Dans les centres de retrait, les files peuvent s’étirer pendant des heures avant l’accès au précieux sésame
Le retrait de cartes NINA dans la perspective des élections générales a débuté le 28 juin sur l’ensemble du territoire et prendra fin le 27 juillet. A Bamako, depuis que l’opération a commencé, l’affluence ne cesse de grossir dans les centres de retrait logés dans des écoles publiques. C’est le cas des centres du Quartier Mali, de Torokorobougou, du Badialan, de Hamdallaye, et de Bolibana où nous avons fait un tour.
A l’école du Quartier Mali, les deux salles que compte le centre ont ouvert à 8 heures alors que s’étiraient déjà de longues files de personnes. Aminata Doumbia fait partie de ceux qui se sont levés très tôt pour figurer parmi les premiers servis. Bien que ne se sentant pas bien ce jour là, cette mère de famille a tout de même tenu à venir retirer sa carte. « On m’a dit que le retrait de carte est personnel, c’est pourquoi j’ai fait le déplacement. Sinon je ne me sens pas bien. Je tiens difficilement sur mes deux jambes. Mais pour moi ça vaut la peine de faire ce sacrifice», explique la quinquagénaire qui prie pour que Dieu lui donne la santé de voter le jour du premier tour de la présidentielle.
Au milieu de la foule, nous avons repéré Siaka Doumbia, un chef de famille. Il était venu récupérer les cartes de tous les membres de sa famille qui ont été recensés. Pour cela, il était muni de son carnet de famille. Se trouvant dans une position inconfortable dans le rang, Siaka Doumbia était presque excédé lorsqu’il a réalisé que la file ne bougeait pas depuis un bout de temps. «Je suis fatigué d’attendre. Cela fait trois jours que je traîne entre les différents centres de la commune pour chercher les cartes de mes enfants. Il faut avoir un sacré courage pour vraiment tenir», tempête-t-il. Siaka a pu retirer les cartes de cinq de ses six enfants après plusieurs va-et-vient entre les centres du Quartier Mali, de Torokorobougou et Garantiguibougou. «Je n’ai pas le choix, je dois attendre encore car qu’il faut que je trouve la carte de mon 6è gosse sinon il va se sentir frustré quand il apprendra que tous ses autres frères ont eu leurs cartes», soupire notre interlocuteur.
Il nous a fallu beaucoup de patience pour accéder à la salle 1 de l’école du Quartier Mali devant laquelle est posté un policier. Son rôle est d’éviter tout débordement dans le rang. Le chef de l’équipe de la salle, Adama Kamaté, n’avait pas une seconde à nous consacrer tant il était débordé par le travail et surpris par l’impatience de gens. « Depuis qu’on a commencé, l’affluence est toujours grande du matin au soir. Le seul problème qu’on a est que les gens sont pressés d’avoir leurs cartes et souvent ça déborde », parvient-il à expliquer. Dans la salle, étaient installés quatre agents, tous recrutés par le gouvernorat du district de Bamako, et astreints à remettre au moins 200 cartes à leurs titulaires chaque jour.
A l’image du centre du Quartier Mali, le seul problème signalé à l’école de Torokorobougou est également l’impatience des personnes qui viennent retirer leurs cartes. Ici, le quinquagénaire Aliou Traoré a craqué après avoir attendu deux heures sans progresser beaucoup. « Je n’en peux plus. J’ai laissé mon boulot pour venir ici mais j’ai l’impression que le rang ne bouge pas», se lamente-t-il. Désemparé, l’homme était sur le point de rentrer chez lui avant d’être persuadé par un autre de sacrifier encore quelques heures pour ne plus avoir à revenir. Devant la salle 2 de Torokorobougou, un jeune homme a semé le désordre en tentant de resquiller le rang, s’attirant la colère générale. Le policier présent est intervenu pour le renvoyer d’où il venait.
A peine l’ordre revenu et au moment où les esprits se calmaient, une autre personne s’est retirée du rang en s’exclamant : « Torokorobougou est un quartier populeux. En conséquence, on a droit à plusieurs salles. Avec seulement trois salles, c’est du n’importe quoi». Son compagnon se montre beaucoup plus critique à l’endroit des pouvoirs publics : « Je ne comprends pas pourquoi nos autorités font toujours les choses à moitié quand il s’agit de fournir des efforts. Le temps presse pour les élections mais j’ai l’impression qu’elles ne s’en rendent pas compte. Voici le résultat de leur négligence», dit-il avec à l’appui un éloquent regard circulaire. Tout en s’efforçant de calmer les uns et les autres, le jeune Aboubacar Kaboré admet qu’il faut multiplier les salles de retrait pour que les gens ne perdent pas trop de temps.
Après avoir récupéré sa carte dès le premier jour, Djigui Konaté, lui, se porte volontaire pour orienter les gens devant les salles, notamment les personnes âgées. « Je ne suis un natif de ce quartier. C’est normal pour moi d’aider les gens, particulièrement les vieilles personnes pour qu’elles ne souffrent pas le martyr en cherchant leurs cartes », dit-il en souriant. C’est vrai que les personnes âgées ne font pas le rang mais c’est mieux encore lorsqu’elles sont directement guidées vers leurs salles. Elles se fatigueront moins à mettre la main sur leur précieux sésame.
A 75 ans, Tiécoura Kéita est sorti en souriant de la salle après avoir récupéré sa carte sans encombres. «J’ai vite eu ma carte et je n’ai pas à me plaindre», témoigne-t-il en exhibant sa carte à l’équipe de l’Essor. Un chef de salle contacté, explique ne pas comprendre l’impatience des gens. «Nous faisons un travail très minutieux pour ne pas faire des erreurs mais les gens ne comprennent pas ça, ils essayent de nous mettre la pression. Je pense que les gens ont intérêt à être patients pour éviter certains désagréments », confie-t-il en agitant la tête.
A l’école de Sogoniko, un fait n’a échappé n’a échappé à personne, c’est le cas des personnes qui ont leurs noms sur la liste potentielle des électeurs mais pas sur la liste de retrait. Elles ne peuvent donc pas avoir leurs cartes NINA. Pour trouver une solution à cette anomalie, on leur a demandé de retourner à la mairie de la commune.
Sur la rive gauche, précisément au quartier Badialan II, l’engouement envers la carte NINA est aussi très fort. A l’école publique du quartier, les habitants étaient en file indienne en attendant « leur NINA ». « Tout se passe bien ici. C’est une ambiance bon enfant », témoigne le chef de la salle 2, Malamine Traoré. L’affluence est identique à l’école du Camp des gardes de Bolibana où les trois salles étaient toutes remplies de monde.
Malgré d’incontestables difficultés, le retrait de cartes NINA progresse dans les différents centres visités. Le désir des citoyens d’entrer en possession du précieux sésame ne se dément pas. Ils savent que la carte sert à voter mais se révélera aussi indispensable pour établir d’autres documents officiels comme la carte d’identité, le passeport et le permis de conduire.
M. KEITA