La couleuvre sera dure à avaler, surtout pour l’opposition qui ne voudra pas payer pour les fautes du pouvoir en place, mais la dure réalité est qu’il y a très peu de chance que le prochain président soit installé le 8 juin 2012 avant midi, comme l’a affirmé le Président ATT. Sauf miracle.
Le ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales a rencontré, le mardi 26 avril 2011, les représentants des partis politiques de la place. Au centre des débats, les élections législatives et présidentielles de 2012. Un mois à peine après son arrivée aux affaires, le gouvernement de Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé doit donc faire face aux interrogations et aux inquiétudes des partis politiques qui, tous, veulent faire campagne autour du fichier électoral. Si dans le cas d’espèce la question est récurrente partout en Afrique, le gouvernement de notre pays s’est mis aujourd’hui, quant à lui, dans une situation vraiment délicate en ignorant trop longtemps la question du fichier électoral. Sur quelle base va-t-on organiser les prochaines consultations : le recensement administratif à caractère électoral (Race) vieux de plus de dix ans ou le recensement administratif à vocation d’Etat civil (Ravec) ? Si le ministre a dit au passage sa préférence pour le Race, la question est cependant loin d’être résolue.
Le ministre Kafougouna Koné a alors laissé à ses interlocuteurs le soin de dire leurs préférences par rapport aux deux documents de base et a poursuivi son propos en brossant la situation générale du pays, mettant en exergue la nécessité de l’adhésion de tous aux démarches pouvant améliorer la qualité des élections à venir. L’idéal aurait été que le fichier ne soit pas un sujet à polémique, mais on ne voit pas comment le pouvoir pourra faire l’économie d’une controverse quand on sait que la loi oblige le Gouvernement à mettre à jour le fichier électoral tous les ans, qu’il y ait élections ou pas. La difficulté majeure est qu’on s’est comporté comme si les consultations étaient dans deux ou trois ans pour se raviser et comprendre que c’est seulement dans douze petits mois. Si, contrairement à d’autres pays où il n’y a pas vraiment un grand risque de cafouillages comme ce fut le cas chez ici en 1997 où il avait fallu carrément annuler le scrutin, le Mali, et ATT le premier, ne peut courir le risque d’organiser des élections qui seraient bâclées ou qui aboutiraient à un président de la République mal élu. Pour l’heure, on en parle peu, mais il faudra dans les prochains mois se mettre d’accord sur la démarche à suivre pour déterminer le fichier électoral : le Ravec ou le Race. Le recensement administratif à caractère électoral est plus pratique, car ayant servi à organiser des élections municipales et législatives ça et là sur l’ensemble du territoire. Mais les partis politiques n’en veulent pas, le jugeant caduc et inapproprié dix ans après sa réalisation. Le Ravec est plus actuel, car datant d’à peine d’un an, mais son exploitation sera plus laborieuse, le recensement ayant concerné même les bébés d’un an. Soustraire du Ravec un fichier requiert des ressources humaines de qualité, la mobilisation de moyens financiers importants et beaucoup plus de temps.
Il faudra, au-delà de la polémique, trouver au plus vite un consensus pratique, une solution médiane afin de convaincre au finish tout le monde sur la crédibilité des scrutins. Et cette solution médiane, telle qu’on peut l’envisager aujourd’hui, est le report des échéances à venir. La couleuvre sera dure à avaler, surtout pour l’opposition qui ne voudra pas payer pour les fautes du pouvoir en place, mais la dure réalité est qu’il y a très peu de chance que le prochain président soit installé le 8 juin 2012 avant midi, comme l’a affirmé avec un peu trop d’assurance le Président ATT. Sauf miracle.
Le seul gagnant d’un tel scénario serait le Président ATT qui gagnerait de précieux mois, voire une bonne année sur son dernier bail avec Koulouba. Pas si sûr que cela pourtant, car, passées les dernières cinq années de son second mandat, le président changera de statut de Président élu à celui de simple chef d’Etat, autrement président par défaut, et ce n’est pas cela qu’affectionne Amadou Toumani Touré qui donne à croire qu’il tient à marquer son époque sans une fausse note.
Il est vrai que nous n’en sommes pas là et moins il y aura de polémique sur la question, mieux cela vaudra pour le pays. Mais c’est à la condition que le pouvoir donne de réels gages d’assurances sur le scrutin à venir. Pour l’heure, on est loin de ces assurances et de cette sérénité qui devraient caractériser une bonne préparation de cet important rendez-vous.
Housseyni Barry