Ils s’appellent Bamba Gagny Kiabou, Cheick Boukadary Traoré, Abidine Ahmed Ganfoud, Kassoum Coulibaly, tous des Maliens mais d’illustres inconnus, à avoir précipitamment déclaré leur intention de briguer la magistrature suprême en 2012. La plupart de ces personnalités sont de la riche diaspora malienne, pilotent des structures politico-associatives et semblent être à la recherche d’une certaine notoriété pour leurs… «affaires». Toute chose qui peut s’obtenir facilement avec l’étiquette d’ "ancien candidat à la magistrature suprême " du Mali. Surtout qu’ici, comme ailleurs, il est très probable que l’ancien candidat au bail du prestigieux palais présidentiel, soit logé à une belle enseigne.
Qu’est-ce qui explique cet irrésistible attrait que le Palais de Koulouba exerce sur ces Maliens de la diaspora ? Croient-ils sincèrement en leurs chances d’être élus ou veulent-ils simplement frapper le regard de l’opinion ? Toute chose qui fait bondir le nombre de candidats à la présidentielle.
En effet, si à la présidentielle de 1992, l’on avait enregistré une dizaine de candidatures dont celle de Mountaga Tall, Drissa Traoré, Baba Hakib Haïdara, Alpha Oumar Konaré (élu pour son premier mandat), des feus Almamy Sylla et Tiéoulé Mamadou Konaté qui demeurent de respectables personnalités de la scène politique malienne, la course à la présidentielle de 2002 a battu tous les records avec 24 candidatures dont des plus audacieuses voire prétentieuses. L’épisode de 1997 devant être classé à part, puisque marqué par le boycott et n’ayant connu, finalement, que deux candidatures, celle du président Alpha et celle de Maribatrou Diaby.
Depuis l’élection présidentielle de 1992, la première élection pluraliste de l’histoire du Mali démocratique, la plupart des observateurs ont constamment relevé l’engouement que suscite l’événement. Non pas auprès des électeurs, comme on pourrait le souhaiter pour que cela relève quelque peu le taux de participation. Mais c’est plutôt sur certaines personnalités "éligibles" que la compétition semble exercer un irrésistible attrait. Des cadres maliens d’un type nouveau apparaissent depuis un moment, avec l’étiquette de "présidentiables". Un label qui semble leur coller à la peau et leur donne un air de "grand prétentieux de la République".
La dernière candidature en date pour le grand rendez-vous de 2012, qui inspire un sourire malin sur les lèvres des ténors de la classe politique malienne, est la déclaration d’intention du plus inconnu d’entre ces personnalités. Il s’agit de Kassoum Coulibaly qui, visiblement, a eu du mal pour allonger son CV. Il dirigerait un «Congrès Mondial pour l’Afrique (CMA)”, qui, affirme-t-il, est " une grande et large coalition d’individus et d’organisations du monde politique, économique, social, culturel et sportif ". Il compte procéder au lancement de la ”Décennie Mondiale pour la Renaissance de l’Afrique (2010-2020) ”, une grande campagne de réflexion, d’action et de communication en vue de la création des Etats-Unis d’Afrique».
Bien souvent, des structures de cette nature recherchent une notoriété internationale pour susciter l’appui des bailleurs de fonds ou des mécènes de par le monde, surtout en provenance des pays développés. Toute chose que la "candidature de M. Coulibaly à la prochaine élection présidentielle en République du Mali " peut lui procurer…
De même, dans une certaine mesure, Bamba Gagny Kiabou, Boukadary Traoré et Abidine Ahmed Ganfoud ont, plus que jamais, besoin d’une telle visibilité tant au plan national qu’international pour les entités qu’ils dirigent. Et le moyen tout trouvé pour atteindre cet objectif est de déclarer son intention de briguer la magistrature suprême à venir.
Mais, la difficulté que ces "candidats déclarés à la présidentielle de 2012" vont devoir éprouver est de rassembler à temps, le montant de la caution de 20 millions de nos francs, afin de constituer le dossier de candidature à déposer devant la Cour Constitutionnelle.
A l’exception de M. Kiabou, qui dirige un parti lilliputien et quasi-inconnu au Mali, la COREAM, les autres prétentieux devront compter sur la générosité de quelques " bons samaritains" pour constituer ce montant d’argent. Caution dont la hausse ne cesse d’être demandée par certains observateurs avertis de la scène politique nationale. Si cette hausse, de 20 millions à 50 millions F CFA venait à être décidée, nos candidats auront bien du mal à assouvir leur soif de "présidentiables à tout prix". N’ayant pas de parti digne de ce nom qui les soutient, certains de ces quidams devront casser leur propre tirelire, un véritable trésor de guerre, constitué à partir des "affaires" qu’ils font à l’extérieur. C’est le cas, par exemple, du fils de Moussa Traoré, Boukadary, d’Abidine Ahmed Ganfoud (le frère de l’ex-ministre de la Fonction publique et de la réforme de l’Etat, Bady Ould Ganfoud). Comme quoi pour acquérir une stature d’ "ancien candidat à la présidence de la République " et faire reconnaître son …machin par la communauté internationale, peu importe le prix à payer.
Par ailleurs, la pratique africaine de devoir consoler les compétiteurs (qui ont échoué) à la présidentielle par quelques strapontins, encourage plus d’un à se lancer dans la course. Des précédents l’attestent fort bien. Ainsi, la récente nomination de quelques anciens candidats à la présidentielle de 2007, notamment, est assez édifiante. Celle de l’éphémère ministre de l’Education de base, de l’Alphabétisation et des langues nationales, Mme Sidibé Aminata Diallo. Elle aura eu le mérite d’avoir été la seule femme à s’être lancée dans la course pour le Palais de Koulouba en 2007. Elle occupera ce portefeuille ministériel, juste à la formation du nouveau gouvernement du vainqueur de cette élection, le président ATT, au compte de son second mandat.
C’est le cas également de l’ancien ministre Soumeylou Boubèye Maïga (un candidat qui, lui, loin d’être un illustre inconnu, a fait ses preuves sur la scéne politique nationale), un autre candidat malheureux à ce scrutin, nommé, quelques mois plus tard, à la tête du Conseil d’administration de l’APEJ. Pendant ce temps, le leader du PARENA, Tiébilé Dramé, autre candidat malheureux à cette élection, sera propulsé comme Médiateur des Nations Unies à Madagascar, avec l’appui du même ATT. Mamadou Sangaré dit Blaise a bénéficié d’un non-lieu dans l’affaire de malversation à la Caisse des retraites du Mali. Des cas qui sont loin d’être exhaustifs.
Comme on le voit, il est presqu’établi qu’on ne perd rien en se lançant dans la course pour la présidence de la République. Au contraire…
Bruno Djito SEGBEDJI