Nombreux étaient ceux qui estimaient que Soumaïla Cissé dit Soumi aurait pu naturellement s’imposer comme le candidat le plus crédible à la succession du président Amadou Toumani Touré. Malheureusement, la réalité s’avère tout autre. Analyse du destin tourmenté de l’homme.
A la veille des élections présidentielles de 2002, aucun observateur sérieux de la scène politique nationale ne donnait le minimum de chance à la candidature de Soumaïla Cissé. Après la vague des coups bas dont il a été victime au sein de son parti, l’Adéma-PASJ, M. Cissé est parti presque comme un orphelin au scrutin, ne comptant que sur ses propres ressources financières et ses rares inconditionnels. Au premier tour, il s’impose devant Ibrahim Boubacar Kéïta et ses alliés de «Espoir 2000». Mieux, il accède au second tour avec Amadou Toumani Touré comme adversaire. Mais, comme un intrépide combattant, il tombe les armes en main.
Le vainqueur du scrutin de 2002, Amadou Toumani Touré, a eu le triomphe modeste et il réussit à associer Soumaïla Cissé à la gestion des affaires. Soumi découvre alors qu’il n’avait plus rien à gagner au sein de l’Adéma-PASJ dont il a souffert de la trahison. Il lance alors sa propre formation politique : Union pour la République et la Démocratie (URD). Un parti créé dans des circonstances d’euphorie, d’amertume et de méditation. ATT se rend compte qu’il vaut mieux composer avec Soumi plutôt qu’avec le RPM d’IBK qui avait fini par adopter une attitude agressive. IBK, malgré qu’il ait appelé à voter pour ATT, laissait entendre que sa victoire lui avait été volée.
ATT se lance dans une intense campagne de promotion pour Soumaïla Cissé au plan international. Le président sénégalais, Abdoulaye Wade et bien d’autres personnalités du continent ont été mis à contribution pour trouver à l’adversaire sympathique une place dans les institutions internationales.
Dans les confidences de certains témoins privilégiés des échanges, le président Wade aurait demandé et obtenu d’ATT, que Soumaïla Cissé soit le dauphin privilégié après les deux mandats de ce dernier. Pour apporter plus de crédit à ces témoignages, Soumi s’abstient de se porter candidat en 2007 et va jusqu’à battre campagne pour ATT sur le terrain. Les deux hommes sont restés en parfaite harmonie dans leur relation. Même, le fameux dossier du Fonds Mondial dont le scandale est arrivé à travers un Ministre URD, Oumar Ibrahim Touré, n’a pas éclaboussé leur amitié.
Le président ATT a toujours consulté Soumaïla avant de prendre les décisions concernant les cadres de son parti. C’est ainsi que par rapport à Oumar Ibrahim, ATT a obtenu l’accord sans ambages de Soumaïla, avant de limoger son Ministre. Tout est donc rose sur ce plan entre les deux hommes.
Mais, logiquement, Soumaila Cissé peut-il compter sur un soutien de son ami président sortant ? Quelle influence ATT peut-il avoir sur la candidature de Soumaïla ? En réalité aucune. Pourquoi ? C’est là toute la question. Ni Soumi, ni aucun autre candidat ne peut compter sur ATT pour s’assurer d’être élu. Ceux qui se seront trompés sur ce chapitre, n’auront que leurs yeux pour pleurer au lendemain du vote. Et pour cause ?
ATT aurait pu prouver qu’il voulait des élections démocratiques, crédibles et apaisées en 2012, en évitant tout simplement que le problème du Fichier électoral continue d’être un débat en moins d’un an du vote présidentiel. Pour prétendre promouvoir une candidature, il faudra qu’on donne l’impression de vouloir sincèrement céder le pouvoir dans la paix et la sérénité. Aujourd’hui, ATT n’a aucune emprise sur ses propres amis qui pourtant n’ont jamais rien été au Mali. Ils lui doivent fortune, prestige et carrière. Mais ils désobéissent tout simplement. Tout le monde a presque entendu que le président ATT a recommandé la candidature de Hamed Sow au sein du PDES. Pourquoi donc d’autres continuent à s’agiter ouvertement et impunément ?
ATT ne contrôle plus personne
Or, Soumi sait mieux que quiconque que «les régimes finissant sont moins tenus par les deals et autres engagements antérieurs». Il sait donc que son deal avec ATT ne tient plus. Il est également conscient que son ami a de très sérieux ennuis avec certains chefs d’Etat dont les soutiens peuvent être déterminants dans les futures élections présidentielles. A la très longue liste de présidents fâchés avec ATT, on peut citer, Nicolas Sarkozy, Barak Obama qui ne veut plus le sentir, Alassane Dramane Ouattara, le Roi du Maroc qui malgré sa générosité peine à faire évoluer la position de Bamako sur le Polisario, les Pays arabes qui continuent de bouder les appels téléphoniques en provenance de Koulouba. En clair, le président ATT est un homme isolé sur l’échiquier international. Il est donc chimérique de croire ou de faire croire que ATT peut faire élire quelqu’un au Mali.
Sur qui donc, Soumaïla doit-il et peut-il jeter son dévolu ?
En près de 10 ans d’exercice comme président de la commission de l’UEMOA, un poste qu’il doit à ATT, Soumaïla Cissé a eu l’occasion de se forger une personnalité digne d’un chef de l’Etat. Son bilan très apprécié à la tête de cette institution plaide pour lui. Sa clairvoyance et son intelligence aussi le mettent au-dessus d’une certaine catégorie d’homme politique. C’est dire donc, que l’homme a son destin en main, celui de ses militants aussi, et peut être plus tard celui du Mali.
Puisse qu’il sera sans aucun doute de retour définitivement dans l’arène politique nationale du Mali le 11 septembre prochain, on verra de quoi il sera capable. A suivre !
Abdoulaye NIANGALY