Depuis une semaine, la campagne pour le scrutin présidentiel a officiellement démarré. Les candidats y sont désormais à fond. Cérémonies de lancement officielle de campagnes et autres meetings, diffusions de messages sur les antennes de la radio télévision nationale (ORTM), sur celles des radios privées et dans la presse écrite, portraits de candidats avec leur slogan qui inondent les villes et campagnes, conférences de presse, rencontres de proximité, tout cela fait partie des ingrédients et stratégies d’une campagne présidentielle. Si l’on ne s’en tenait qu’à ces éléments, l’on aurait l’impression qu’il s’agit d’une campagne présidentielle « normale ».
Il se trouve que (et on ne le dira jamais assez), le choix du futur chef de l’Etat intervient cette année dans un contexte bien singulier après le profond traumatisme que le pays vient de subir et duquel il se remet laborieusement. A contexte particulier, donc campagne particulière. Surtout qu’à la situation d’urgence dans laquelle le scrutin est organisé, deux facteurs peu favorables viennent se greffer : la saison des pluies qui s’installe tardivement mais certainement, et le mois de Ramadan. Analystes et observateurs ont déjà donné leurs avis sur ce que pourrait être l’impact de ces deux facteurs sur le taux de participation qui demeure désespérément bas dans le pays. Mais tout laisse à penser que les électeurs ont vite apporté la réponse à ces inquiétudes en se mobilisant fortement pour le retrait des cartes Nina (Numéro d’identification national) qui servent cette fois-ci comme cartes d’électeur. Ce qui amène à croire que malgré les risques de petits problèmes au niveau organisationnel du scrutin, et en dépit de la saison des pluies et mois de Ramadan, les Maliens sont décidés à aller aux urnes. Un retour salutaire à la citoyenneté longtemps à mal, il vrai par la défiance de nos compatriotes vis-à-vis de la classe politique accusée à tort ou à raison par le citoyen moyen, de ne rouler que pour elle-même. Une accusation entretenue par des pratiques comme les changements de position à 180°, des alliances jugées « contre nature », et le peu d’enclin à consulter la base de l’électorat pour certaines décisions cruciales.
Certes dans un pays comme le nôtre qui revient de si loin (une nation meurtrie, humiliée, devenue pratiquement la risée du reste du monde, et qui ne doit sont salut qu’à la communauté internationale sous le leadership de France), chacun doit jouer sa partition dans la sortie de crise. Il s’agit d’un véritable travail d’introspection collective pour prendre conscience des causes profondes qui nous ont conduits au bord du gouffre. Mais ce travail d’introspection doit commencer par les prétendants à la magistrature suprême, qu’ils soient issus « du système » où qu’ils soient novices. Car ce sont eux qui auront qui les leviers nécessaires pour opérer le changement que chacun d’eux promet et que chaque Malien réclame aujourd’hui. Heureusement, au vu des messages très critiques et parfois même très durs que les prétendants à Koulouba font véhiculer depuis une semaine sur la gestion du passé, l’on est en droit de croire que la volonté politique en faveur du changement est bien réelle.
Mais la tâche s’annonce titanesque. Car tout est refaire. Il s’agit de refonder un Etat qui a failli imploser et qui est désormais (n’ayons pas peur des mots) sous tutelle de la communauté internationale. De repenser la gouvernance dans tous les sens que cela englobe. Sans compter les éternels priorités qui changent la vie de la population, que sont l’accès à l’éducation, à la santé, à la sécurité alimentaire, à la sécurité tout court, et à la justice sociale. Au regard de tous ces impératifs, le pays aurait souhaité se donner de nouveaux dirigeants élus dans des conditions plus sereines et les moins contestables possibles. Mais le calendrier en a décidé autrement. Et dans ces conditions, le futur président de la République, pourra-t-il rompre avec le non respect du fait partisan que nombre de candidats dénoncent aujourd’hui comme étant l’une des principales causes des malheurs qui nous ont amenés au bord de l’abîme ? La question est bien évidemment posée.
S. TOGOLA