Dans un communiqué, la Cour Constitutionnelle a rappelé aux futurs candidats à l’élection présidentielle du 29 juillet 2018, que la date limite de dépôt des dossiers de déclaration de candidature à l’élection du président de la République est fixée au 28 juin 2018 à 00 heure conformément aux dispositions de l’article 148 de la loi N°2016-048 du 17 octobre 2016 modifiée par la loi N°2018-014 du 23 avril 2018 portant loi électorale. Le système de parrainage défini par cette loi électorale de 2018 risque de freiner l’ambition de certains postulants. Celui qui prétend diriger le Mali doit pouvoir prouver qu’il a la caution morale de dix députés à l’Assemblée nationale ou de cinq Conseillers communaux dans chaque région et du district de Bamako. Ce pari n’est pas gagné d’avance par tous les candidats, dont certains seront recalés.
« C’est confidentiel, nous sommes tenus par la loi, on ne peut pas vous dire le nombre de candidature enregistrée, avant la proclamation des résultats », nous a opposé un responsable de la Cour constitutionnelle, hier, mercredi 27 juin 2018, lorsque nous avons souhaité avoir le nombre de candidat ayant déjà déposé leur dossier de candidature sur le bureau de l’institution. Selon ce responsable, il ne suffit pas pour un journaliste de se rendre à la Cour constitutionnelle pour savoir les candidats ayant déposé leur candidature, écorchant notre accès à l’information. Nous n’avons demandé qu’à savoir le nombre de candidat ayant déposé un dossier de candidature, sans en demander la liste ou leur validité. La cour constitutionnelle semble se mettre au dessus de la loi d’accès à l’information, alors que le cas d’espèce ne peut causer aucun préjudice ni à aucun candidat ni à la cour elle-même. La cour ne fait là qu’un excès de zèle dans le jeu de l’ostracisme, en refusant de dire le nombre de dossiers déposés. Cependant, dans le rapport trimestriel du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, publié le 6 juin 2018, il ressort qu’à la date du 30 mai, 22 personnes, dont l’actuel Président et Soumaïla Cissé, arrivé en deuxième position à l’élection présidentielle de 2013 et dirigeant de l’Union pour la République et la démocratie(URD), le principal parti d’opposition, avaient annoncé leur candidature à l’élection présidentielle.
Ce nombre a évolué par la suite. Car d’autres candidatures ont été annoncées courant ce mois de juin 2018. Le Dr Hammadoun Ibrahim Touré a été l’un des premiers à annoncer sa candidature pour les élections présidentielles de 2018 à l’occasion du dîner de lancement de l’Alliance Kayira 2018 tenu le samedi 30 décembre 2017 à l’Hôtel de l’Amitié de Bamako. Suivra la candidature de Mamadou Oumar Sidibé, président du Parti pour la restauration des valeurs du Mali (PRVM Fasoko) le samedi 27 janvier 2018 par la commission d’investiture du parti. Puis, des candidatures ont été annoncées comme celle de Dramane Dembélé de l’Adema, Kalfa Sanogo de la Coalition Kalfa 2018, Moussa Sinko Coulibaly de la Plateforme pour le changement, Cheick Modibo Diarra du RPDM, Aliou Boubacar Diallo de l’Adp Maliba, Oumar Mariko du Sadi, Housseini Amion Guindo de la Codem, Choguel Kokala Maïga du MPR, l’humoriste Habib Dembélé (Guimba National), Niankoro Yeah Samaké du PACP, Modibo Sidibé des Fare Anka wuli, l’entrepreneur Mme Kanté Djénéba N’Diaye dite « Djébou », Modibo Kadjoké de APM-Maliko.
Pas plus tard que le vendredi 22 juin 2018, un inconnu sur la scène politique, le syndicaliste Mahamadou Maïga, titulaire du Doctorat d’Etat ès Sciences Economiques (de l’Université de Paris-1-Panthéon-Sorbonne, avril 1976) déclarait aussi sa candidature à l’élection présidentielle du 29 juillet 2018. A la question de savoir comment va-t-il s’y prendre pour se faire parrainer, vu qu’il n’a pas de base politique, le candidat à la candidature indépendante botte en touche, malgré l’insistance des journalistes.
Au Mali, moins de dix partis politiques peuvent parrainer leur candidat sans problème. Les candidats Ibrahim Boubacar Kéita et Soumaïla Cissé peuvent se faire parrainer facilement, car, ayant chacun plus de 10 dix députés à l’Assemblée nationale. L’Adema Pasj aussi, même s’il n’a pas présenté de candidat. Les autres vont devoir batailler dur pour avoir leur parrainage ou renoncer à leur ambition de briguer la magistrature suprême du Mali.
C’est l’exigence de la loi qui, selon certains, est très discriminatoire et en conséquence, disent-ils, le système de parrainage doit être écarté. En effet, la loi n°2018-014 du 23 avril 2018 portant modification de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale dans son article 149 alinéa 1 et 2 dispose que « chaque déclaration doit recueillir la signature légalisée d’au moins dix (10) députés ou cinq (5) conseillers communaux dans chacune des régions et du District de Bamako. Un élu ne peut soutenir plus d’un candidat».
Avec la situation actuelle où l’on peut difficilement se procurer les signatures des conseillers des régions du nord comme Kidal, la majorité des candidats risquera de jeter son dévolu sur l’Hémicycle pour trouver le précieux sésame, qui n’est pas gratuit dans la plupart des cas, pouvant se vendre à coups de millions de FCFA. A titre d’illustration, un candidat à l’élection présidentielle ayant requis l’anonymat nous explique sa part de vérité. « Je dois avoir la signature de 10 députés. Mais chaque député me demande 1 million de FCFA, ce qui fait en tout 10 millions de FCFA. Or, je n’ai pas les 10 millions de FCFA. Par principe, je refuse la corruption. C’est anticonstitutionnel et antidémocratique. Pour avoir le parrainage des conseillers de certaines régions, c’est un problème. Kidal, Ménaka, Taoudéni sont inaccessibles. Il y a de l’insécurité », affirme-t-il. A l’image de ce dernier, beaucoup de candidats auront des difficultés pour se faire parrainer. D’autres n’auront aucun problème pour acheter les parrainages, mais ce qui est sûr, les 147 députés de l’Assemblée nationale ne peuvent parrainer en tout que 14 candidats. Il ya donc lieu de compter sur les conseillers pour parrainer le reste des candidats. Mais là aussi leur nombre n’est pas illimité, face à la pléthore de candidats potentiels déjà annoncés. « Avec les députés, il est possible de parrainer 14 candidats au total, tandis qu’avec les conseillers, c’est autour de 14 candidats », selon un homme de droit contacté. Selon nos informations, certains candidats ont été parrainés par plus de conseillers qu’il n’en faut. Or ceux-ci ne peuvent parrainer qu’un seul candidat. Beaucoup renonceront à la candidature faute de parrainage.
Aguibou Sogodogo
C’est vraiment dommage de la part de la cour constitutionnelle qui devrait faire dérogation cette année pour la situation d’insécurité au Nord et au Centre même si sa présidente parle d’insécurité résiduelle dans ces parties du pays. Cette dérogation devrait réduire le nombre de signatures afin de faciliter la tâche à certains candidats indépendants, il faut reconnaitre que notre démocratie est malade et très malade, alors une démocratie malade est parfois pire qu’une dictature.
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