et sociale.

    Délestage de courant électrique, coupure d’eau potable, prix du gaz et des transports impossibles, les bamakois découvrent peu à peu l’inutilité mais aussi et surtout la dangerosité d’un régime d’exception qui n’a réglé depuis une année aucun aspect de leur quotidien déjà très dur.

    Les politiques agressés et menacés de mort, les journalistes au pas et séquestrés, la Misma dans le Gourma, le Tchad au combat dans le Tigharghar, les français à la traque jihadistes à Tessalit, le Mnla au beurre à Kidal, la sécurité d’état à Kati, l’armée malienne réduite à défendre Gao et Tombouctou avec l’aide de jeunes civils à mains nues, mon pays ressemble de plus en plus au quartier rouge d’Amsterdam qui fait le bonheur des touristes.

    La pantalonnade de Cheick Modibo Diarra, l’homme qui voulait mettre un accord-cadre au dessus de notre constitution, s’est terminée comme un jeu d’enfants.

    Le flirt dangereux d’un Dioncounda en écharpes blanches avec un Sanogo en bâton façon Bokassa qui rêve d’être De Gaulle sans pourtant faire l’appel du 18 juin, ni bouger d’un iota vers le front nord de notre pays, au moment où le Mnla nomme un gouverneur, se fait au prix d’un
    recul dangereux de la liberté de la presse et des manquements grave au droit pénal et au droit des procédures pénales du pays.

    On aurait voulu voir participer ce capitaine matamore à bâton rompu dans les batailles que livrent les braves tchadiens dans le nord de notre de pays contre les envahisseurs, mais hélas!

    Diango Cissoko, l’autre matamore de la gouvernance éternelle depuis Moussa Traoré, se laisse aller comme son prédécesseur dans une aimable négligence du piétinement des droits fondamentaux des citoyens maliens par une politique néo stalinienne menée par une sécurité d’état de salon.

    Dans les autres pays les services de renseignement traquent les menaces sur la sécurité du pays, notre SE nationale ou katoise si vous le voulez bien , n’a jamais vu venir la menace Iyad Ag Ghali, ni celle du Mnla, encore moins les contre coups de la crise libyenne sur le Mali.

    Non c’est trop lui demander, la SE de salon est préoccupée à attraper journalistes et politiques pour perpétuer un climat de terreur à Bamako dans la pure lâcheté.

    Et la ménagère dans tout cela, eh bien elle désole entre hausses des prix et baisses des revenus, et regarde impuissante, un état démissionnaire octroyer des salaires à 7 chiffres, à ceux-la mêmes qui ont violé la constitution du pays, pillé les administrations et les commerces, fermer les frontières et occasionner embargo et suspension de coopération internationale pour le Mali.

    Vous avez donc compris, que ceux qui ont enfanté la crise institutionnelle et économique dans notre pays sont au beurre de la gouvernance “Écharpes et bâton” alors que les populations tirent le diable par la queue.

    Jeunes du Mali, n’attaquez pas les Sotramas et leurs chauffeurs, ils ne sont pour rien dans votre misère, ils sont comme vous, c’est à dire pris au piège de l’irresponsabilité des nouveaux Ayatollah de la vaudeville.

    Quand on est malade de bronchite, on tousse, les hausses des prix sont des quintes de toux d’une économie malade, il faut très vite un Plan de Sauvetage général pour l’économie malienne d’au moins 3000 milliards de francs CFA pour réactiver tous les secteurs porteurs de croissance et relancer l’emploi et la consommation.

    Visiblement la gouvernance “Écharpes et bâton” est incapable de le faire malgré la reprise de la coopération internationale.

    Il nous faut à tout prix des élections en juillet 2013, pour avoir un pouvoir légal et légitime issu des urnes, pour mettre de l’ordre partout au Mali et relancer l’économie pour soulager les populations des conséquences désastreuses de cette transition politique inutile.

  4. Bonjour,
    A travers une volonté collective et un réelle organisation qui doit commencer dès maintenant, ces élections se tiendront même s’il faut la sécurisation (qui doit être achevée avant les élections) de toutes les régions du Mali et la mobilisation des fonds (les partenaires doivent aider le Mali à mobiliser les fonds nécessaires).

    Bien cordialement
    Dr ANASSER AG RHISSA
    EXPERT TIC ET GOUVERNANCE
    E-mail: Webanassane@yahoo.com

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