La campagne électorale à l’occasion de l’élection d’un député dans la circonscription électorale d’Ansongo se déroule de façon singulière au sein du parti majoritaire. Si le BPN / RPM et la plupart des sous-sections d’Ansongo sont en ordre de bataille pour le triomphe du jeune Souleymane Ag Elmahmoud, candidat investi du parti, le candidat de l’ADEMA, Salerhoum Touré, adopte comme slogan de campagne le soutien indéfectible de son ami Abdoulaye Idrissa Maiga, ténor du RPM et ministre de l’Administration Territoriale.
Récit d’une quinzaine qui aura mis à nu les dysfonctionnements majeurs au niveau du BPN / RPM, transposé à Ansongo un remake de la guerre du RPM à Gao, créé la scène d’un abus de pouvoir sur les représentants de l’administration et des pouvoirs locaux.
Le 23 octobre 2015, la section RPM d’Ansongo tint une conférence d’investiture, à l’issue de laquelle elle jette son dévolu sur Souleymane Ag Almahmoud comme candidat du parti à l’élection d’un député dans la circonscription d’Ansongo. Le poids de ce défi sera contrebalancé dès le lendemain par le choc d’un appel téléphonique inattendu.
Au bout du fil, Abdoulaye Idrissa Maiga se présente (c’est leur premier contact), félicite le candidat pour le choix porté sur lui et l’assure de son soutien et de celui de son département.
Pendant ce temps, les autres candidatures se font jour, notamment celle de Salerhoum Talfo Touré, maire de la commune de Bara, porte-étendard du parti ADEMA-PASJ, mais aussi colistier du candidat du ministre de l’Administration Territoriale à l’occasion des élections régionales du 25 octobre, reportées.
Faut-il rappeler que cette liste, opposée à celle de l’ancien ministre Malick Alhousseini, a été annulée en premier jugement à Gao, puis définitivement en appel à Mopti, en même temps que la liste concurrente.
Une semaine après la déclaration de la candidature ADEMA, une rencontre discrète a lieu au domicile du maire de Bara, avec comme invité Mohamed Ag Efanfane, maire de Tessitt, mais également, et surtout, oncle et tuteur du jeune candidat du RPM.
Sur place, le candidat déclaré de l’ADEMA tend son téléphone à son invité. Au bout des ondes, le ministre de l’Administration Territoriale, Abdoulaye Idrissa Maiga. Il explique à son interlocuteur que, pour le bonheur du RPM, il serait convenable qu’il n’y ait qu’un seul candidat, étant entendu que Monsieur Touré a qualité pour porter une liste commune RPM – ADEMA, comme cela avait été le cas lors des élections reportées.
Ensuite, lui-même, maire de Tessit, pourrait en tirer son compte, étant entendu que l’examen de la gestion des collectivités, soit par les maires, soit par des délégations spéciales, est en cours au niveau du Département.
Aussi, promet-il d’être attentif au cas de l’élu en fin de mandat, si celui-ci parvenait à faire retirer la candidature de son protégé.
Consterné, Ag Efanfane prend congé et promet d’examiner la question en communauté. Le clan du patriarche de l’illustre marabout Almahmoud Ag Efanfane décida que la candidature du RPM sera maintenue.
Le candidat, accompagné de cadres RPM d’Ansongo, se met en route pour Bamako, où il est reçu par Bocary Treta, Secrétaire Général du BPN / RPM, qui le félicite, lui fait remettre au nom du Parti son budget de campagne et le renvoie à l’exercice de son droit de candidat du RPM à l’occasion de l’élection d’un député à Ansongo.
Mais l’ouverture de la campagne, le 19 décembre 2015, va inaugurer la bataille d’Ansongo, dans le cadre de la guerre pour le contrôle du RPM. Au cours de son meeting de lancement, le candidat de l’ADEMA, dont le discours a été écouté sur une radio privée d’Ansongo, exhibait un véhicule haut de gamme offert par le ministre de l’Administration Territoriale et déclarait avoir reçu également une somme substantielle comme accompagnement pour la campagne.
A cela s’ajouterait un soutien de tous les jours, qui se manifeste par les appels réguliers du ministre pour suivre la campagne, mais aussi par la mobilisation, en faveur du candidat ADEMA, de soutiens locaux et de missionnaires venus de Gao.
Faisons un retour sur les péripéties de la bataille fratricide des listes régionales, la liste RPM du ministre de l’Administration Territoriale – ADEMA – ASMA – avait alors visé un certain nombre de chefs de villages «fichés» comme favorables à la liste RPM.
A leur demande donc, le ministre instruit l’abrogation de la décision de nomination de ces chefs de village, ceux de Tassiga, Lellehoye, Youni, Monzonga et Gollingo, dans la commune de Bourra. L’acte administratif a été signé par le Préfet sortant, le Colonel Moussa Konaté.
A sa prise de fonction, le nouveau Préfet, Waly Sissoko, après examen du dossier, avait estimé qu’aucune erreur n’avait entaché le processus de nomination et pris une décision N° 2015 – 076 / P – CA, le 27 octobre, rétablissant lesdits chefs de village dans leurs prérogatives.
Dès le 03 décembre, une lettre N° 018704 du ministre de l’Administration Territoriale, est tombée comme un couperet à la préfecture d’Ansongo. Le Préfet y est tancé comme un malpropre et renvoyé à ses souvenirs de collégien, pour s’entendre rappeler que la nomination du chef de village relève d’une procédure.
Quelle humiliation pour un Préfet justifiant de plus de 25 ans d’expérience. Sur 7 longs chapitres, on lui rappelle la procédure dans les moindres détails. On lui versa sur le papier un module d’histoire et de sociologie, détaillant les us et coutumes en vigueur dans le Bourra. Enfin, le ministre lui demandera de rapporter sa décision dans toutes ses dispositions, illico presto. Ce qui fut fait le 27 décembre.
La Présidente de l’Union des Femmes du RPM, Mme Aïssata Lady Touré, en mission de soutien au candidat RPM, a du écourter sa visite, non sans une explication musclée avec le Gouverneur de Gao, afin d’examiner cette situation au plus haut niveau, non pas en terme électoral, mais pour désamorcer la bombe qui couvait.
Les villageois, promettent-ils, gardent toute leur confiance en leurs chefs et restent déterminés à les proposer une fois de plus. Dans le camp du RPM, on regrette cette instrumentalisation de l’administration. C’est bien ainsi qu’il en a été le jour du dépôt des listes régionales à Gao. C’est bien ainsi que le Gouverneur Oumar Baba Sidibé avait été sommé de rejeter une liste RPM, dont le seul tort était d’être opposée au puissant ministre de l’Administration Territoriale. Il fut relevé à un mois de sa retraite.
Son Directeur de Cabinet, Alassane Diallo, et son Conseiller Bany Cissé, «complices» furent relevés également. Seul bémol cependant dans le cas d’Ansongo, la décision inique ayant été prise pour les beaux yeux de l’ADEMA et de l’ASMA, sa gestion devint conflictuelle, puisqu’ils sont tous deux candidats, et pas prêts à céder l’un pour l’autre.
Le troisième larron, dont la ruine était visée par la décision, en dévient le principal bénéficiaire. «Dieu le Grand Inconnaissable, Infini et Immorte » siffle en refrain le candidat RPMiste.
A date, et de l’avis des observateurs, Souleymane Ag Almahmoud, titulaire d’un diplôme supérieur, éleveur par conviction, polyglotte français, arabe, bambara, peulh, sonrai, avec autant d’aisance que dans son tamasheq natal, est de loin le candidat favori. Son équipe de campagne jure, la main sur le cœur, que l’élection se dénouera définitivement le 10 janvier. Wait and see.
En attendant, le RPM vient encore de s’illustre sur la scène, par son inconduite et son arrogance. Les populations sont fatiguées. Elles sont révulsées par la gouvernance actuelle. Au cours d’une caravane du RPM à Tassiga, un patriarche nous confia qu’en traitant Moussa Traoré de démocrate, IBK n’avait pas que dit une vérité temporelle, il avait prophétisé.
«Dans l’ordre des pouvoirs AOK et ATT, la gouvernance IBK, illustrée par certains compagnons du Président, va achever de forger le regret des Maliens du régime de Moussa Traoré».
Salam Maiga, Correspondance particulière depuis Gao