Qu’est venu faire Modibo Sidibé dans les eaux bouilleuses de la politique, ce haut cadre sans histoires de la police qui a fait ses armes à l’ombre de Alpha Oumar Konaré et de Amadou Toumani Touré et que l’on voyait prendre dans quelques années une retraite dorée, auréolé de toutes les médailles de la république ? Comme on le dit l’appétit vient en mangeant et Modibo qui a franchi toutes les marches vers le pouvoir a été naturellement tenté de franchir le Rubicon qui mène à la magistrature suprême. Avec derrière lui un parcours élogieux, l’ancien Premier ministre est fondé à croire en effet qu’il a aujourd’hui l’étoffe et la carrure de président, le reste étant pour l’essentiel une question de moyens et d’engagement personnel. En clair dans les cercles proches de l’ancien commissaire divisionnaire de Police, il y a en tout et pour tout douze mois de souffrance à endurer et peut être au bout, cinq à dix ans de bail avec Koulouba… Comme c’est tentant et voilà l’homme du Wassoulou sur toutes les pites et chemins de campagne du Mali non sans arguments.
Bientôt le candidat Modibo arpentera donc les allées des arènes politiques pour défendre les couleurs de son mouvement, constitué d’une kyrielle d’associations et de clubs : club de soutien, Faso denyouma Ton, l’Union des Jeunes pour la candidature de Modibo Sidibé, Djeleya Ton … Les sigles ne disent pas grand-chose par eux-mêmes, mais derrière, c’est la forte personnalité du Candidat qui, pour la première fois de sa vie s’essaie à un exercice périlleux. Il y a quelques semaines, il était encore annoncé comme le probable porte drapeau de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA-PASJ), mais très vite les portes de la ruche lui ont été fermées car pour une fois les responsables de cette formation ont décidé de choisir leur candidat au sein même de l’appareil.
Modibo, un Candidat désormais seul mais libre
Modibo a ainsi perdu l’appui de la plus grosse machine électorale à cause de l’intransigeance bien compréhensible de Dioncounda Traoré à rester seul maitre à bord, mais l’homme gagne en crédibilité car obligé de se défendre selon ses propres forces et faiblesses. L’appui de l’ADEMA nous aurait jeté tout droit dans le jeu d’une candidature arrangée, parrainée d’en haut pour rebuter à jamais tous ceux qui sans être forcément adversaires déclarés du pouvoir en place luttent pour une alternance démocratique réelle dans le pays. Et ce combat noble participe à l’évidence à l’encrage de la démocratie. C’est vrai par ailleurs que Modibo lui-même ne s’est jusqu’ici jamais déclaré candidat ; mais c’est là un secret de Polichinelle, c’est bien en candidat affranchi que Modibo sillonne le Mali profond depuis plus de deux mois maintenant, comme le font depuis plus d’un an Soumana Sacko, Cheikh Modibo Diarra. Tous ces grands noms et grosses pointures en rajoutent au piquant et à l’éventail de choix des électeurs. Mais Modibo Sidibé reste lui un candidat à part.
L’homme détient le record de longévité au gouvernement dix ans avec Alpha Oumar Konaré et dix ans avec ATT soit un cumul de vingt ans au pouvoir et aux postes les plus prestigieux comme les affaires étrangères dans le gouvernement de Ibrahim Boubacar Keita à l’époque d’Alpha O. Konaré et la primature dans le dernier gouvernement d’ATT qu’il dirigeait lui-même. C’est donc l’expérience la plus riche, celle d’un homme d’Etat qui a servi deux présidents de la république et qui a été confronté à toutes sortes de situations. Grâce à cette longévité, Modibo connait tous les arcanes de la politique malienne et reste en quelque sorte la mémoire vivante des régimes de Alpha Oumar Konaré et de Amadou Toumani Touré, deux présidents qui quoiqu’ils disent en aparté ou sur la place publique ont bien dû se prononcer sur cette candidature pas comme les autres.
Rassembler les partis de petites et moyennes dimensions
Sans appareil politique et sans expérience de militant, tout n’est cependant pas facile pour le candidat Modibo. Pour en imposer aux autres, il a nécessairement besoin d’une machine électorale et donc d’appareils de service qu’il faudra gagner à sa cause s’il veut remporter la compétition. Comme ATT en 2002 et en 2007, il faut s’appuyer sur l’existant de ce que recèle la classe politique malienne comme structures politiques de mobilisation pour accroitre ses soutiens. Difficile mais pas impossible car le Parti pour le développement social de Ahmed Diané Siméga a normalement vocation naturelle à soutenir tous ceux qui sont proches de ATT. Or il n’y a pas pour l’heure un candidat plus proche du président sortant que Modibo Sidibé. Ce n’est pas tout, Modibo attend impatiemment comme beaucoup, de voir ce qui va advenir de l’ADEMA après les primaires car il n’est pas du tout évident que le parti s’en sorte totalement indemne de cette compétition interne. En plus les regroupements actuels noués en prévision des élections à venir sont tous fragiles car bien de leaders voudront assurer leur survie après l’épreuve électorale. En clair, tous les partis de moyenne taille, certains de ne pouvoir pas être au second tour des présidentielles sont phase de repositionnement. Dès que le PDES par exemple donnera son aval à Modibo, beaucoup d’autres partis suivront dans un effet d’entrainement.
Mais Modibo a cet autre avantage d’être des deux Wassoulous, celui de Kayes et de Bougouni. C’est opportunément d’ailleurs qu’il s’est rappelé au bon souvenir des populations de ces localités à travers un certain nombre de réalisation dont la route Bougouni Yanfolila désenclavant ainsi le Mali vers la Guinée et la Cote d’Ivoire. Son prédécesseur et autre membre de la fratrie Mandé Sidibé avait déjà renoué en son temps avec le Wassoulou de Kayes. C’est donc en enfant du pays qu’il se présentera dans ces deux importantes localités et comme le rêve ne semble pas trop éloigné de la réalité, les électeurs ne se feront certainement pas priés pour porter un des leurs au pouvoir. A charge maintenant au candidat de faire montre d’aptitudes politiques, la seule dimension qui manque à son parcours. C’est à partir de ses capacités de rassemblement qu’il pourra convaincre l’opinion de ses capacités à diriger des hommes et le Mali. Resté trop longtemps derrière l’écran et à l’ombre de ceux qui ont fait sa carrière, Modibo a tout intérêt a vite sortir du bois avec autour de lui des hommes et des femmes crédibles. On sait par ailleurs par déformation professionnelle son regard sur les vrais hommes politiques est faite de confusion, voire de méfiance. Aujourd’hui, ce sont ces hommes là en particulier ceux qui ont fait le changement de 1991qui, plus que tout autre carriériste de circonstance, qui donneront des couleurs et du tonus à sa campagne.
Piyahara Diamouténé